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 Les racines de la folie

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MessageSujet: Les racines de la folie   Les racines de la folie Icon_minitimeJeu 15 Nov 2012 - 14:19

Dans un coin très sombre, obscur voire même carrément opaque de mon cerveau pousse une monstrueuse petite plante. Elle n’est pas moche du tout simplement terrifiante et mortellement épineuse. A cet endroit précis la lumière ne filtre jamais. Pas de photosynthèse ni d’arrosage, le végétal se nourrit d’un mélange d’hallucinations et de jus de vieilles synapses que la macération a chargé en éthanol. C’est pas une métaphore grotesque de mon subconscient ni un terrain vague où ma mémoire balance ses ordures, juste une parcelle de quelques millimètres qui échappe à tout contrôle de ma part.

Je ne sais pas vraiment pourquoi une plante a poussé là, au milieu des mines, dans cette terre boueuse aussi avenante à la vie que peut l’être la surface de pluton. Quand je remue la tête je sens ses feuilles me caresser les méninges et transformer mes pensées en Gidorah, ce magnifique monstre à trois têtes. Quand je secoue franchement ma boîte crânienne, un pollen se libère et le Gidorah prend la parole. Moi-même je ne comprends pas grand-chose à son mélange d’onomatopées et de cris gutturaux. Je perçois juste qu’il n’est pas très content et que certaines choses peu plaisantes vont se passer, envers et contre toute forme de logique.

A la base, la plante devait être un germe de microbe, un élément extrêmement viral que mon cerveau a foutu à la porte de sa boîte sans indemnités de départ. Dégoûtée de s’être fait virer alors qu’elle était sûr d’apporter de bonnes idées, la bactérie à errer un peu dans la matière grise avant de tomber sur ce sol hostile et d’y planter ses racines. Petit à petit, elle a accompagné mes faits et gestes au fil de ma vie, m’a parfois dicté une conduite chaotique en s’emparant des commandes grâce à de puissants jets de sève. A la place des fleurs, une multitude de petits yeux aux pupilles dilatées scrutent le monde et guettent une fissure pour s’y glisser et ainsi pouvoir interférer avec ma liberté de penser.

A mes 18 ans, désireux de prendre mon indépendance vis-à-vis de mes parents et de ce végétal parasite, j’ai avalé une bouteille de désherbant. J’ai passé les 15 premiers jours de ma majorité à l’hôpital mais la saloperie est toujours là, plus arrogante et manipulatrice que jamais. Tapie dans l’ombre, elle sait se faire oublier pour mieux éclore en pistils démoniaques quand je m’y attends le moins. C’est son côté vicelarde. Plus la situation ne se prête pas à ce qu’elle surgisse de son lopin contaminé, plus elle savoure son entrée fracassante dans ma capacité à réfléchir et à agir. C’est entièrement à cause d’elle que j’ai foutu une tarte à mon banquier qui me refusait un découvert. J’ai aussi été viré d’une boîte de nuit quand, particulièrement éméché, j’ai vainement tenté de mettre dans mon lit la serveuse sans le consentement de son mec monté comme une armoire à glace. Elle bourgeonne de plaisir à chaque fois que je me retrouve chez les flics à cause de ses conneries. Et difficile de leur expliquer que c’est pas moi mais une herbe folle dans ma tête. Chez le coiffeur, je lui demande à chaque boule à zéro de bien appuyer sur le côté gauche de mon caillou avec l’espoir de voir sa tondeuse me traverser la peau et lui couper sa sale tige.

C’est une plante qui ne se fane pas apparemment. Je ne sais pas exactement quand elle a commencé à me pourrir la tête mais ça remonte au plus loin que sont capables d’aller mes souvenirs. Peut être depuis ma naissance. En plus de me manipuler comme une marionnette, elle adore penser à ma place. Mettre des « oui mais non » un peu partout dans mes schémas intellectuels.
- Tu veux trier tes papiers là ? Oui mais non, tu t’en fous, t’as autres chose à foutre. Vas plutôt sonner chez ta voisine lui demander si elle n’a pas un problème de plomberie…
Du coup faut que j’attende les rares moments ou elle détourne son attention pour payer mes factures et aller m’excuser auprès de la voisine au sujet de mon intérêt douteux pour sa tuyauterie.
Depuis le temps que je l’héberge, j’ai fini par lui donner un nom. J’ai décidé que c’était une plante femelle et qu’elle s’appellerait Amy-Lee. C’est joli et peu banal mais on devine sous la candeur des douces sonorités le piège à peine dissimulé.

Un jour j’ai décidé de ne plus lutter contre ses douloureuses floraisons oculaires et d’aller dans le sens de sa perception des choses. Frontalement, j’ai suivi la direction de son lobe en disant amen à toutes ses idées saugrenues et les portes de la psychiatrie se sont ouvertes devant moi.

Et puis j’ai eu une idée assez machiavélique je l’avoue mais très efficace. Je suis allé acheter un bouquet de fleurs en bas de chez moi et après avoir agité la tête dans tous les sens, un peu comme un métaleux piqué par un frelon, j’ai éternué dessus de toutes mes forces. J’ai cherché dans mon répertoire l’adresse de la personne la plus insupportable à mes yeux. Je me suis rendu à son domicile pour déposer sur son paillasson la girandole de fleurs avec un petit mot.

- De la part d’Amy-Lee. Tu ne te rappelle peut être plus de moi mais je ne t’ai jamais oublié. Serais tu d’accord pour un tête à tête, partager quelques idées sur un avenir que l’on pourrait imaginer en commun. »
Je ne porte toujours pas mon ennemi dans mon estime mais j'ai appris que lui, par contre, portait très bien la camisole...

