Les Présageurs - Partie 6

Voici un autre bout, qui vient un peu après celui où Rey et Hakkrat se sont rencontrés. Rey est en fait en plein milieu d'une bataille, mais un phénomène la projette dans un ailleurs fantasmagorique.

On retrouve ici quelques expressions que j'ai repris dans "Marche vers le ciel".

Aronh est un autre Présageur. Goshua est un ours du désert (qui s'appelle ici le désert Bel-Bê-Neth ; c'est en fait l'endroit où Rey et Aronh font connaissance)

La Brume est à l'origine de la magie dans le monde.




Du piano.

Des accords graves et profonds.
Des notes légères et mélodieuses par dessus.
Des arpèges, qui dessinent des arcs-en-ciel dans l'imaginaire.

Qui joue cette musique merveilleuse ?
J'aime tant l'écouter. Elle est si belle.
Si belle...

J'ai l'impression de rêver.
Je veux rêver.
Encore. Toujours.

Rêver...

Rey ouvrit les yeux.
Elle était allongée dans son lit. Elle reconnut son plafond, sa fenêtre, l'odeur de sa chambre. La couleur chaude des murs. Les zébrures de lumière. La brise fraîche.
Elle était à Ebrasil.
- C'est vous, Maître ?
Assis derrière le grand piano à queue qui s'ouvrait pour laisser sa musique envahir la pièce, Maître Nolwan se balançait au rythme des notes. Ses mains caressaient le clavier et le piano délivrait des sons d'une pureté rare.
Rey fut comme suspendue un moment. Puis elle referma les yeux et se laissa bercer par la musique. Elle écouta, encore et encore.
Elle aurait pu rester là, pour l'éternité, enveloppée des accords bémolisés et des trémolos du piano. Elle se sentait si bien...
Quelque chose remua sur le lit.
- Eh, empotée ! Debout !
Rey sourit en reconnaissant la voix.
- Fen ?
- Encore couchée alors qu'il fait jour depuis un bon moment !
Rey rouvrit les yeux. Assis sur le rebord de son lit, Fen l'observait de son regard impérieux. Sa queue ondulait paresseusement dans son dos.
- J'arrive, dit Rey en se redressant.
Elle quitta le lit et se dirigea doucement vers Maître Nolwan, qui continuait de jouer. Sans un bruit, elle vint s'asseoir à côté de lui.
- Chante, lui murmura Maître Nolwan sans s'arrêter.
Rey hocha la tête. Elle prit une inspiration, et chanta. Sa voix se mélangea à celle du piano, à tel point qu'on ne les distingua plus l'une de l'autre. Les murs résonnèrent sous l'intensité du son. Rey sentit la musique la pénétrer au plus profond d'elle-même. Son corps, sa chair, ses os chantaient en harmonie avec elle.
Elle fut transportée ailleurs. Elle avait quitté son enveloppe charnelle, elle avait quitté sa chambre, sa maison, Ebrasil. Elle flottait dans le ciel, dans l'espace, et tout autour d'elle entrait en résonance avec son âme, sa voix, le piano.
Tout n'était plus que son, et l'univers entier vibrait en musique.
Quand Maître Nolwan plaqua les dernières notes, elle demeura un instant dans cet autre monde, avant de retrouver son corps.
Maître Nolwan lui souriait.
- Tu as fait de grands progrès.
- Vous le pensez vraiment ?
- Oui. Je suis très fier de toi.
Rey sentit les larmes lui monter aux yeux, et elle prit son Maître dans ses bras.
- Merci, Maître. J'ai tellement attendu ces mots. J'ai cru que vous ne les diriez jamais.
- Allons, allons. Même si je ne les avais pas dits, cela aurait quand même été vrai.
- Je sais... Mais les choses sont plus vraies lorsqu'elles sont dites.
- Madame, tu es encore triste ? demanda une voix d'enfant.
Rey relâcha Maître Hoben et regarda Farlif, qui la dévorait avec des yeux inquiets. Il tenait entre ses doigts une étoile d'argent, sa fleur préférée, aux fragrances piquantes et relevées.
Rey essuya ses larmes d'un revers de main et prit la fleur que lui tendait l'enfant.
- Mais non, Farlif, je vais bien. Ce sont des larmes de joie.
- Des larmes de zoie ? Z'ai zamais vu ça !
Et il rit.
Son rire cristallin emplit toute la pièce, et Rey trouva que c'était une musique plus belle encore que celle qui émanait du piano. Elle se mit à rire elle aussi, bientôt imitée par Maître Nolwan, et tous trois s'esclaffèrent sans pouvoir s'arrêter.
Elle aurait pu rire ainsi pour l'éternité.
- Oh, mais ça respire la bonne humeur, ici, dîtes-moi !
Rey vit d'abord sa robe couleur lilas. Puis son visage ridé et serein. Dans ses mains un peu fébriles, elle tenait un plateau où des tasses de thé fumaient et embaumaient l'air de leur parfum.
- Miss Marova...
Rey courut l'embrasser. Miss Marova se laissa faire avec plaisir.
- Doucement, je suis vieille !
- Vous m'avez tant manquée.
- Toi aussi, mon enfant. Ce que tu peux être belle ! Encore plus que la dernière fois qu'on s'est vues.
Miss Marova déposa le plateau sur une petite table.
- Ca sent rudement bon, commenta Maître Nolwan.
- C'est du thé pour les gens heureux, dit Miss Marova avec un sourire radieux. Il y en aura pour tout le monde ! Et après, on ira cueillir quelques champignons, ça vous dit les jeunes ?
- Oui ! clamèrent Rey et Farlif à l'unisson.
Une tornade de poussières s'éleva soudain au-dehors, et un animal gracieux se posa sur le sol.
- Yagûn !
Le tigre replia ses ailes et ronronna quand Rey lui sauta au cou. Elle aimait tant enfouir son visage dans la fourrure soyeuse et brillante de son ami.
- Je suis heureuse de te revoir.
- Il faut toujours que tu fasses une entrée remarquée, marmonna Fen.
- Tu me cherches, boule de poils ? dit Yagûn avec son sourire carnassier.
- Arrêtez, tous les deux, fit Rey, amusée.
- Que fais-tu ici ? demanda Fen.
- J'apporte de la compagnie, répondit Yagûn.
Il s'écarta un peu sur le côté. Un ours gigantesque apparut dans le jardin.
- Goshua, souffla Rey. Et...
Aronh.
Elle s'approcha. Aronh descendit du dos de Goshua et l'attendit.
- Aronh...
- Bonjour, Princesse.
- Aronh, il faut que je te parle.
- Je t'écoute.
- Je sais pourquoi tu as fait tout ça. Je te comprends, et je te pardonne.
- Cela n'a plus d'importance, maintenant.
- J'ai tellement souffert...
- Je sais. Je suis désolé de t'avoir causé autant de malheur. Viens...
Il lui ouvrit ses bras, et elle s'y réfugia.
Autour d'eux, il pleuvait des étoiles d'argent et des cœurs bleus. Les fleurs décrivaient des spirales avant de mourir doucement sur le sol, où elles disparaissaient en silence.
- Reste avec moi, souffla Aronh.
Le jardin se transforma peu à peu. Les brins d'herbe se flétrirent, pour laisser la place au sable brûlant du désert Bel-Bê-Neth.
- Je t'aime, Aronh.
- Je t'aime aussi, Princesse.
Yagûn s'avança. Ses longues ailes blanches s'étirèrent et se refermèrent sur les deux Présageurs dans un bruissement, pour les cacher au regard du monde.
Rey entendait le cœur d'Aronh battre contre sa poitrine. Elle eut l'impression que c'était son propre cœur qui battait. Elle ne savait plus. Etait-ce le sien, ou celui d'Aronh ? Etait-ce le leur ?
Les plumes des ailes de Yagûn devinrent floues. Les étoiles d'argent et les cœurs bleus tourbillonnèrent pour se fondre dans le décor changeant, et Rey et Aronh furent bientôt enveloppés par la Brume.
Deux silhouettes se dessinèrent sous la pointe d'un pinceau invisible dans le fond argenté et s'approchèrent d'eux.
- Rey, regarde, dit Aronh.
Rey leva les yeux vers les deux nouveaux venus.
- Les reconnais-tu ? demanda Aronh.
- Oui. Ce sont... Père et Mère. Je ne les ai jamais vus, mais j’ai toujours su qu’ils étaient là, avec moi.
Leurs parents leur sourirent. Rey remarqua qu'elle avait les mêmes cheveux que sa mère, d'un noir de jais, mais elle possédait les yeux noisette de son père.
Elle les prit dans ses bras lorsqu'ils les rejoignirent. Pour la première fois de sa vie, elle était avec sa famille.
Fen, Maître Nolwan, Farlif, Miss Marova, Goshua et Yagûn les entourèrent, pour former un cercle d'amour autour d'eux.
Le temps aurait pu arrêter sa course, et Rey aurait pu se figer avec son frère, ses parents et ses amis, serrée contre eux, unis pour toujours.
Pour l'éternité.

