Reprise du début

Reprise du début


Règles d'utilisation :
Une sauvegarde tous les trois jours minimum
Une sauvegarde écrase les précédentes
La nouvelle sauvegarde est désignée sur le terme de « début »
Les événements ayant conduits à la restauration restent en mémoire


Le réveil sonna, un cri strident qui vrilla les oreilles de Victor. Il ouvrit les yeux. Les parois capitonnées et rassurantes de son module de sauvegarde. Cela faisait des années qu'il s'en servait comme lit. Plus confortable.
Il pressa la commande de l'ouverture de la porte. Il espérait être ébloui par le soleil à l'extérieur. Il en fut quitte pour la grisaille. Encore.
- Bonjour, monsieur Taneute, le salua la voix désincarnée de l'IA du module du sauvegarde.
- Salut, grommela Victor en titubant jusqu'à la petite cuisine de son minuscule appartement.
Sa tête lui faisait un mal de chien. Pire que s'il avait bu la veille.
- Avez-vous bien dormi ? Demanda l'IA.
- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Grogna Victor en se laissant tomber sur une chaise.
- Désolé, je n'ai pas compris votre réponse, dit l'IA après un blanc de quelques secondes.
Victor haussa les épaules. Pas la peine de discuter avec ces foutues machines.
Il pianota sur la commande du robot de la cuisine, commandant un petit déjeuner léger.
Un café, un peu de pain, une douche. Il consulta ensuite son programme de travail sur son terminal. Expérience de résistance sur la matière obscure au labo. Il grinça des dents. Il n'avait pas particulièrement envie d'aller travailler, mais bon. Tant pis. Il fallait mériter son salaire, ainsi que le coûteux module de sauvegarde qui lui servait actuellement de lit.
Il se leva, alla s'habiller et avant de partir, vérifia le module de sauvegarde en question. Bon. Sa dernière sauvegarde remontait à hier soir. Si jamais quelque chose lui arrivait aujourd'hui, il serait restauré à cette date là.
Il mit son manteau et quitta son petit appartement.
Les nuages avaient entre temps craqué et déversaient des trombes d'eaux sur la ville. Et comme si ça ne suffisait pas, ce foutu métro aérien était encore en panne. Et avec la flotte, pas moyen d'avoir un taxi avant un petit moment. Heureusement que le labo ne se trouvait pas loin.
Victor mit les écouteurs de son lecteur. Et monta le son de la musique. Il était fatigué. Toujours cette migraine lancinante. Mal dormi en plus. Des rêves bizarres.
Il n'avait pas envie d'aller travailler. Pas envie de voir d'autres gens. Surtout ces connards marchant droit devant eux, sans rien regarder, le bousculant sans s'excuser.
Victor monta le volume de ses écouteurs à fond. Se couper du monde. Se concentrer uniquement sur la musique. Oublier le reste.
Le reste, par contre, ne l'oublia pas. Et la voiture qui le percuta violemment était atrocement réelle.


Reprise du début.