Je suis rentré chez moi en souriant. A la place laissée vacante par la merdeuse, j’ai planté des tomates cerise et quand mes amis viennent me voir dans ma tête, c’est un véritable régal à l’apéro.
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MessageSujet: Re: Les racines de la folie   Les racines de la folie Icon_minitimeVen 16 Nov 2012 - 11:08

C'est très bon, très bien écrit, assez impressionnant de maîtrise je trouve. Le vocabulaire est varié, les phrases sont rythmées et s'enchaînent naturellement. Ça passe tout seul, quoi, comme une bonne bière bien fraîche, et je ne parle pour le moment que de l'enveloppe extérieure.

Concernant le fond, c'est également très bien foutu. En fait, ça n'est pas une vraie nouvelle, en tout cas pas une nouvelle de nouvelliste. C'est une nouvelle de romancier. Amy-Lee, dont tu parles dans les deux autres textes que tu as postés (les "délires syllabiques", très bons mais que je n'avais pas eu le temps de lire avant ; et "singapour sling", que j'ai un peu moins aimé, le trouvant trop... touristique à mon goût), Amy-Lee disais-je donc est un personnage, un monstre et une belle plante intéressante, elle me semble être une sorte d'incarnation de la vocation du romancier, de cette sorte de perversion qui peut pousser quelqu'un à bâtir une seconde réalité parallèle à la première, pour pouvoir dire son propre regard, reproduire dans le monde les images qu'il a dans la tête. Tu traduis bien je trouve le côté obsessif, légèrement psychotique de l'entreprise, mais sans pathétique déplacé ni exagérations gonflantes (mon péché mignon).

Là où tu dis bien le temps, l'époque, c'est dans le côté un peu narcissique du texte - et quand je dis ça, ça n'est en aucun cas une attaque, une critique négative. Ton regard d'écrivain est ici tourné vers toi-même, mais on se retrouve dans une situation qui est le paradoxe d'un certain univers contemporain : d'un côté, tu trouves l'introspection, qui est d'une certaine manière la grande proscrite ("le monde moderne est une conspiration contre la vie intérieure" disait Bernanos) ; et de l'autre côté, il y a dans ton texte un aspect "égo-trip" assumé et plus "pop" (que l'introspection). Bref, tu arrives à faire le lien entre un certain égocentrisme télévisuel, publicitaire, et les "méandres de l'âme humaine" pour dire les choses de manière surannée. C'est fort, très fort, et je te souhaite de continuer dans cette veine.

J'ai été faire un tour sur ton FB, et j'y ai lu quelques textes de toi qui malheureusement n'ont pas toutes ces qualités. Par exemple, j'ai lu le texte sur les ivrognes du petit matin, où tu racontes que tu es allé dans un bar pour voir les alcooliques commencer à se murger dès l'ouverture, et j'ai trouvé ça beaucoup trop facile en comparaison. Tu donnais un peu des leçons de morale, tu tenais les personnes à distance et les jugeait un peu trop sévèrement, c'était moins intéressant. C'est un peu la même chose, je trouve, pour "Barbie tue Rick". Personnellement, (et j'ai peut-être tort, mais j'assume d'avoir tort), je n'ai pas eu envie d'aller plus loin que le synopsis, à cause justement de cet aspect "je suis le juge de mon temps". Je trouve que c'est une position trop confortable, et pas assez romancière, de se tenir dans sa tour d'ivoire et d'envoyer des scuds à destination du monde tel qu'il est. Il faut l'aimer un peu, ou au moins faire semblant de l'aimer, le monde, pour pouvoir le romancer. Enfin, je crois. Ça n'est que mon avis personnel.

Voilà, j'ai été content de te lire, je serais heureux de lire d'autres choses de la même série Amy-Lee si tu en as.

Bonne continuation, collègue batteur Wink
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MessageSujet: Re: Les racines de la folie   Les racines de la folie Icon_minitimeVen 16 Nov 2012 - 11:51

Hello

Merci pour ta lecture et ton commentaire constructif.

J'avoue que certain de mes textes sur ma page fb ne sont pas bons car écris il y a longtemps mais je les ai postés pour une seule raison : je ne renies pas mes 14 ans un peu débiles et contestataires et ça me rappelle des souvenirs, tout en ayant parfaitement conscience que ça ne plaira pas.

Dans Barbie tue Rick écrit l'année dernière, c'est totalement une critique 3' degrés qui n'a pour seul but que de servir la fiction. Ma tour d'ivoire et aussi crédible qu'une tour Eiffel en Chamalow et je regarde les gens s'agiter en bas sans leur faire de réelle morale, juste en soulignant ironiquement et sans méchanceté certain de leurs travers.

L'égocentrique est forcément un peu misanthrope puisqu'il se place au dessus de tout le monde. Et le misanthrope, le vrai, ne donne pas de leçons à des gens qu'il considère comme inférieur, il observe simplement entre crises de rires et indifférence totale.
Je trouve que prendre la peine de railler la société et ses travers, c'est assez philanthrope comme démarche. Ca prouve qu'on s'y intéresse et qu'on est parfois circonspect et sceptique face à ses décisions ou sa façon de se développer.

Je ne veux à aucun moment apporter un jugement en disant " mon jardin est mieux entretenu que le votre ". Juste proposer avec je l'espère un peu d'humour, un début de réflexion sans donner à aucun moment de solution. C'est je l'avoue un peu facile mais ça l'est moins que tenir les dérives sociales éloignées au plus possible d'un nombril chaque jour plus gros.

Je te souhaite une bonne journée sur le BPM de ton choix.

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MessageSujet: Re: Les racines de la folie   Les racines de la folie Icon_minitime

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