La Fée Virtuelle. (Conte)

La Fée virtuelle.

Il était une fois, un paladin des temps modernes, assez jeune, sans être un éphèbe, assez vieux sans être antédiluvien, un homme mûr, dirons-nous. Issu d’une vieille famille dont les ancêtres remontent à Saint Louis, il porte comme une croix, le sortilège que lui a transmis son père, qui le tenait de ses aïeux, qui eux-mêmes le tenaient de Jacques de Bazoche évêque de Soissons depuis mille deux cent vingt-six, auteur du premier ensorcellement, le jour du sacrement de Louis IX.
Cet envoûtement avait consisté, pour chaque génération de leur lignée de porter en eux une boite magique, contenant des " gentillesses " et des " tendresses " à distribuer alentour, tout au long de leur vie.
Notre paladin, Erwan, porte aujourd’hui cette diablerie dont il ne se débarrassera qu’a sa mort en la transmettant à son fils aîné. La légende dit aussi, que chaque porteur de l’envoûtement, s’il est en difficulté, sera aidé par une fée.
Erwan, est aujourd’hui dans son immense forêt, comme les chevaliers d’antan. Seule, la forêt a changé. A la place des arbres, des futaies, des taillis, des boqueteaux, des fourrés, des clairières, des ruisseaux ; la forêt d’Erwan est composée : de maisons, de bâtisses, de building, d’immeubles, d’édifices, de palaces, d’hôtels, de rues, d’avenues, de fontaines, de jardins et d’une multitude de passants, de piétons, de flâneurs, de marcheurs, de promeneurs.
La vie d’Erwan avait commencé par quelques douleurs et des chagrins, puis le bonheur était venu petit à petit ; il mena une vie tranquille jusqu’au décès prématuré de son père. Erwan avait vingt-cinq ans. C’est à cet âge qu’il reçut le fardeau familial : La boite à tendresse.
Pendant de nombreuses années il s’acquitta assez bien de sa tâche, il distribua de-ci et de-là, de la gentillesse et de la tendresse à tout son entourage : famille, amis, camarades, connaissances, voisins et voisines.
Il y a quelques années, l’époque ayant changé, Erwan assis sur un banc dans sa grande forêt se morfondait. Il ne savait plus comment vider sa boite magique, il ne trouvait plus personne prenant le temps de l’écouter. Les amis, les passants, les copains étaient tous de plus en plus pressé, nul ne prenait plus le temps de recevoir la moindre gentillesse, la moindre tendresse. Ceux qui l’écoutaient le faisaient de façon si distraite et si agacée, que dès le dos tourné, ils jetaient dans le caniveau les précieux dons d’Erwan.
Erwan décida alors de faire appel à la fée qui devrait l’aider. Celle-ci se présenta, devant lui, face au banc, au milieu des passants qui couraient dans tous les sens. Une jeune fée, très belle, le visage encadré de boucles blondes, les yeux dorés, drapée dans une robe de voile bleu :
- Erwan ! Aurais-tu besoin de moi ? Je suis la fée Virtuelle.
- Oui ma fée, j’ai bien des ennuis.
- Raconte-moi ! que t’arrive-t-il ?
- Je n’arrive plus à donner de gentillesses à personne. Tout le monde est pressé, ils courent le matin, le soir, ils n’ont plus un instant à me consacrer. Ils n’ont plus besoins de tendresse, disent-ils. Dans ces conditions comment puis-je honorer le sortilège de Jacques de Bazoche ? Ne pourrais-tu pas leur demander de prendre un peu de temps pour m’écouter ? Tu sais, il ne faut pas que je faillisse, sinon je vais finir en enfer, alors aide-moi !
- D’accord, je ne peux pas les empêcher de courir, mais je vais t’aider. Dès demain, mets-toi devant ton ordinateur, je te guiderai la main et tu pourras rencontrer des personnes qui voudront bien de tes gentillesses.
Réconforté par sa gentille fée, dès le lendemain Erwan se mit devant son clavier. Il se laissa guider par la fée Virtuelle et découvrit des endroits sur la toile, où des gens se parlaient, s’écoutaient, s’écrivaient. Là Erwan reprit espoir, il écoutait, il observait et il prodiguait de temps en temps ses gentillesses et ses tendresses. Il se fit des copains et des copines, certains aussi très pressés, d’autres prenant le temps d’écouter et de recevoir. Sa boite magique se vida et il passa quelques mois rassuré.
Erwan se trompait, il s’aperçut très vite que ses amis virtuels étaient les mêmes, que ceux qu’il croisait dans la rue, pressés, sans réelle humanité, ne s’intéressant que peu aux autres, ne faisant que juste le nécessaire pour paraître un peu humain.
Erwan refit appel à sa fée et lui expliqua :
- Je suis dégoûté, ma fée, j’ai suivi ton conseil, j’ai trouvé sur la toile, des soit disant amis virtuels, qui ont jeté dans le caniveau mes gentillesses et mes tendresses.
- A quoi t’attendais-tu, Erwan ?
- J’espérais plus de sincérité.
- La sincérité ! Un mot qui aura bientôt disparu du langage des humains. Il faut que tu fasses avec, Erwan, ton combat est noble et t’évitera le pire. Continue de distribuer les gentillesses de ta boite magique.
Erwan depuis cette dernière visite de la fée Virtuelle, continue, coûte que coûte de distribuer le sortilège de Jacques Bazoche. Une tradition qu’il ne peut pas interrompre et qu’il transmettra à son fils, qui lui-même le transmettra au sien.
Erwan a compris, qu’il est des sortilèges qui n’ont nul besoin de fée, pour se réaliser.

