Cadavres exquis

Juste pour vous distraire, le résultat d'un petit jeu auquel je me suis livrée avec Elgringo, il y a quelques temps. Sur le principe du cadavre exquis, nous avons créé chacun un personnage et avons construit l'histoire en alternant les points de vue, sans jamais savoir à l'avance ce que l'autre allait inventer. Voici le début de ce que nous avons obtenu. Devinez qui a fait quel personnage ^^ et si ça vous plait, je mettrais la suite.

Lorsqu’ Anaya ouvrit les yeux ce matin là, la première chose qu’elle vit, ce fut ses mains couvertes de sang. Elle les regarda un moment, interloquée, avant de se rendre compte qu’il y avait du sang partout. Sur sa chemise, ses bras, ses cheveux, les draps.... Son estomac se noua de peur, mais il y avait autre chose dans son esprit. Il s’était passé quelque chose cette nuit, elle en était sûre, mais quoi? Des images confuses, une sensation de violence, de bagarre, flottait aux limites de sa mémoire.
Elle se leva, chancelante, et enleva sa chemise de nuit pour se laver dans la cuvette à côté de son lit. Elle regardait l’eau rouge en ayant l’impression d’être coupée en deux - une personne qui frottait machinalement, comme tous les matins, et une autre encore prise dans les évènements de la nuit. Il s’était passé quelque chose avec le sorcier. Avait-elle encore fait un des ces cauchemars, si nombreux ces derniers temps? Mais un simple cauchemar n’expliquait pas tout ce sang.
Une bagarre, oui. Sa chemise de nuit était déchirée. Il avait voulu lui faire quelque chose de mal, et elle s’était défendue. Elle en était sûre, mais tout restait flou. Et il y avait autre chose, dont elle sentait qu’elle aurait dû se souvenir, mais qui fuyait.
Une fois habillée, elle finit par sortir de la chambre. Elle descendit avec précaution, se demandant ce qu’elle allait trouver en bas.

Rouge. Du rouge partout. Toute la pièce semblait rouge, éclaboussée de sang. Les meubles renversés, brisés, comme si une tempête avait soufflé dans la pièce. Le sorcier gisait au sol, mort, couvert de sang qui séchait. Elle resta paralysée, non pas de peur, mais parce que le souvenir de la nuit lui revint brutalement en mémoire devant ce spectacle.
Les images passèrent devant ses yeux: elle avait hurlé dans la nuit, réveillée par un cauchemar; le sorcier qui accourait, alerté. Puis il avait essayé de la violer, et elle s’était défendue. Comment avait-elle réussi à le vaincre, elle ne le savait pas; en tout cas, le corps du sorcier était disloqué, la nuque brisée. Et puis.... Une soif intense. Et elle avait bu. Quelque chose de délicieux, tellement apaisant et revigorant à la fois...
Le goût du sang dans sa bouche.

Elle comprit et ses cheveux se hérissèrent sur sa nuque. Elle hurla.
Elle fit quelques pas en reculant, puis se tourna et s’enfuit de la maison en courant.


Vampire, suceur de sang, sangsue, sans-âme, sang-du-damné... On donnait encore bien d’autres noms aux descendants du maudit, ceux qui ne pouvaient se montrer au soleil, et devaient boire du sang pour survivre. L’homme au long manteau de cuir assis sur son cheval les connaissait tous. Théodore de Caldéric ne détestait pas les vampires. Il les connaissait mieux que la plupart ne se connaissaient eux même, il comprenait que la plupart n’étaient que les victimes d’un sang dont ils avaient hérité sans le savoir, que s’ils avaient pu s’abstenir de tuer ils l’auraient fait, mais le devoir de Théodore était de les chasser quand ils devenaient dangereux. Pourchasser, attraper et tuer.
Chasseur de vampire officiel du royaume, tel était le titre que le roi avait conféré à Théodore dix ans plus tôt, quand il n’était encore qu’un jeune noble à la cour, fort habile à l’épée, et cultivé dans les arts interdits. Il venait d’une ancienne famille de la province des montagnes, à la noblesse indéniable, mais à la réputation un peu sulfureuse car plusieurs de leurs ancêtres avaient pratiqués la sorcellerie la plus noire, et avaient dû être brûlés par les autorités.
Théodore n’était pas un sorcier, mais la bibliothèque du château de son enfance avait été remplie de livres qu’en d’autres lieux on aurait sûrement brûlés dans un grand bûcher sur la place du village. Certains d’entre eux, les plus dangereux, devaient même être verrouillés sous clés pour éviter qu’ils ne s’ouvrent tout seul. Il se souvenait encore de ces longues nuits allongé sur son petit lit, à écouter les murmures incessants et les chants de sirènes de ces livres, tentant de happer son jeune esprit, de le pousser à les libérer. Mais déjà à l’époque Théodore avait une âme forte, et jamais il n’avait cédé.
Grâce à cela, quand un vampire plantait son regard hypnotique dans le sien, le chasseur répondait en plantant son épée dans le vampire.

