Je suis donc correctrice de métier, et il m'est arrivé de travailler mon écrit sur quelques pages. Difficile de faire "bien" quand on a le nez dedans, corriger, ce n'est possible que lorsqu'on n'est pas impliqué émotionellement dans un texte, ne croyez-vous pas ?
Je vous livre donc quelques pages d'un récit pour l'instant inachevé par manque de temps.
A vous les critiques, en vous remerciant de votre patiente lecture
La chose s’insinua lentement dans le corps de sa victime, se glissant dans le cadavre par tous les orifices qu’elle avait pu découvrir. Le corps effectua une série de gestes désordonnés, comme s’il accomplissait une danse macabre.
L’homme s’assit, son visage blanchi par la mort s’anima pour faire se mouvoir les yeux. Les souvenirs s’agitaient et remontaient jusqu’à sa mémoire figée. Il revoyait sa fin, la Gardienne fichée profondément en lui, et un vague chevalier la tenant solidement malgré son armure épaisse, le temps qui se figeait ensuite, le ciel qui blanchissait … La panique qui s’était finalement retirée de son esprit, comme la marée de la plage, laissant la place à la mort noire et implacable qui survient. De la douleur, il ne se souvenait plus. De ce long sommeil, il ne savait plus rien. Il ouvrait à nouveau ses yeux sur cette clairière abandonnée des hommes mais jonchée de corps et de charognards. La mort avait commencé comme une brodeuse patiente, son ouvrage morbide.
Un peu plus et il serait resté dans son sommeil éternel. Tapie au fond de son nouvel hôte, la chose esquissa un sourire mesquin et s’activa de nouveau. Il était temps de se remettre en marche. L’hôte ferma les paupières, peut être dans l’espoir de les faire cligner, il mesura ses mouvements fébriles pour enfin se tenir debout. Les bras étaient ballants le long de l’armure trouée et tachée de son propre sang. Il mit un pied devant, puis l’autre, et le corps mort tout entier se mit en branle. Il avait toujours son épée rouge de ses dernières tueries à la main.
Il y avait juste une chose. Il ne se souvenait plus de son propre nom. L’ombre en lui fit la moue et poursuivit sa tache.
L’ombre s’épuisait. Le corps avançait lentement en titubant, traînant à son côté cette épée si lourde qu’elle laissait un sillon profond dans le sol. Il psalmodiait des mots sans suite qui ne signifiait rien pour son hôte, comme un refrain incessant et pathétique, aux sonorités inconnues. L’ombre devait se ressourcer au plus vite, mais pour cela il fallait que le corps cesse toute activité. Elle avait choisi son hôte en hâte, sous peine de disparaître à jamais. Le premier cadavre venu avait fait l’affaire dans un premier temps. Sauf qu’une partie de l’esprit de celui-ci refusait de s’ouvrir et de se laisser enfin emplir de ce qu’était l’ombre.
Ce n’était pas normal. Le cadavre devrait être trop frais, trop récent. D’ailleurs avant de s’y faufiler, Elhonaure avait ressenti la vie qui s’enfuyait, le sang qui palpitait toujours dans les veines. C’était infime, mais cela était.
De toute façon l’heure n’était plus aux regrets. Il avait désobéi et il avait trouvé un refuge, c’était tout ce qui importait. L’ombre se concentra. Comme s’il était soudainement devenu réceptif aux désirs de l’âme qui le hantait, le corps à l’épée s’arrêta brusquement, au pied d’un chêne centenaire, loin des voies d’accès les plus proches. Il mit avec effort son épée à sa ceinture, cessa de psalmodier son épuisant refrain, et s’effondra sur le sol terreux, face contre terre. L’âme vidée de son énergie première, remercia d’une prière rapide les Autres qui semblaient être de son côté et se mit en transe.
Son hôte s’était endormi. Surprenant pour un mort.