Mon premier jour

Voici un récit authentique, basé sur une histoire vraie : la mienne ! Mon premier jour en tant que professeur...
Allergiques aux maths ne pas s'inquiéter, le niveau n'est pas très élevé !






Je me mets derrière le bureau, et j’éparpille mes feuilles dessus.
Ca y est, les premiers élèves entrent dans la classe. J’évite de les regarder. J’essaie d’avoir l’air naturel, et parfaitement à l’aise. Je suis le professeur.
C’est vite dit… J’ai les mains qui tremblent et le cœur qui bat la chamade, si fort que ma respiration en est perturbée.
Bon, je fais l’appel ? Il y a l’air de manquer du monde. Où est la liste avec le nom des élèves ? Mon Dieu, c’est déjà un vrai bordel sur mon bureau…
Je la trouve enfin. Je regarde les noms, puis les visages correspondants. Heureusement que je les connais presque tous. J’appelle ceux qui ne me sont pas familiers. Chaque fois que l’un d’eux lève le bras pour répondre à son nom, je le fixe quelques secondes dans les yeux. Toi, je t’enregistre dans ma tête. Toi aussi. Et toi aussi. Oui, regardez, je fais attention à vous.
J’attends les derniers retardataires. Je jette un œil à mon téléphone portable – il est 11h08. Je patiente encore un peu. Je baisse toujours les yeux, fais semblant de remettre mes documents bien à leur place, de me concentrer. Mais mon cerveau est vide, je ne fais qu'attendre. J’ai tellement répété, je sais déjà tout ce que je vais dire. Il me faut simplement le feu vert. Avant lui, je ne pense à rien.
Bon, j’y vais.
Je les regarde. Je leur souris. Ils sont amusés de me voir, c’est sûr.
- Bien… Bonjour à tous !
Je marque un arrêt. Répondez-moi.
- Bonjour ! me répondent-ils en chœur.
Parfait.
Je me tourne vers le tableau, et tout en dessinant un point A avec la craie, j’annonce :
- Aujourd’hui, c’est moi qui fais le cours.
C’est parti.
Je m’écarte du tableau, et j’enchaîne. Surtout, avoir l’air naturel. Na-tu-rel. Les immerger dès le départ.
- Alors, comme vous le voyez, j’ai dessiné un joli point A au tableau. Et je vous demande : quelles sont les coordonnées du point A ?
Je les scrute. Il y a des froncements de sourcil, comme je m’y attendais. Créer un frottement dans leur esprit. Leur poser une question bizarre. Voyez, je suis intriguant. Vous êtes intrigués. Vous ETES intrigués. Vous allez donc rentrer dans mon jeu, pour ne plus l’être. Mais je vais continuer à vous intriguer. Je vais vous pousser à aller toujours plus loin dans le jeu. Dans mon jeu.
La réponse tombe très vite.
- On ne peut pas !
- Ah oui ? Alors, qu’est-ce qu’il faudrait pour pouvoir les avoir ?
Ils me balancent leurs réponses. Je les connais presque toutes, pour les avoir imaginées lors des répétitions.
- Un graphique !
- Un quadrillage !
- Des axes !
- Un repère orthonormal !
Ca alors, quelques-uns connaissent le repère orthonormal ! Je suis étonné.
Je joue les naïfs. Je dessine des axes parallèles. Ils me crient qu’ils doivent se couper. Je les fais se couper, ils me hurlent qu’ils doivent être perpendiculaires. Je les fais perpendiculaires. Je vous écoute. Ce que vous dites, je le fais au tableau. Profitez de cet instant où je suis votre pantin.
- Alors, un repère, c’est forcément avec des axes perpendiculaires ou pas ? demande-je.
- Oui !
- Non !
- Euh…
Je souris. Allez, c’est moi qui vous tire par les ficelles.
- Pas forcément, explique-je. Ce repère, là, qui est penché, est bien un repère. Mais c’est plus pratique pour nous d’en prendre un avec des axes perpendiculaires, parce que notre esprit humain est habitué à voir des choses perpendiculaires partout. Par exemple, la table, là, c’est un rectangle, avec des angles droits. Les murs de la classe sont perpendiculaires au sol.
J’entends des rires. Se moque-t-on ? Possible, mais tant pis, je continue le spectacle.
- Si des extraterrestres font de la géométrie, peut-être qu’ils utilisent des repères penchés, parce que leur esprit est différent du nôtre. Bref, nous, on préfère les repères avec des axes perpendiculaires, parce qu’on y voit mieux dessus. Quelqu’un sait comment ça s’appelle, un repère comme ça ?
- Orthonormal !
- Pas tout à fait.
Je leur explique les différences.
Le dialogue s’est installé. Ils ont répondu à mes questions naïves, et se sont rendus compte que j’étais une entité capable de dire ce qui est juste ou faux. Du moins, je l’espère.
Faites-moi confiance.
Je dessine un autre point, que j’appelle B.
- Peut-on déterminer les coordonnées de B ? Oui, parce que nous avons un repère. Au passage…
Je fais quelques rappels et je les interroge : l’axe des abscisses, des ordonnées, la lecture des coordonnées d’un point sur les axes, c’est quoi ? Tout le monde a l’air au courant de ce qui se passe. C’est facile pour l’instant. Je veux que tous, vous soyez avec moi pour ces choses faciles.
- Quel vecteur peut-on construire avec les points A et B ?
- Le vecteur AB.
- Et aussi le vecteur BA.
Je dessine le vecteur AB. Voici venir la fin de l’introduction.
- Le cours d’aujourd’hui s’intitule « coordonnées de vecteurs ». Normalement, vous devriez trouver ça bizarre. Les coordonnées d’un point, on sait faire. Un vecteur, on sait ce que c’est – j’espère ! Mais les coordonnées d’un vecteur…
Je hausse les épaules.
Maintenant qu’on a parlé, on se connaît un peu, pas vrai ? Amusons-nous, à présent.
- Bon, j’ai une question…
Je quitte le tableau et me met à marcher dans la classe. Je suis le professeur. Je suis le vecteur de l’attention. Je transporte cette attention partout où je vais, jusque dans le fond de la classe…
- Y a-t-il des gens, parmi vous, qui jouent aux jeux vidéos ?
Des mains se lèvent. Un élève du fond, qui, je le sais pour l’avoir observé auparavant, n’apprécie pas plus que cela les mathématiques, tend le bras si haut qu’il semble vouloir toucher le plafond ! Je lui fais un grand signe et un grand sourire. Oui, toi aussi, je te vois, je sais que tu existes. Cette question est pour toi, pour que toi aussi, qui n’aimes pas les maths, tu participes et tu m’écoutes. S’il te plaît…
- Je vois beaucoup de garçons… Et les filles ? Pas trop ?
- Si, si, se défendent-elles, l’air un peu renfrogné, me semble-t-il.
Le stress me quitte un peu. Je retrouve ma taquinerie. J’éprouve un début de plaisir.
Allez, on est partis pour ma petite histoire…