C’était une affaire parfaitement ordinaire, beaucoup de sang répandu partout, une vieille maison. Un vampire s’était éveillé cette nuit là, et avait tué. Un témoin avait parlé d’une jeune fille, Théodore avait déjà repéré une trace de pas nue dans une piscine de sang, il la retrouverait.
Ce qui était moins ordinaire, c’était la décoration de la maison. Un sorcier avait vécu là, Théodore reconnaissait les livres aux murs, les accessoires... Un sorcier dont tout le monde avait ignoré l’existence jusqu’ici.
Théodore prit le temps d’inspecter plus en profondeur la maison. Quand il vit ce qui était caché dans la cave, il sentit son sang se glacer.
- Brûlez la maison, ordonna-t-il aux villageois. Brûlez tout, ajoutez de l’huile, de la paille, qu’il n’en reste pas une brique debout.

J'aime bien le concept du cadavre exquis ça donne toujours des résultats pas trop mal. J'ai donc lu ce premier post et je n'ai pas été déçue : le thème du vampire et du chasseur de vampire n'est pas nouveau, loin de là, mais je suis loin de m'arrêter à ce cliché. Voir l'histoire à trevers le point de vue de la proie et du chasseur es assez intéressant, cela permet toujours de mieux cerner les personnalités. Je trouve que vous vous en êtes bien sortis car, mise à part que le point de vue change, je n'ai pas vraiment saisi le changement d'auteur. Ca se lit tout seul, c'est fluide. Je lirai la suite avec plaisir car le style et l'intrigue me plait

Au pif : rainette, tu as écris la partie avec Anaya et Elgringo celle avec Théodore. J'ai tenté au moins

J'aime bien le concept aussi, J'en ai fais beaucoup avec mes amis pendant les révision!

En même temps tu n'avais pas beaucoup de risque de te tromper, mais tu as bien trouvé Irsis ^^

La suite ^^ toute correction est bienvenue!

Elle avait couru. Couru droit devant elle, à travers le village puis dans les bois, se faisant griffer par les broussailles sans même s’en apercevoir. Elle avait couru à perdre haleine, l’esprit brouillé, ne ressentant qu’une frayeur immense. Elle avait couru jusqu’à ce que ses jambes ne la porte plus et qu’elle s’effondre, épuisée, sur un tas de feuille morte sous les arbres.
Lorsqu’elle reprit conscience, elle fut incapable de savoir combien de temps s’était écoulé, ni où elle était, ni ce qu’elle faisait là. Elle erra plusieurs jours, hébétée. Les souvenirs lui revinrent progressivement, alors que la faim aiguisait sa conscience.
Elle avait quatorze ans, et cela en faisait dix qu’elle avait regardé partir sa mère par la fenêtre après qu’elle l'eut vendue comme servante au sorcier. Dix ans qu’elle servait cet homme au caractère versatile, parfois doux et aimable, parfois coléreux et violent.
Aujourd’hui, Le sorcier était mort. Il avait voulu la violer, et cela avait réveillé quelque chose de monstrueux qui l’avait détruit. De cela elle était certaine; mais impossible de démêler la réalité des cauchemars pour les détails. Plus elle y réfléchissait, plus elle avait peur. Un monstre avait tué son maître, mais pourquoi en avait-elle réchappé? N’allait-il pas se mettre à sa recherche?
Guidée par la faim, elle fini par revenir vers le village. Elle se retrouvait seule, sans abri, sans protection, sans amis. Il fallait qu’elle trouve de l’aide. Mais tout ce qu’il restait de la maison de son maître, c’était un tas de décombres noirs et fumants. Et ces rumeurs qui bruissaient dans l’air, colportée par les discussions des gens... Un vampire! Un chasseur de vampires était venu en ville et avait fait brûler la maison du sorcier.
Était-ce donc un vampire qui avait démoli sa vie? Elle avait la sensation qu’il y avait autre chose dont elle aurait dû se souvenir, mais impossible de mettre le doigt dessus. Tant pis. Elle avait trop faim pour réfléchir.
Rebroussant chemin, elle regagna les bois aux abords du village. Un bruit de sabot sur la route, non loin d’elle, attira son attention. Cachée dans un buisson, elle vit arriver au loin un homme sur un cheval, et son coeur accéléra. A son aspect, ce ne pouvait être que le chasseur!
Un fol espoir la souleva. Lui pourrait la protéger, si c’était bien un vampire qui la pourchassait.
Sans réfléchir, elle sauta au milieu de la route, devant le cheval qui fit un écart avant de s’arrêter. Le cavalier la regarda d’un air sombre.
“Aidez-moi, s’il vous plaît, supplia t-elle d’une voix douce. Il a voulu me faire du mal. Aidez-moi, je vous en prie. J’ai peur!”

