Etat des lieux (station RER Auber,Paris)

Etat des lieux

c'est une goutte dans un seau
elle sort doucement du plafond
lèche le carrelage bleu
rajoute sa pellicule de calcaire
résiste encore une minute
a l'inévitable chute
ploc ! dans le seau
un seau plastique noir
un peu trop seul
alors pour l'accompagner
préventivement
on a adossé un petit panneau
pour dire qu'il fallait faire attention!
ne pas se prendre les pieds dedans
et saloper tout le travail d'entretien
tant bien même
il faudrait être sacrement étourdie pour buter dedans
ce seau tout seul dans l'antre de la station Auber
mais ici passent a tort et a travers
les parisiens, les banlieusards comme des papillons affolés

sans le seau
il y aurait une flaque de plus
et l'humidité suinte des murs
grignotés par la salpêtre
encore un peu de temps
et on pourra rêver de stalactites
de stalagmites
le ventre de paris dégouline
un ventre gros de méchant gaz
d'une respiration encombrée
oui le ventre de paris prend eaux
ça ruisselle monotonement
et c'est encore un peu de crasse là qui coule dans le couloir
quand elle ne coule pas
elle stagne
sans être un premier de la classe
mais on peut deviner une foule
de petits organismes a 10 ou 20 pattes
faire leur quatre heures
un peu partout

a bien réfléchir ce ne doit pas être que le quatre heure
mais le déjeuner, le diner, le souper
une orgie piochée dans les sacs en plastique
petit frigidaire des sans abris
et comme en toute fête
on boit un peu
dans le couloir dort un gobelet
doucement au milieu de la poussière
rêve t il d'un balayeur?
comme on rêve d'un prince charmant?
attend t il son recyclage
comme d'autres leurs réincarnations
les ascenseurs, eux, abandonnés
comme de vieux automates
attendent en vain le petites mains d'un mécanicien
si par hasard, le voyageur opte pour des couloirs annexes
il découvre des lieux
qui n'ont jamais vu ni le soleil
ni une serpillière
une neige couvre le bord des escaliers mécaniques
ils sont blancs
et comme des pistes de grandes stations de Savoie
des traces de glissades s'y devinent
de quelques doigts imprudents
pratiquant le hors piste

je me souviens
des jours où il fallait se méfier des oiseaux
des jours où on mettait en cage les volières
rapport a une mauvaise grippe
c'est vrai les microbes ailés, faut faire gaffe!
surtout quand ils ont une tête de rouge gorge

en bas, c'est, parfois, quelques souris que l'on croise,
à l'aventure dans les couloirs
mais pas tant que ça
on lit dans leurs petits yeux futés
on lit, le dégout!