Oh Hakkrat, tu as vraiment remplacé un professeur ?
Ca devait être angoissant !

Mais tu l'as très bien retranscrit, je préfèrerais t'avoir en prof de maths à la place du mien, il n'est pas drôle, et il ne donne pas envie de l'écouter !

Enfin, pour en revenir à ton texte, j'aime beaucoup, on peut facilement s'identifier et reconnaître des scènes de la vie réelle.
Les pensées du narrateur, en italique, nous font passer de l'autre côté, à la place du professeur.
Car il est vrai que nous les critiquons beaucoup, mais nous serions bien peu fiers à leur place !

Merci !
Je n'ai pas écrit ce texte dans une optique de grande qualité littéraire, plutôt pour raconter mon expérience.
Oui, c'était pas vraiment facile, mais franchement amusant et plaisant. ^^ (je m'étendrai plus dans les prochains posts)

Tu m'étonnes, j'aurais pas aimé être à ta place, j'serais devenue toute rouge ^^

Bon j'attends la suite alors

Bon, alors ça vient la suite ???
Je veux la suite ! Espèce de tricheur ! Prof à la manque
Tu t'es arrêté à l'introduction de ton cour... non mais n'as tu pas honte ?

La suiiiiiiiiiiiiite-euh !

Luciole
(PS : J'aurais bien aimé t'avoir comme prof ! "Oui m'sieur ! moi ! Pacman, ça compte ?" )
PS2 : Je viens d'y réfléchir, mais ce qui est marrant quand on lit tes "pensées" c'est qu'on a l'impression que tu avais très envie d'essayer d'hypnotiser les élèves, si tu l'avais pu... Je m'imagine bien à ta place : "Regardez-moi, regardez-moi, regardez-moi... je suis votre prof, je suis un humain, allez souriez-moi souriez-moi souriez-moi... Vos paupières sont légères, légères... Mon cours vous passionne... Toi, là, regarde-moi... Aies confiaaaaanssssssse.... Aies confiaaaansssssse my preciousssss...
Regardez-tous la petite montre qui se balance, ne la quittez pas des yeux, bande de larves... ")

*Mort de rire*

Oui, c'est un peu ça, j'attendais qu'ils focalisent entièrement leur attention sur moi, j'avais peur de les perdre...

La suite, quand je l'aurai tapée ! Entre deux révisions et dix parties de Mario Kart... XD

Merci d'avoir lu !

C'est vraiment bien comme texte Hakkrat. On est complètement plongé dans ton histoire, on découvre un peu le point de vue du prof, son stress. Tu racontes ce qui t'es arrivé d'une manière captivante. Très très bien...je veux lire la suite.

Merci !
Il suffit de demander...