Théodore avait regardé brûler la maison avec un froid détachement, jusqu’à ce que la bâtisse ne soit plus que cendres et ruines, et que toutes les preuves des activités maléfiques du sorcier aient disparus à jamais.
Le chasseur de vampire savait très bien qu’il n’aurait pas dû, mais il n’avait pu s’empêcher de récupérer quelques objets avant de laisser les flammes faire leur office. Quelques livres, qui viendraient renforcer la collection du château familial, et bien sûr un certain objet qu’il avait trouvé dans la cave, enfermé à double tour dans un petit coffret qui avait trempé trois lunes entières dans du sang de vierge librement offert, la plus puissante protection mystique que puisse fournir Théodore avec les moyens du bord. Même les plus talentueux oracles au service du roi ne pourraient pas voir ce qui se cachait dans le coffret.
Si la mauvaise personne mettait la main sur le secret caché dans ce coffret, Théodore pourrait être en danger, mais pas seulement lui, sa famille, la noblesse entière, le roi même... Il aurait dû le détruire, comme il avait détruit le reste de la maison, mais Théodore aimait vivre dangereusement.

Le sorcier avait réussi à vivre parfaitement dissimulé parmi la population pendant plus de vingt ans. Les vieux paysans que Théodore avait interrogé lui avaient dit que pour eux c’était un simple guérisseur de province, propre sur lui, toujours poli, et distingué, ne faisant de la magie qu’en restant dans les limites strictement autorisées par la loi. Ils n’avaient pas pu lui dire grand chose sur sa petite servante, une discrète petite fille qui était apparue à ses côtés un jour, sans que personne ne sache d’où elle était sortie.
Les enfants du villages lui avaient appris des choses plus utiles. Eux n’étaient pas dupes. Ils avaient vu depuis longtemps ce que les adultes refusaient de voir. Ils n’aimaient pas jouer près de la maison, ni les regards appuyés que le sorcier lançait parfois dans leurs direction.

Théodore laissa donc les paysans finir d’éteindre les flammes, et remonta sur son cheval. Il se dirigea vers la sortie du village au petit trot, cherchant le moindre indice qui aurait pu prouver que le vampire était passé par ici.
Il était un bon traqueur, et il était arrivé très peu de temps après l’incident, mais la piste était vraiment difficile à suivre. Alors que le chasseur examinait des traces sur un buisson, une petite fille sortit soudain de derrière.
“Aidez-moi, s’il vous plaît, supplia t-elle d’une voix douce. Il a voulu me faire du mal. Aidez-moi, je vous en prie. J’ai peur!”
Théodore resta un instant interdit. La petite silhouette couverte de sang lui rappela pendant un instant une autre petite fille qui l’avait appelé à son aide, plusieurs année plus tôt, avec le même accent de terreur et de panique. Une petite fille qu’il n’avait pas pu sauver, un visage terrifié qu’il revoyait encore dans ses cauchemars les plus noirs.
Sa petite soeur, morte il y a si longtemps, sa plus grande culpabilité.
- Tu... Tu dis que tu as vu le vampire ? demanda-t-il hésitant un instant.
Il ouvrit légèrement les pans de sa cape, montrant en dessous son épée et sa cuirasse de cuir.
- Du calme ! ordonna-t-il un peu plus assuré. Tu ne risque plus rien. Raconte moi tout.