J'aime beaucoup ce conte des temps modernes. Mises à part quelques répétitions ("mais", "paladin"), l'ensemble est agréable à lire et reflète bien l'individualisme de notre temps!

Merci Mima

* un aïeul, des aïeux.

Citation :

Ceux qui l’écoutaient le faisaient de façon si distraite et si agacée, que dès le dos tourné, ils jetaient dans le caniveau les précieux dons d’Erwan.

Ceux qui l’écoutaient le faisaient de façon si distraite et si agacée, qu'ils jetaient dans le caniveau les précieux dons d'Erwan, dès qu'ils avaient le dos tourné. ( ?)

Mais, c'est drôlement bien tourné
merci pour cette petite leçon de tendresse

Ton texte me met une boule dans la gorge.
Je suis peut-être idéaliste mais j'aimerais continuer à espérer que les gens ne sont pas à ce point inattentif aux autres...Je crois que la sincérité et la tendresse existent encore!

un joli petit conte,mais j'ai l'impression qu'il est très rapide.
j'aurais bien aimé que tu t'appesantisses un peu plus sur des exemples de démonstration de gentillesses, sur la joie qu'il ressent ... plutôt que de passer aussi vite à l'internet.

Mais ça n'empêche que c'est très sympa à lire

Pour répondre à Lilabelle : Moi aussi j'ai une boule dans la gorge et c'est exactement ce que je voulais exprimer.
Il y a 474 inscrits sur ce site, pour la plupart que sont ils venu chercher ? que l'on parle d'eux ? de leur textes ? sûrement. Mais parmi eux combien s'interessent aux autres ?
Une petite dizaine, en passant, vite fait, pour avoir l'air un peu humain et une autre toute petite dizaine, sûrement un peu moins, qui eux s'interessent vraiment à ce qu'écrivent les autres.
Je crois que l'on a ici le miroir de notre société.

Pur répondre à Morrigan : Tu as raison j'aurai pu étoffer ce qui sortait de ma boite à malice, mas ne l'ai pas fait volontairement. Je voulais ce texte très court avec un message clair, notemment celui-ci :
"- Je suis dégoûté, ma fée, j’ai suivi ton conseil, j’ai trouvé sur la toile, des soit disant amis virtuels, qui ont jeté dans le caniveau mes gentillesses et mes tendresses."

J'ai voulu aussi écrire un texte au passé. (C'est difficile pour moi)

Mima : j'ai corrigé au mieux tes remarques.
Bien à vous Mike

J'ai adoré ce texte.
Sinon, qu'est-ce que je peux dire d'autre ? Mima, Lilabelle et Morrigan ont a peu près tout dit.
Moi aussi j'ai trouvé ça rapide MAIS finalement ... Ce n'est pas si genant, ce qui m'a surtout interessée c'est la morale.
J'aime bien la répetition "mes gentillesses et mes tendresses" qui sonne bien.

Voilà tout, c'est bien la triste verité, malheureusement.

Je viens de le lire aussi ( plus facile de lire un texte quand il clignote au milieu des autres )
Le constat fait est assez triste, mais on peut supposer qu'il reste de l'espoir puisqu'à la fin il n'abandonne pas sa mission pour autant.

Bon moment le lecture en tout cas, merci

J'ai adoré ton texte car il est le miroir de nos âmes déshumanisées.

"Ceux qui m’entourent sont tous dans une sorte de solitude, en communion avec les odeurs aromatiques du café, mêlées à la fumée des cigarettes. A la terrasse, sous la tiédeur du soleil, chacun regarde dans une direction différente pour fuir, avec une adresse incroyable, le regard des autres. En dehors du bruit de la rue, des automobiles, devrais-je dire : rien. Une personne par table, un silence par table. Pourquoi les gens ne se parlent-ils plus ? Auraient-ils plus rien à se dire ? Auraient-ils peur de l’autre ? Seraient-ils timides ? "

Un extrait de Camélia