- Imaginez que le tableau soit un écran de télévision ou d’ordinateur, et que vous êtes en train de jouer à un jeu vidéo.
Il y a quelques rires.
J’ai l’impression d’être un conteur. Je suis dans la classe, et en même temps, je fais toute autre chose que des mathématiques, avec des jeunes êtres qui ne sont pas que des élèves. Oui. Je suis plus qu’un professeur. Je suis un comédien, dans le théâtre de l’école.
C’est génial.
- Le décor, continue-je, c’est le quadrillage du tableau. Bon, j’avoue, c’est un jeu pourri, parce que le décor est moche, et en plus, on fait des maths. Mais bon… Alors, vous avez un bonhomme placé initialement au point A, et le but du jeu est de l’amener au point B. Mais comme le jeu, en plus d’être pourri, est vieux, vous ne pouvez pas faire tous les déplacements que vous voulez. C’est-à-dire que vous ne pouvez aller que dans quatre directions : à gauche, à dr…
- Avec les flèches du clavier ! me dit une fille, si fort que je m’arrête de parler.
Je la regarde, amusé. Et je reprends :
- Oui, c’est ça. Des flèches, si vous voulez.
Je reviens au tableau et je dessine quatre carrés, avec à l’intérieur de chacun, une flèche : les quatre touches directionnelles.
Ca, je ne l’avais pas prévu.
Mais je prends sa réponse en considération.
- Eh, mais c’est pas comme ça qu’il faut les faire, les touches, m’sieur ! me dit quelqu’un quand je finis de dessiner.
- Ah bon ?
- Ben oui, sur un clavier, la flèche du bas, elle est entre celle de gauche et celle de droite.
Je ris.
- Ah d’accord ! Oui, si tu veux, mais sur la Game Boy, elles sont plutôt comme ça, non ?
Nouveaux rires. Un léger brouhaha s’élève.
J’efface ma flèche du bas et la place entre celle de gauche et celle de droite, comme sur un clavier d’ordinateur, pour être conforme à leur souhait.
Mais le brouhaha demeure.
Bon, il fallait s’y attendre… Quand on parle d’autre chose que les maths…
Je me déplace à nouveau dans la salle, en disant :
- Bon, on ne va pas épiloguer sur les jeux vidéos et les touches des consoles. Alors, maintenant, j’aimerais que vous me donniez un chemin pour aller du point A au point B. Je vous rappelle, on ne peut aller que dans quatre directions, pas de diagonale ou de courbes. Ah oui, et la partie est limitée dans le temps, donc j’aimerais arriver très vite au point A.
J’ai un peu bafouillé… Sans doute le brouhaha qui m’a gêné, mais il a un peu disparu.
Eveiller l’élève, mais pas trop quand même.
Une fille, Isis, me dicte un chemin avec les flèches. Je le dessine au tableau.
- Comme ça ?
- Oui, me répond-elle.
- Très bien. Voyez-vous un autre chemin ?
- Oui ! dit un garçon du nom de Jean – c’est le « marrant » de la classe. Comme ça, comme ça, comme ça… (il mime avec la main un escalier).
- D’accord, dis-je, mais je suis un flemmard, alors j’aimerais faire le moins de traits possibles.
Je lui souris. Puis je regarde l’ensemble de la classe.
- Ben voilà, sans le savoir, vous venez de déterminer les coordonnées du vecteur AB.
Vous faites bien les choses.
- Alors, à votre avis, qu’est-ce que c’est ?
Quelques réponses me sont fournies, hasardeuses, et je les réfute une par une en expliquant pourquoi elles ne sont pas bonnes, en donnant des contre-exemples à chaque fois. Encore une fois, je joue mon rôle de « diseur de vérités » : ça, c’est vrai, ça, c’est faux.
- Ce que je vous demande, c’est purement intuitif, donc il est normal que ce ne soit pas forcément bon, explique-je.
Ils ne savent pas. Mais au moins, ils ont senti un obstacle, et ont compris pourquoi leurs propositions n’étaient pas correctes. Ils devraient être curieux d’apprendre la bonne solution.
Je souris.
Je vais vous la donner ; je vous éclaire parce que vous êtes dans le noir. Faites-moi confiance.