Citation :

Il avait voulu la violer, et cela avait réveillé quelque chose de monstrueux qui l’avait détruit. De cela elle était certaine; mais impossible de démêler la réalité des cauchemars pour les détails. Plus elle y réfléchissait, plus elle avait peur. Un monstre avait tué son maître, mais pourquoi en avait-elle réchappé? N’allait-il pas se mettre à sa recherche?

Le fait qu'elle ne se rende pas compte que c'est elle qui a tué le sorcier est très intéressant. je trouve que tu décris très bien sa détresse.

Citation :

Mais tout ce qu’il restait de la maison de son maître, c’était un tas de décombres noirs et fumants.

Là je suis pa sûre mais je pense que "qui restait" conviendrait mieux...

Citation :

A son aspect, ce ne pouvait être que le chasseur!

Même si le "a" est en majuscule on peut mettre un accent dessus.

Citation :

Quelques livres, qui viendraient renforcer la collection du château familial, et bien sûr un certain objet qu’il avait trouvé dans la cave, enfermé à double tour dans un petit coffret qui avait trempé trois lunes entières dans du sang de vierge librement offert, la plus puissante protection mystique que puisse fournir Théodore avec les moyens du bord.

Pour moi, cette phrase est trop longue et un peu bancale de ce fait.

Citation :

Les enfants du villages lui avaient appris des choses plus utiles. Eux n’étaient pas dupes. Ils avaient vu depuis longtemps ce que les adultes refusaient de voir. Ils n’aimaient pas jouer près de la maison, ni les regards appuyés que le sorcier lançait parfois dans leurs direction.

J'ai bien aimé ces précisions.

Cette partie donne toujours autant envie de savoir comment ça va e terminer. Va-t-il finir par la protéger en souvenir de sa défunte soeur, ou la tuer en découvrant qu'elle est vampire ? Se sont les deux possibilités auxquelles j'ai pensé. L'histoire n'est ps novatrice en soi mais il y a quand même du duspens et c'est appréciable. j'ai eu l'impression aussi qu'on distingue plus les parties écrites par un auteur différent dans ce post je pense que c'est parce qu'au début de la partie de thodore on revient un peu avant leur rencontre.

Voilà ! Je n'ai rien d'autre à ajouter si ce n'est que c'est plaisant à lire

Ca y est, je viens de lire aussi, et j'avais deviné quelle partie tu as écrite, j'aurais été étonnée de ne pas voir un vampire dans cette histoire ^^

Je trouve l'exercice intéressant, je me suis demandée comment vous avez procédé : vous avez pris une situation de départ et avez ensuite chacun écrit votre point de vue dessus, pour regrouper ensuite ?
Je ne connais l'exercice qu'avec une feuille et en inscrivant mot à mot, mais avec une histoire complète, c'est nettement plus intéressant.

Les deux personnages sont vite intrigants, on a envie d'en savoir plus sur eux, et on s'attache vite à eux, surtout à la jeune fille innocente en apparence (pas tant que ça visiblement).
J'aime aussi l'idée que les vampires ont hérité de cela comme une malédiction par leur hérédité, et pas par une morsure d'un autre vampire.

Je suis comme Irsis, j'ai très envie de découvrir la suite !

En fait, nous nous sommes mis d'accord sur un thème général de départ, et nous avons choisi chacun un personnage sans le décrire. Le principe était d'écrire chacun son tour le point de vue de son perso. J'ai écrit le premier passage (du point de vue d'Anaya, mon perso) et puis je l'ai envoyé au Gringo, il a écrit le deuxième (point de vue de Théodore, son perso) et m'a renvoyé le texte, et ainsi de suite. L'histoire s'invente toute seule au fur et à mesure, l'idée est d'avancer sans jamais savoir ce que l'autre va ajouter et de voir où ça mène ^^

Et voici la suite.

Anaya fondit en larmes. Le ton amical de l’homme était le premier qu’elle entendait depuis bien longtemps.
“J’ai peur, répéta t-elle entre deux sanglots.
Elle s’essuya le visage avec sa manche, les larmes laissant des traînées blanches sur ses joues couvertes de terre et d’égratignures.
“Il y a un monstre là bas. Je ne veux pas retourner là bas. Mon maître est mort, je n’ai plus de maison. Je suis toute seule.
Elle se remit à pleurer, regardant le chasseur avec des grands yeux suppliants.
-Ne me laissez pas! Protégez moi!
En la regardant tordre sa robe nerveusement dans ses mains, Théodore s'aperçut qu’elle n’était pas aussi jeune qu’il l’aurait pensé. Elle avait de longs cheveux blonds emmêlés, ses bras et ses jambes étaient couvert de griffures, mais quelques signes laissaient entrevoir une future jeune femme. C’était sa petite taille et sa maigreur qui l’avaient trompé initialement. Il y avait probablement longtemps qu’elle n’avait pas mangé à sa faim.