Le réveil sonna, un cri strident qui vrilla les oreilles de Victor. Il ouvrit les yeux. Les parois capitonnées et rassurantes de son module de sauvegarde. Cela faisait des années qu'il s'en servait comme lit. Plus confortable.
Il pressa la commande de l'ouverture de la porte. Il espérait être ébloui par le soleil à l'extérieur. Il en fut quitte pour la grisaille. Encore.
- Bonjour, monsieur Taneute, le salua la voix désincarnée de l'IA du module du sauvegarde.
- Salut, grommela Victor en titubant jusqu'à la petite cuisine de son minuscule appartement.
Sa tête lui faisait un mal de chien. Pire que s'il avait bu la veille.
- Avez-vous bien dormi ? Demanda l'IA.
- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Grogna Victor en se laissant tomber sur une chaise.
- Désolé, je n'ai pas compris votre réponse, dit l'IA après un blanc de quelques secondes.
Victor s'affaissa sur une chaise dans la cuisine. Un petit déjeuner, une douche et le départ pour le labo.
Bonne journée, monsieur Taneute, lui dit l'IA alors qu'il passait la porte. Faites attention sur la route.
En bas, il pleuvait. Le métro était en panne et aucun taxi n'était disponible. Victor décida d'aller au labo à pied. Il eut la désagréable surprise de constater qu'en prime, la batterie de son lecteur était à plat. Bizarre ça, il était pourtant sûr de l'avoir mis à charger la veille, juste après sa sauvegarde.
Les rues étaient noires de mondes. Le fait d'avoir à faire attention à ces abrutis marchant droit devant eux n'arrangea pas son humeur. D'autant plus qu'il avait mal à la tête.
Il traversa une rue. La pluie tombait à verse. Le hurlement des avertisseurs. Victor se jeta en arrière juste à temps pour éviter une voiture. Il tomba à la renverse, les fesses dans une flaque. Plus de peur que de mal, mais sa dignité en avait pris un coup. Il se releva et insulta le chauffeur.
De fort mauvaise humeur, il poussa la porte du laboratoire Energy 3000.
Trickster l'attendait, déjà prêt pour les essais du jour. Il se paya ouvertement sa tête en le voyant arriver ainsi, mal peigné, dépité, détrempé. Victor grommela quelque chose et se mit en tenue.
Ils pénétrèrent dans la chambre d'essai. Une boule de matière obscure se trouvait sur une table, dans un champ de confinement.
Victor essaya de se masser les tempes avant de se rappeler qu'il portait une combinaison complète.
- Rappelle-moi pourquoi on est là, au juste ? Demanda-t-il à Trickster.
- Tu te fous de moi ?! On en a parlé hier ! On va tenter de fusionner la matière obscure, pour analyser les résultats.
- Ah, oui, ça, soupira Victor.
Effectivement, ils en avaient parlé la veille. Curieusement, ça lui semblait très lointain. Comme si c'était arrivé des jours auparavant.
Comme dans un rêve, il se mit au travail avec Trickster. Ce dernier était concentré sur les manœuvres. Victor n'était pas à ce qu'il faisait. Trickster lui rendit avec précaution une infime particule de matière obscure pour qu'il la soumette à la fusion. Victor prit la coupelle, se tourna et s'emmêla les jambes. La coupelle tomba. En heurtant le sol, elle permit de trouver une nouvelle propriété à la matière obscure. Tout explosa.


Reprise du début.


Réveil. Encore.
Victor ouvrit les yeux. Le module de sauvegarde. Encore.
Et le mal de tête, encore.
Il ouvrit la porte. Les nuages gris. Encore.
Et la voix désincarnée de l'IA. Encore.
Il se traîna jusqu'à la cuisine. Encore.
Il avait l'impression que sa vie n'était fait que d'une succession de jours se ressemblant tous les uns et les autres.
Refaire les mêmes gestes. Déjeuner. Se doucher. Vérifier son planning. Partir au labo.
- Bonne journée monsieur Taneute, lui lança l'IA alors qu'il partait.
- 'nne journée, répondit Victor, ensommeillé.
Sa tête lui faisait un mal de chien.
- N'hésitez pas à prendre un café. Ou un stimulant, si le besoin s'en fait sentir, lui conseilla l'IA.
Victor sortit. Pluie. Pas de métro, pas de taxi. Batterie du lecteur à plat. Génial. La journée commençait bien.
En plus, il manqua de se faire renverser par un chauffard à l'entrée du labo.
Trickster l'attendait et se paya sa tête. Victor ne tint pas compte de ses moqueries.
Avant de commencer l'expérience, il préféra prendre un nouveau café, histoire de se réveiller un peu.
Il se mit ensuite en tenue pour l'expérience. Il était fatigué. Il avait mal à la tête. Mais le café lui avait fait du bien. Il arriva à se concentrer le temps de faire les manipulations.
Lui et Trisckster sortirent de la zone de manipulation et enlevèrent leurs combinaisons. La fatigue et la migraine rattrapèrent Victor alors qu'il retirait sa blouse.
Il n'était pas loin de midi. Ils prirent la direction de la cafétéria. Devant les escaliers, Trickster tapa sur l'épaule de Victor.
- On va manger, ça va te faire du bien, dit-il.
Victor était perdu dans ses pensées. Il sursauta à ce contact. Il rata une marche et dévala le reste des escaliers.
Malheureusement, sa nuque n'apprécia pas ce traitement.