Je leur explique : le nombre de carreaux, les signes associés – quand on va vers les nombres positifs, on laisse le nombre tel quel, quand on va vers les négatifs… Ils complètent ma phrase sans problème : un signe moins pour le chiffre !
Je répète une deuxième fois, sur un autre exemple, parce que je sais que ce n’est pas tout à fait clair pour tout le monde.
La répétition, c’est le meilleur moyen de retenir, au collège.
C’est ce que j’ai compris durant ma phase d’observation.
Puis on passe à des exercices. Tandis qu’ils les cherchent, je leur distribue le cours, qui est un texte à trous. Leur professeur m’avait expliqué que c’était une classe efficace pour ce genre de choses. Je n’aime pas vraiment les textes à trous, je préfère que les élèves copient un tableau, mais d’un autre côté, c’est une prise de risques en moins pour moi. Ecrire au tableau, c’est tout un art : il faut écrire suffisamment gros, bien, avec les bonnes couleurs, à la bonne vitesse, dans un ordre précis… Très peu pour moi pour l’instant. D’ailleurs, le tableau est déjà bien rempli, avec toutes les propositions qu’ils m’ont faites, et que j’ai inscrites un peu partout. C’est un vrai chantier…
Tandis que je passe dans les rangs pour distribuer le cours, je m’aperçois que certains élèves ont déjà fini le premier exercice, et même le deuxième, et s’attaquent au troisième ! Une petite vague d’inquiétude m’éclabousse : vais-je trop lentement ?
- Bastian.
- Euh… Oui ? me répond l’élève concerné.
- Puisque tu as tracé, tu me fais le premier vecteur au tableau, s’il te plaît ?
« tracé » ? Je parle un peu trop familier peut-être… Je note que ça me plaît quand même.
Bastian s’exécute. Tandis qu’il corrige, je lui demande de parler, d’expliquer ce qu’il fait. Puis je le remercie, et je corrige le reste de l’exercice, en interrogeant un par un les élèves. J’aime dire leur prénom.
- Ah, au fait, dis-je tout en écrivant des coordonnées, si quelqu’un se sent perdu, qu’il crie !
Quelques élèves n’ont pas tout compris. Beaucoup d’erreurs sur les signes. Chaque fois, je répète toute la méthode, et chaque fois, je demande si tout le monde va bien.
En tout, j’ai répété onze fois la même chose…
- Bon, j’espère que ça rentre, maintenant, leur dis-je en feignant le désespoir, une fois le premier exercice corrigé.
Je vous mets un peu la pression. Je ne fais pas tout à votre place.
- Allez, on passe au deuxième exercice. Et vite, parce que Bastian est en train de s’endormir ! Alors là, vous voyez, les points A et B sont pas sympas, parce qu’ils n’ont pas des coordonnées entières, c’est-à-dire ils ne sont pas à des intersections de carreaux, comme dans le premier exercice. Alors, quelqu’un a trouvé la réponse ?
Evidemment.
Isis me donne la solution. Je l’écris au tableau.
- Comment tu as fait ? lui demande-je.
- Pour l’obtenir ?
- Oui.
- Euh… Ben…
Je sais, Isis, c’est évident pour toi. C’est pour ça que c’est difficile de l’expliquer !
- Quelle opération as-tu fait, par exemple, pour trouver l’abscisse du vecteur AB ?
Petit coup de pouce.
- Une soustraction, me dit-elle alors, avec le ton de l’évidence.
- Voilà. C’est ça la clé. Et donc, pour les ordonnées ?
- On fait pareil.
- Exactement. Ca va pour tout le monde ?
Non, bien entendu, et je répète encore.
- Bon, attention maintenant, dis-je. Effort d’abstraction extrême…
J’efface tous les chiffres, et je les remplace par des lettres.
- Quelles sont les coordonnées du vecteur AB ?
Ils me donnent la réponse sans problème.
J’écris la formule au tableau, en gros.
- C’est ce qu’il faut retenir, M’sieur ? me demande-t-on.
- Oui. C’est la formule à écrire en lettres de feu, à encadrer trois fois et à retenir ! Mais on le fera dans le cours, après.
Vous avez bien travaillé. J’ai encore une histoire à vous raconter, pour qu’on se repose un peu.
Et… j’aime tellement ça, raconter.