Théodore avait appris à s’endurcir pour chasser les vampires, à ne pas se laisser toucher par les apparences, à ne pas se laisser ralentir par un soudain scrupule. Les vampires pouvaient ressembler à n’importe quoi, si Théodore était du genre à ne pas oser enfoncer son épée dans la poitrine d’un adversaire peu importe son apparence, il ne serait plus là aujourd’hui. Et pourtant en voyant cette petite tremblante, il ne pouvait s’empêcher de sentir son coeur se serrer.
- Monte, ordonna-t-il en tendant la main pour aider Anaya à grimper, et tais toi. Tu ne risques plus rien, mais j’ai besoin que tu répondes à mes questions aussi précisément que tu peux. Tu t’en sens capable ?
-Je vais essayer, murmura t-elle en saisissant la main tendue.

Elle se blottit contre le dos du chasseur, agrippant fermement sa taille de ses petites mains. Le cheval ne parut même pas sentir son poids. Ils se remirent à avancer. Ses tremblements se calmèrent progressivement, ainsi que ses larmes. Le pas souple de la monture la berçait et elle se sentait étrangement en sécurité, bien que cet homme soit un inconnu. Mais tout ce qui pouvait l’éloigner de ce village et de ces évènements effrayants était bon à prendre.
“Merci, murmura t-elle.

Théodore regarda les deux petites mains posées autour de sa taille, des mains jolies et délicates, mais un peu trop fines, un peu trop pâles. Une pauvresse peut être maigre, mais seule la négligence et la maltraitance pouvait donner à la peau cette apparence de porcelaine fragile. Il eut la tentation de prendre ces petites mains dans les siennes, de souffler dessus pour les réchauffer, de les serrer juste assez fort pour que les tremblements de la jeune fille dans son dos cessent.
Mais il ne voulait pas non plus que le geste soit mal interprété, et surtout il ne voulait pas trop s’attacher à la jeune fille. Aussi sans défense et faible soit elle, elle avait vécu dans la maison du sorcier, si elle avait vu ce qui se cachait dans la cave, elle était un danger pour toute la noblesse du royaume. Si elle avait compris ce qu’elle avait vu, elle était une dague posée sous la gorge du roi.
Théodore laissa donc passer quelques instants en silence, offrant à Anaya le confort de se serrer contre son dos, guidant son cheval dans la grande forêt qui entourait le village. La piste était difficile à suivre, et déjà presque effacée par une petite averse. Quand Théodore compris qu’il ne retrouverait pas la piste tout seul, il posa sa main sur celle de la jeune fille pour attirer son attention.
- Petite fille, j’ai besoin que tu m’écoutes. Je sais que ça peut te faire peur, mais j’ai besoin que tu te souviennes de ce qui s’est passé hier soir. Un vampire a attaqué ta maison.... mais il y avait autre chose n’est ce pas ? Il y avait quelque chose d’autre... quelque chose d’improbable, de terrifiant sûrement... dis moi ce dont tu te souviens ?

Très intéressant comme principe, et j'aime beaucoup le résultat, je suis accrochée, encore plus par les derniers paragraphes.

J'espère qu'il y aura une suite bientôt

La suite est toujours aussi prenante, autant que les parties précédentes. Je n'ai d'ailleurs aucune remarque particulière à faire dessus, si ce n'est que la fin me laisse sur la fin. Alors ce n'est pas une simple histoire de vampire ? il y a aussi autre chose ? C'est très intéressant en tout cas.

La suite...

