Passion Foot

Première mi-temps
Les débuts

Après cinquante-cinq minutes de jeu l’équipe d’Hérimoncourt sont menée deux buts à zéro. Hérimoncourt affronte Pont-de-Roide et il s’agit du dernier match de la saison pour l’équipe U19. C’est maintenant que Pierre Lapage l’entraîneur doit agir, le coach se tourne vers ses remplaçants et désigne :
—Paul tu rentres !

Paul Vallé se lève calmement, Pierre est obligé de lever la tête pour pouvoir le regarder. L’adolescent de dix-sept ans mesure un mètre quatre-vingt-quinze, athlétique, les cheveux châtains mi-longs tirés en arrière retenus par un bandeau blanc et des yeux noirs foncés.
Après s’être échauffé Paul retourne près du coach qui lui communique les dernières consignes :
—Je compte sur toi, sois un tueur devant le but.
L’adolescent enlève sa veste de survêtement, arborant un maillot blue avec des bandes blanches sur les manches, floqué du numéro treize. La balle sort en touche, le jeune homme rentre à la place de l’attaquant titulaire habituel.

Deux minutes après son entrée en jeu. Paul touche son premier ballon, mais à cause d’un mauvais contrôle le cuir sort de nouveau en touche. Paco Estéban, l’un de ses co-équipiers essaye de le rassurer :
—T’inquiète pas, la prochaine sera la bonne.
—Je ne me fais pas de soucis, rétorque Paul en tapant dans la main de Paco.

La balle est dans les pieds du meneur de jeu au centre du terrain. Le numéro dix d’Hérimoncourt quasi inexistant depuis le début de la rencontre retrouve sa vision du jeu. Une passe de l’extérieur du pied droit en hauteur pour Paco sur le côté gauche.
Le milieu de terrain fait un amorti poitrine, accélère balle au pied justifiant son statut de joueur le plus rapide de l’équipe. Il centre juste à temps, victime d’un tacle à retardement. La balle est très haute, Paul placé au point de penalty ne la quitte pas du regard. Sautant en même que deux joueurs adverses, c’est lui qui le premier peut reprendre le cuir de la tête. Le ballon tape le poteau gauche avant de rentré, malgré le plongeon du gardien. Réduction du score à un quart d’heure de la fin.
—Voilà le travail ! S’extasie le buteur.
—Bien joué ! Félicite le capitaine de l’équipe.

Mais la joie laisse vite place à l’inquiétude. Paco est toujours au sol suite au tacle qu’il a reçu. Le milieu de terrain se relève en boitant. Pierre prend la décision de le remplacer. En se replaçant, Paul jette un coup d’œil en direction de l’unique tribune du stade ou parmi les trois cents spectateurs se trouve la mère de l’adolescent. Sur le bord du terrain le coach continue d’encourager ses poulains :
—Ne baissez pas les bras !
Les minutes s’égrènent, plus que cinq avant la fin du match. Paul commence à payer les années où il n’a plus joué. Par manque de lucidité, il gâche une occasion en dévissant son shoot qui passe largement au-dessus du but adverse. Alors qu’un équipier est mieux placé que lui.

C’est la fin des arrêts de jeux, avec une toute dernière occasion pour Hérimoncourt. Un long ballon en cloche est envoyé vers la surface de réparation adverse. Paul remporte son duel aérien contre le défenseur central qui le marque, il parvient à la dévier du bout du crâne pour un équipier. Le goal sort à toute vitesse dans les pieds, mais du bout du pied droit pique le ballon qui effleure les mains du gardien avant de finir sa course au fond des filets.

Deux partout, une égalisation inespérée. Le buteur se fait congratuler par le reste de l’équipe, sauf Paul qui à un genou à terre et tente de reprendre son souffle. Il finit par se relever pour aller se replacer, mais l’arbitre siffle la fin du match.
Ce n’est pas la joie dans le vestiaire, un silence règne comme si l’équipe venait de perdre la rencontre, mais Pierre ne fait pas de reproche :
—Les gars, faites pas ces têtes d’enterrement on n’a pas perdu aujourd’hui.
—Ce n’est pas en jouant comme ça qu’on fera quelque chose de bien la saison prochaine. Peste le gardien de but de l’équipe.
—On s’est fait balader pendant une partie du match, fait remarquer l’un des milieux de terrain.

En sortant du vestiaire, Paul tombe sur sa mère qui l’attendait et elle tient une caméra numérique dans ses mains, son fils fait le rapprochement :
—Tu as filmé la partie ?
—Pas en entier, juste à partir du moment où tu es entré en jeu. C’est Lucie qui m’a demandé ce service, elle ne pouvait pas venir aujourd’hui et elle ne voulait pas manquer tes débuts. Puis quand tu as foulé la pelouse, j’ai eu une pensée pour ton grand frère qui doit être fièr de toi.
—J’espère, vu le nombre de fois où je l’ai déçu. Je vais essayer, plutôt nous allons essayer de faire une bonne saison l’année prochaine.

Nouvelle version après correction

Seconde mi-temps
Grand frère

Hérimoncourt est une petite commune de l’est de la France, appartenant au département du Doubs et la région Franche Comté.
Paul se rend seul au cimetière où repose Thibaut son frère aîné. Il y a un an, le jeune homme âgé de vingt ans est décédé dans un accident de voiture, sur le chemin du retour après une soirée en boîte de nuit pour fêter la signature de son premier contrat pro qui lui aurait permis de jouer pour l’équipe du FC Sochaux Montbéliard.