Ah, des souvenirs du collège, effectivement

Sauf que le professeur ne comparait pas les directions des vecteurs à des flèches d'ordinateur ou même de game boy !

Oui, mais le résultat, c'est qu'ils se sont un peu dissipés !
Au passage, je signale que j'ai modifié les prénoms... Normalement, je suis tenu au secret professionnel !

Je comprends bien

Merci de nous faire partager ton expérience !

Wahou !! c'est vraiment sympa tout ça. marrant mais j'aurais bien aimé t'avoir comme prof.je ne sais pas si j'aurais plus compris les maths mais au moins je pense que j'aurais mieux aimé aller en cours
par contre,j'ai trouvé super la référence dans ton premier texte : "Je suis le vecteur de l’attention" ... j'avoue qu'elle est magnifiquement trouvée

Bon sang, j'aurais sacrément aimé t'avoir comme prof au collège !!!
En plus, apparemment, tu répète suffisamment pour qu'ils pigent, mais pas trop pour ne pas endormir les 99% qui ont comprit et qui attendent que le prof comprenne qu'ils ont compris...

Juste une remarque, celle ou tu te demande si tu n'a pas parlé de manière trop familière avec "tracer" : je ne suis pas d'accord avec toi.
Qu'un prof de français veuille absolument éviter de parler ainsi, je comprend, c'est son devoir.
Mais pour les autres... personnellement, j'ai toujours remarqué que le fait que le prof parle familièrement n'était pas un problème dans les classes que j'ai fréquenté : au contraire, cela le rapprochait des élèves, qui se sentaient plus en confiance (ouah, ce n'est pas un dinosaure extraterrestre préhistorique finalement... on dirait même qu'il nous comprend !)

Bon, évidemment, trop point n'en faut, au risque de se rendre ridicule et de perdre toute autorité (prof pas = pote) =__=

Ca me rappelle mon prof d'option et AS escalade au lycée... il s'habillait comme un lycéen (T-shirt surfeur et baggy 3/4) pour ses cours, parlait de manière simple et familière, comme entre potes, nous tutoyait et permettait qu'on le tutoie... comme c'était un prof super dynamique, ses élèves l'adoraient, et fréquemment, nous restions au lycée le samedi pour l'aider à entretenir le mur de grimpe, par pur plaisir...
En plus d'être cool, il avait une bonne pédagogie, et se faisait respecter sans trop d'effort : il lui suffisait d'élever un peu la voix, mais jamais je ne l'ai vu filer une heure de colle à qui que ce soit, ni avoir besoin de le faire...
Cela nous changeait très agréablement du prof d'EPS classique, avec l'affreux survêtement, et la brioche naissante !