Anaya somnolait, appuyée contre la cape de cuir, bercée par le pas régulier du cheval. Le soleil était brillant et chaud au dessus d’eux. Elle se sentait épuisée, bien qu’on ne soit que le début de l’après midi. Elle sursauta lorsque l’homme lui serra la main, et resta un instant déroutée, avant de reconnaître la forêt. Elle réfléchit pour tenter de ramener des brides de souvenirs, jusqu’à ce qu’il soupire, impatienté par son silence.
“Je ne sais pas. Je ne me souviens pas. Je me suis réveillée ce matin là, et il y avait du sang partout... Partout, et il était mort... Il était...
Elle ferma les yeux, et les tremblements reprirent. L’image du sorcier, son corps disloqué, sa gorge déchiqueté, l’effrayait. Elle renifla pour tenter de se reprendre, au bord de la nausée.
- Je dormais. Je faisais un cauchemar, et il est venu voir dans ma chambre. Je sais qu’il a voulu me faire du mal. Il a arraché mes vêtements, il m’a frappée... et ensuite, je ne sais plus. Il y avait tellement de sang, partout dans la maison...Je suis partie en courant.”

Il, il, il... Elle sentait bien que son récit n’était pas très clair, mais elle ne savait plus comment le désigner. Il lui avait interdit de l’appeler “sorcier”. Personne ne devait savoir, même maintenant qu’il était mort et qu’elle n’avait plus à lui dire “maître”.
La tête lui tournait. Elle se sentait de plus en plus engourdie, et elle avait de plus en plus de mal à lutter contre le sommeil. Sa propre voix lui parvenait lointaine, comme à travers un voile de coton. Elle se mordit la lèvre pour essayer de réveiller, mais en vain.
- j’ai faim... Murmura t-elle.
Et elle perdit connaissance, glissant mollement de la selle vers le sol.


Quand Anaya se réveilla, plusieurs heures s’étaient passées. Le soleil était bas sur l’horizon. Elle était allongée sur le sol, au milieu d’une clairière, emmitouflée dans une épaisse couverture à côté d’un feu crépitant. Une tente était montée à quelques pas, devant laquelle Théodore était assis, polissant une longue dague avec un chiffon huilé.
- N’essaie pas de bouger, lança-t-il alors qu’ Anaya aurait pu jurer n’avoir donné aucun signe qu’elle s’était réveillée. Je n’aurais pas dû te faire chevaucher aussi rapidement. J’aurais dû voir que tu étais épuisée... J’aurais dû voir que tu étais affamée... J’aurais dû voir que tu étais...
Théodore ne finit pas sa phrase, il savait que le choc de la vérité trop rapidement révélée risquait de détruire la pauvre petite.
- Je suis un chasseur de vampire, mon devoir est de protéger le monde des monstres qui se cachent dans les ténèbres pour s’en prendre aux plus faibles... Parfois ce devoir n’est pas si évident à accomplir...
Théodore leva devant ses yeux la lame aussi brillante qu’un diamant.
- Les vampires contrairement au mythes ne sont pas des cadavres réanimés par une magie maléfiques.... mais simplement des humains descendants du maudit. Il y a déjà des siècles de cela, un homme au coeur brûlé par la plus acide des haines, au pouvoirs immenses passa un terrifiant pacte avec une force mystérieuse issue des abîmes les plus sombres.
Son pouvoir ne pouvait être contenu en un seul corps. Il lui fallait des enfants, il engrossa cents vierges à travers le monde, qui ne surent même pas qui était l’homme sombre et séduisant dont elles avaient partagés la couche. Les cents enfants paraissaient absolument normaux, et vécurent des vies parfaitement ordinaires... Seulement vingt ans plus tard, un jeune homme rencontra une jeune femme, tomba éperdument amoureux d’elle, sans savoir que c’était sa demi soeur qu’il avait en face de lui. Ils se marièrent, ils s’aimèrent et ils vécurent heureux.... jusqu’à ce que le sang maudit de leur enfant se réveille. Il fut le premier vampire, et ses parents furent ses premières victimes...
Théodore dirigea la lame de sa dague vers Anaya, dans un geste qui n’était ni tout à fait innocent, ni tout à fait menaçant.
- Comprends tu ce que je te dis ? Les vampires sont des gens parfaitement ordinaires, qui en général ignorent eux même ce qu’ils sont... jusqu’à ce que le sang du maudit se réveille... “

Toujours aussi intéressant, par contre frustrant car je l'ai trouvé trop court
Vivement la suite.

J'aime bien la réinvention du mythe du vampire, ça explique aussi pourquoi elle se promenait dehors en plein jour sans problème.

Bien évidemment, je suis curieuse de savoir ce qui va se passer maintenant qu'il sait qu'elle est une vampire, va-t-il la tuer ou avoir pitié d'elle ? Quel suspense...