Elle est morte ? O_o

En tout cas, y en a beaucoup de mortsdans cette partie ^^

Toujours aussi bien raconté, toujours aussi impossible d'attêter de lire en cours de route ! J'adore toujours autant ^^

Merci... Je me sens honteux de ne pas en écrire plus, de ne pas avancer. Mais comme Iron, je préfère attendre les moments où l'envie d'écrire devient telle que ça devient un besoin. Sans elle, je fais quelque chose d'assez moche...

Et non, non, elle n'est pas morte... ^^

Enfin, pas encore !

Hakkrat a écrit:

Enfin, pas encore !

Ouf

Enfin, tu vois, moi, je n'écris, mais c'est normal, j'ai plus mon joli pc... ( ) Comment ça, je peux écrire sur ce pc ? Euh...

Franchement je n'ai pas spécialement accroché avec ce passage à la différence des autres extraits que tu as posté.

peut-être parce que ça "dégouline trop de bons sentiments"(comme aurait dit mon prof de philo^^)et sur un texte de cette longueur j'ai,en général,du mal à ne pas décrocher.
peut-être aussi parce que c'est un peu difficile de se sentir concerné par leur bonheur étant donné qu'on ne sait rien de certains et très peu des autres (puisque tu as posté dans le désordre,mais ce n'est pas une critique ça!).

je ne me suis pas du tout sentie proches d'eux,voire même de plus en plus éloignée au fil du texte. le début avec Fen et Nolwan allait encore,mais plus j'ai avancé moins j'ai suivi.

En dehors de ça par contre,ton style est toujours aussi impeccable,et rien que pour ça je te félicite!

je suis un peu négative cette fois,désolée,mais je suis sûre d'apprécier les suivants,comme ceux passés...

Tu aimes bien les mélodies de piano toi!

J'ai bien aimé, ça fait un peu écho à "Marche vers le ciel", un peu le même style, mais le passage est tout de même bien!

Bouh, je suis un peu triste que Morrigan n'ait pas aimé (ou moins).

En même temps, je comprends qu'on ne soit pas trop à fond dedans, étant donné qu'effectivement, vous ne connaissez pas encore tous les personnages...

Merci quand même !