En fait... Bon sang, mais !!!!! je viens d'y penser, c'est pourtant tellement évident...
Vous voyez le Dr House, dans la série ?
Ben physiquement, il lui ressemble beaucoup (mince, affûté, barbe, cheveux en bataille, et visage... ressemblant !)
Et moralement, c'est un peu ça aussi, il avait tendance à vanner gentiment les gens, et plus acerbement ceux qui le connaissaient bien...

hum ! je squatte là !
mais bref ! tout ça pour te dire que je te souhaite de pouvoir devenir comme ce prof ! (quoique qu'avec des maths, c'est plus dur qu'avec de l'escalade...)

Luciole

Merci pour tout cet enthousiasme !

Pour le vecteur de l'attention... ce n'est qu'après coup que j'ai tilté que l'expression était appropriée ! ^^

C'est difficile d'être un bon prof ; ça dépend du contexte, de la classe, du niveau, de l'environnement social et culturel, tout ça tout ça... Peut-être que ton prof de sport, Luciole, aurait été mal accepté ou mal respecté ailleurs... Moi, je me suis permis d'être un peu familier et de rigoler avec les élèves que j'avais (des troisièmes), parce que je les connaissais déjà un peu, pour les avoir observés quelques heures, assis au fond de la classe. Avec une des classes de quatrième que j'observais également, je n'aurais pas été comme ça (ils étaient infernaux et agités ! une plaie, mais ils étaient chous quand même parfois).

Suite (et sans doute fin) au prochain post !

Sincerement, j'aurais trop aimé avoir un prof comme toi ^^

C'est excellent comment tu leurs expliques ! Puis faut dire que tu écris toujours aussi bien, en plus d'être un prof qui me semble plus que bien

Merci...

*Fait crisser la craie contre le tableau*

T'es sûr que t'aurais aimé m'avoir comme prof ?

Bon, si j'ai le temps cette après-midi, j'écris la suite. J'en ai marre de réviser (euh... j'en avais marre dès que le début, m'enfin).

Voici venir la suite et fin de ma folle aventure !
Désolé, il y a un passage un peu long à un moment donné sur les vecteurs (j'explique une démonstration).