La suite, au fait ^^

Anaya se tenait coite, immobile sous sa couverture. Cette histoire l’effrayait et elle ne comprenait pas pourquoi il lui racontait cela. Elle ne savait plus si elle devait se sentir rassurée par le fait qu’il était un chasseur de vampires, ou si au contraire elle devait se sentir menacée...
Elle le regardait fixement tandis qu’il parlait, à moitié hypnotisée par les reflets du feu sur la dague. Elle s’étonna un instant de pouvoir distinguer le moindre détail de sa tunique dans la lumière faible et vacillante du feu, lorsqu’il pointa soudainement la dague sur elle.
“... jusqu’à ce que le sang du maudit se réveille...”
Il finit sa phrase qui resta un instant en suspens entre eux. Puis, d’un geste vif, il projeta un liquide sombre sur elle.
Les gouttelettes qui touchèrent son visage la brûlèrent comme de l’acide, et la douleur ramena soudain en un flash les souvenirs de la nuit précédente, effroyablement précis et clairs.

Elle criait dans son lit, victime d’un cauchemar, lorsque le sorcier était arrivé, comme souvent. Pourquoi, cette nuit là, il avait changé d’attitude, cela était un mystère... Mais il s’était jeté sur elle, arrachant sa chemise de nuit, la plaquant au matelas par les poignets pour essayer de la violer. Elle n’avait pas beaucoup de connaissances dans ce domaine, mais ses intentions étaient claires. Elle avait crié, s’était débattu, tentant en vain de se libérer, encore à moitié en proie à son cauchemar. Et puis soudain, quelque chose s’était passé. Elle s’était sentie comme détachée, voyant la scène comme au ralenti, comme si quelque chose s’était emparé d’elle à l’intérieur. Elle s’était assise, repoussant sans effort aucun le sorcier, dont le regard s’était chargé de terreur quand il avait comprit. Et puis elle l’avait projeté à l’autre bout de la pièce. Elle l’avait frappé, encore et encore. Et lorsque le sang avait coulé....
Le goût du sang dans sa bouche. Cette sensation exquise dans son corps à mesure qu’elle buvait, déchirant la gorge du sorcier dans son enthousiasme.
C’était elle qui l’avait tué. Elle était le monstre effroyable qui avait provoqué cette scène d’horreur. Elle que le chasseur était venue chercher...

Lorsqu’elle comprit que c’était elle, le vampire, elle se mit à hurler de terreur.

Quelques gouttes de sang de vampire, exposées pendant trois nuits entières aux rayons de la lune, sous un prisme de jade, voilà ce que Théodore avait jeté au visage de la jeune fille. Il aurait pu revendre cette mixture plusieurs centaines de pièces d’or par goutte, mais il avait préféré le sacrifier pour forcer la jeune fille à retrouver la mémoire. L’évènement serait traumatisant, évidemment, mais moins que si la malédiction dissimulée dans son sang se réveillait encore une fois sans qu’elle en ait le contrôle.

Anaya passa presque cinq minutes entières immobile à côté du feu, les yeux grands ouverts, le corps agité de petits tremblements. Pendant ce temps, Théodore continua à préparer son poignard, enduisant sa lame de diverses huiles parfaitement choisies.

Soudain la jeune fille se releva, ouvrant grand les yeux et se mettant à hurler de toutes ses forces et de toute son âme. Théodore avait prévu de rester distant par prudence, de ne surtout pas s’approcher d’ Anaya quoi qu’il arrive, mais le cri était si déchirant, si plein de souffrance, de peur et d’humanité qu’il en oublia toutes ses belles précautions. Il n’était pas un monstre, derrière son apparence de chasseur il avait un coeur humain qui battait.

Sans réfléchir, il attrapa la jeune fille, si frêle et si légère, et la serra contre son torse pour l’aider à se calmer.
- Allons... ce n’est pas si grave... je suis là ,ne t’en fait pas... tu n’es pas toute seule...
Elle ne pesait presque rien, elle était si fine et si fragile... Il ne pouvait s’empêcher de vouloir la protéger de toute souffrance, de tout le mal que le monde lui ferait encore...
- Tu es un vampire, mais ça ne fait pas de toi un monstre... Tu ne seras un monstre que si tu te laisses l’être... Ne t’en fait pas, je te protégerai.

Ah, enfin la suite, j'avais oublié cette histoire...

Bon, évidemment, c'est encore trop court, j'ai envie de savoir ce qui va se passer après ^^

Toujours aussi prenant, à quand la suite ?