Devant la sépulture de son frère, il se remémore les nombreuses disputes les mois précédant son accident et son cœur est remplit de tristesse. C’est la première fois que Paul vient depuis l’enterrement, les mots ont du mal à venir et l’adolescent finit par se lancer :
— Excuse-moi, je n’ai pas toujours été un petit frère exemplaire, j’étais tout simplement jaloux de ton talent et j’avais également du mal à supporter la comparaison.
Toi le grand frère sérieux et travailleur, quant à moi certaines personnes me qualifiaient de tire-au-flanc qui ne ferait rien de sa vie. J’essaye de changer, j’ai repris le football et fait mes débuts pendant le dernier match de la saison.
Je suis rentré quelques minutes en seconde période, un but et une passe décisive. J’ai hâte que la prochaine saison débute, je suis sûr que l’équipe d’Hérimoncourt sera capable de grande chose pendant le championnat régional.

La mélancolie laisse place à l’espoir, en sortant du cimetière le jeune garçon lève la tête vers le ciel bleu azur sans aucun nuage, pas de doute l’été approche à grand pas et l’adolescent se dit pour lui-même :
— Grand frère, j’espère que tu veilleras sur moi.

Paul habite le quartier de la Bouloie, situé sur les hauteurs de la petite ville, l’immeuble du douze rue des Auges, facilement reconnaissable avec sa façade grise décrépite. Paco s’amusait avec un ballon prêt de l’entrée, son mauvais coup pris lors du dernier match n’est plus qu’un mauvais souvenir.
C’est lui, ce petit bonhomme mesurant un mètre soixante-six, avec sa coupe de cheveux désordonné et son visage juvénile de collégien qui a réussi à convaincre Paul de reprendre le foot.
— Te voilà, remarque Paco en passant la balle à Paul.
— J’avais une petite chose à faire.
Une voix féminine se fait entendre :
— Salut vous deux !
— Salut Lucie, rétorque Paul en se retournant pour faire la bise.
— Paul, un but et une passe décisive. C’est de famille d’être aussi talentueux ?
— C’est toujours le buteur qui est félicité, je lui ai quand même fait la passe décisive!

Lucie a dix-sept ans, cette adolescente aux longs cheveux blonds, à la silhouette svelte et les yeux bleus très clairs. Paul a un petit faible pour elle, il préfère surtout sa douceur et son sourire bienveillant. Mais le jeune homme n’a jamais pu encore dire ce qu’il ressentait pour elle, ressentant toujours un blocage à chaque fois.

En rentrant à l’appartement, Paul retrouve sa mère en larmes dans la cuisine qui continue tout de même à préparer le dîner, bien sûr il accourt pour comprendre ce qu’il se passe :
— Qu’est-ce qu’il y a maman ?
— Rien s’est les oignons qui me font pleurer.
Paul jette un coup d’œil prêt de la plaque à gaz et dans la pièce :
— Il n’y a aucun oignon, dis-moi ce qui ce passe vraiment.
Elle sèche ses larmes et explique :
— J’ai eu un coup de blues, donc je suis allé farfouiller dans les affaires de ton frère et j’ai trouvé une clef USB que je n’avais pas vu. J’ai dû la ranger sans faire attention avec le reste.
— Elle contient quoi ?
— Il notait tout ce qu’il ressentait, cela devait être son journal intime.
— Tu peux me la passer ?

Après le dîner, Paul va dans sa chambre, allume son ordinateur et connecte la clef USB à la tour. Les premières lignes datent du jour ou Thibaut a appris qu’il intégrerait le centre de formation du FC Sochaux :
«Je me souviens, j’avais quatorze ans à l’époque, des dirigeants du FC Sochaux m’avait repéré lors d’un tournoi que je disputais avec Hérimoncourt et ils m’ont convié à passer les tests de détection.
J’étais très stressé, mes jambes étaient de vrais piquets. Puis le test à commencer et je me suis mis à jouer comme d’habitude et je suis parvenu A me surpasser.
Le plus long a été d’attendre la réponse, le directeur du centre avait directement appelé chez nous et s’est maman qui m’a dit la bonne nouvelle. »

Thibaut avait couché sur le papier d’autres anecdotes, ainsi que ses coups de cœurs et de gueules. C’est l’un de ses coups de gueule qui attire son attention :
«Normalement, je devrais être content puisque je viens d’enfin signer mon contrat pro, aller jouez au stade Vélodrome à Marseille, au Parc des Princes à Paris. Mais je n’y arrive pas, Je me suis encore disputé avec mon petit frère ou plutôt s’est moi qui me suis bêtement énervé quand il m’a annoncé qu’il arrêter le football.
Je pensais que Paul et moi-même partagions le même rêve, mal m’en a pris et j’ai même l’impression qu’il prend ses distances.»

Ce sont les dernières lignes écrites par Thibaut avant de mourir, submergé par l’émotion, des larmes coulent sur ses joues, alors que l’adolescent c’était promis de ne plus pleurer son grand frère. L’apprenti attaquant sait qu’il ne deviendra peut-être jamais joueurs professionnel, mais le jeune homme fera pour tout pour faire bonne figure lors du championnat régional et pourquoi pas le remporter.