- Revenez à l’exercice 1, s’il vous plaît, leur dis-je. Alors, on a vu que les vecteurs AB et DE étaient égaux. Donc, qu’est-ce qu’on peut dire du quadrilatère ABED ?
- C’est un parallélogramme.
- C’est ça. Mais maintenant, comment vous auriez fait pour prouver que c’est un parallélogramme en imaginant que vous ne sachiez pas ce que sont les coordonnées de vecteurs ?
- On compte les carreaux.
J’ai un sourire.
- Ca revient à déterminer les coordonnées des vecteurs, dis-je.
- Ben, par le théorème du « ça s’voit » ! répond Jean en me montrant la figure au tableau.
Hilarité générale. Même moi, je ris.
- Ah, t’es un petit rigolo, Jean, hein ? Bon, il existe une autre démonstration. Vous connaissez les coordonnées du point A, celles du point B ; vous pouvez donc déterminer l’équation de la droite (AB). Ok ? De même, vous connaissez les coordonnées du point E et du point D, donc vous pouvez déterminer l’équation de la droite (ED). Vous avez donc un système de deux équations, et il vous suffit de montrer qu’il n’admet pas de solutions pour montrer que les droites (AB) et (ED) sont paral…
- C’est quoi un système, m’sieur ? me demande-t-on.
Je fais des yeux ronds.
Le professeur, assis au fond de la classe, m’informe qu’ils n’ont pas abordé le chapitre sur les systèmes.
- Bon, c’est pas grave, on va faire autrement ! réprends-je gaiement.
Heureusement que j’avais prévu une autre démonstration…
- Avec des fonctions ! Et ça, vous l’avez fait, j’étais là ! La droite (AB) correspond à une fonction affine, que j’appelle f, la droite (ED) aussi, que j’appelle g. Pour montrer que (AB) et (ED) ne se coupent pas, on regarde l’égalité f(x) = g(x) et on montre qu’elle est fausse, ou impossible à réaliser. Donc les deux droites ne se coupent pas, donc elles sont parallèles. Puis on recommence : on calcule les coordonnées de la droite (BE), celles de la droite (AD), on leur associe deux fonctions affines, et on montre que l’égalité des fonctions est impossible. Donc les deux droites sont parallèles. Bilan : le quadrilatère ABED a ses côtés opposés parallèles deux à deux, donc c’est un parallélogramme.
Ne vous inquiétez pas, j’ai conscience d’être bavard, d’aller vite et que vous êtes plus ou moins perdus. Je « triche » un peu en ne vous laissant pas réfléchir, mais c’est parce que ce que je veux que vous reteniez, c’est que…
- Ouf ! On a transpiré, pour tout ça ! m’exclame-je.
Rires.
Je vais vers le bureau. Je farfouille quelques instants dans mes papiers, puis je retrouve les documents que je cherchais.
- Regardez, dis-je en exhibant deux feuilles à la classe. Bon, à mes heures perdues, j’ai rédigé les deux démonstrations, une avec les vecteurs, l’autre avec les fonctions. Oui, je sais, j’ai des loisirs très intéressants… Bref, là, c’est la démonstration avec les fonctions (je leur montre la première feuille, recto et verso). Elle fait deux pages. Et là, c’est la démonstration avec les vecteurs (je leur montre l’autre feuille). Elle ne fait même pas une demie page. Comme quoi, les vecteurs, ça va beaucoup plus vite.
Vanter l’utilité de ce que l’on fait.
- Oui, mais Monsieur, m’interpelle Isis, on ne sait pas si ce que vous avez écrit, c’est vrai !
Je ris aux éclats.
Charmante suspicion ! Révélatrice d’un esprit malicieux. J’aime ça.
- Si vous voulez, je vous ferai passer la feuille, afin que vous puissiez vérifier la véracité de mes dires.
- La quoi ? entends-je quelque part, dans le fond de la classe ; mais je n’y prête pas plus d’attention.
- Non, non, ça va, me dit Isis en agitant les mains.
- Bien. Les vecteurs ont une autre utilité, continue-je avec le sourire. Par exemple, Anne, qui n’arrête pas de rigoler avec son voisin depuis le début de l’heure (Anne baisse les yeux tandis que je dis ça, et son voisin se dandine sur sa chaise) – mais non, Anne, je te charrie ! (rattrapage un peu maladroit de ma part) – bref, Anne, est actuellement attirée par Youssef (le voisin).
Quelques élèves me regardent bizarrement. D’autres rient.
J’adore vous intriguer. C’est décidément délicieux.
- Oh, bien sûr, c’est purement physique, ajoute-je comme pour dissiper le malentendu.
Cette fois, les rires sont plus francs.
- Physique, au sens scientifique, hein ? Comme dans la physique-chimie.
Avec ça, je dissipe vraiment les doutes.
- En effet, Anne exerce sur Youssef une force d’attraction, et Youssef exerce sur Anne une force d’attraction. Vous le verrez l’année prochaine, si vous continuez vos études : si je prends deux corps, qui ont chacun une masse, et bien ces deux corps exercent l’un sur l’autre une force d’attraction. C’est Newton qui nous le dit. En fait, nous sommes tous attirés les uns par les autres, en ce moment même.
Je vois Jean qui se colle à son voisin pour mimer la situation. Je saute sur l’occasion.
- Et comme est en train de le faire si bien Jean, pourquoi est-ce que nous ne sommes pas collés les uns aux autres ? Simplement parce que notre masse n’est pas assez importante. Mais si vous vous placez à l’échelle astronomique, à l’échelle des planètes, cette force devient beaucoup plus grande.
Je prends mon étui à lunettes, et je le lâche sur le bureau. Il tombe avec un « clac ! » sonore.
- La gravité.
J’entends quelques élèves rire de mon expérience. Je m’aperçois qu’elle est un peu ridicule…
Je reviens au tableau, je trace un repère et je dessine un rectangle.
- Voilà mon étui lunettes. Il a un poids, qui est une force qui s’exerce sur lui. Et je vous le donne dans le mille : cette force, on la représente par un vecteur. Vous verrez cela dans… oulà, très longtemps, en première scientifique ! Mais avec les coordonnées des vecteurs, vous pourrez obtenir quelques informations, sur l’intensité de la force, par exemple.
Je prends la brosse et commence à effacer le tableau. Ce faisant, je dis :
- On peut donc retenir, les filles, pour se consoler, que si vous n’attirez personne, ça veut au moins dire que vous n’êtes pas trop grosses !
J’entends quelques rires, mais intérieurement, je me demande furieusement comment j’ai pu oser sortir un truc pareil…
Qu’importe, je continue d’effacer et j’enchaîne :
- On passe au cours, maintenant !
Il reste dix minutes. Et durant ces dernières dix minutes, je ressens, en interrogeant les élèves, en discutant avec eux, comme un ballon de bonheur qui gonfle dans ma poitrine. J’ai l’impression d’être en interaction avec la classe de manière intense. Il y a un fil entre les élèves et moi, une connexion si forte, que j’aime à développer, et que je dirige. J’aime d’autant plus ça que ce fil, c’est moi qui l’ai tissé vers eux, et ils l’ont saisi, et ils ont continué de le tisser avec moi. Ensemble, nous l’avons grandi, raffermi. C’est tout simplement grisant.
La sonnerie retentit, sur le dernier trou à remplir du cours. Les élèves commencent à ranger leurs affaires.
- Et bien, je vous remercie pour votre attention, et je vous souhaite bon courage pour le brevet, conclus-je.
Je termine d’effacer le tableau, et je les regarde s’en aller.
Vous avez été fantastiques. J’ai aimé ça plus que dans mes espoirs.

Merci.

Oh non Hakkrat, pas les vecteurs, j'en ai eu à la pelle ce matin

Je crois que je vais lire ton texte demain, j'vais faire des cauchemars sinon ::

Ou ça peut te faire réviser...

Je suis quand même au niveau au dessus

J'ai déjà eu droit aux révisions de troisième ce matin !
Pour ça que je préfère attendre demain avant de lire ton texte, car je crois que je vais y découvrir un petit semblant de déjà vu

J'adore, j'adore, j'adore ! Je pense que j'aurais vraiment apprécié de t'avoir comme professeur... J'aime bien comme tu résumes la fin. C'est la qu'on vois que tu es vraiment en train de tout te remémorer, et que tu es encore dans ta physique et tes maths :

Hakkrat a écrit:

J’ai l’impression d’être en interaction avec la classe de manière intense. Il y a un fil entre les élèves et moi, une connexion si forte, que j’aime à développer, et que je dirige. J’aime d’autant plus ça que ce fil, c’est moi qui l’ai tissé vers eux, et ils l’ont saisi, et ils ont continué de le tisser avec moi

Pourquoi est-ce que je pense aussitôt aux forces d'interactions fondamentales (c'est bien ça le nom ?) et au liaisons faibles et fortes ? ^^

Euh... Parce que tu es encore plus chtarbé que moi en tant que scientifique ? ^^

Merci d'avoir lu et commenté... J'avoue que la fin et les échos que tu y vois sont fortuits.

Oh, oui, probablement à cause de ça ^^ Chtarbé jusqu'à la moelle !

En tout cas, ça fait toujours plaisir de lire un de tes textes (toujours aussi fluide à lire, on décroche pas) surtout si il raconte une facette de la vie de notre très énigmatique Hakkrat !

Aaaah, enfin cette suite tant attendue !
Sincèrement, moi aussi j'aurais apprécié t'avoir comme prof.
Si ce n'est que... pourquoi j'ai l'esprit encore plus mal tourné que tes élèves quand je lis ça ??

Citation :

En fait, nous sommes tous attirés les uns par les autres, en ce moment même

je crois qu'il faut que j'arrête les maths

Luciole

Et en plus, tu arrives à incorporer de la physique !
Balèze Hakkrat

Je vais essayer de me souvenir de ton raisonnement, sait-on jamais, pour l'interro...

Tout comme Ellias, j'ai beaucoup aimé la fin.
Tu ne voudrais pas venir enseigner un peu à Dunkerque ?

Quand je débuterai, je serai peut-être contraint d'aller dans le Nord, surtout si je ne suis pas très bien classé pour l'agrégation (ce qui est tout à fait probable) ; mais vous serez déjà grands ! J'aurai peut-être vos petits frères et soeurs... Ou alors, il faudrait que j'enseigne à la faculté, à condition que vous y alliez vous aussi...


Merci d'avoir lu et commenté ! ^^