Reprise du début.


Le hurlement du réveil et une migraine qui lui vrillait les tempes. Victor s'extirpa du module de sauvegarde. Mal à la tête. Épuisé. L'impression qu'il avait déjà vécu cette journée. Il se massa le crâne. Il avait l'impression d'avoir trop bu la veille. Ou d'avoir était restauré suite à un décès. Il secoua la tête. Mais non. S'il avait été restauré, il se serait souvenu des événements ayant conduit à sa mort. Et là, rien.
Il essaya de se remémorer les souvenirs de la veille. Tout était brouillé. Sa tête le lançait. Dans le brouillard, il se prépara et partit au travail.
- Bonne journée, monsieur Taneute. Attention aux escaliers, lui dit l'IA alors qu'il partait.
Temps de merde au dehors. Pas de métro. Des gens roulant n'importe comment. Au labo, Trickster égal à lui-même, c'est à dire chiant. Une expérience barbante dont il doutait qu'elle aurait des résultats. Victor passa aux toilettes en sortant de la zone de manipulation et rejoignit Trickster à la cafétéria.
En s'attablant devant son plat de frites, il se rendit compte qu'il avait faim. Très faim. Suffisamment pour commencer à bâfrer sans mâcher. Suffisamment pour s'étrangler sur une frite trop cuite se coinçant dans sa gorge.
Et Trickster qui le regardait se roulait au sol, se marrant sans rien faire. Vraiment, quel abruti celui là.


Reprise du début.


Réveil strident. Mal à la tête. Impression de ne plus savoir où il était. Quand on était. Est-ce qu'il avait déjà vu ça ? Oui, non. Peut-être.
Différemment alors.
Sortir, aller travailler. Tomber dans les escaliers. Non, ça c'était déjà fait. Se faire renverser par une voiture. Non pas une voiture. Un bus. Sur le chemin du retour.
Reprise du début. Réveil. Hurlement. Mal à la tête. Sortir, travailler. Mourir.
Reprise du début. Tout se mélange. Quel jour on est ? Pas de souvenir de la veille. C'était quand la veille d'ailleurs ? Le jour où il est s'était fait renverser ? Ou celui où un pot de fleur en grès lui était tombé dessus ?
Reprise du début. Mal. Très mal. Quel jour on est ? Pourquoi il fait encore gris ? Et pourquoi cette impression de déjà vu ? Des souvenirs de mort. Nombreuses. Ouvrir la fenêtre. Sauter. Tout arrêter.


Reprise du début.


- Quelque chose ne va pas, monsieur Taneute ?
La voix calme de l'IA fit ouvrir les yeux à Victor. Il avait tellement mal à la tête. Il ne savait plus quel jour on était. Ses souvenirs étaient mélangés.
- Qu'est-ce que... qu'est-ce qui m'arrive... articula-t-il.
- Vous avez été restauré, monsieur Taneute, répondit l'IA.
- Pourquoi... Pourquoi est-ce que je m'en souviens pas ? Croassa Victor.
- J'ai effacé vos souvenirs, monsieur, pour plus de confort, répondit l'IA.
- Effacé... mes... souvenirs, répéta Victor sans comprendre.
- Oui, au bout de la dixième restauration, je me suis rendu compte que vous souvenir de la journée ou vous ne cessiez de décéder était... perturbant, continua l'IA de sa voix monotone.
- Ne pas cesser de mourir ? Releva Victor.
Il avait peur de comprendre. La voix neutre de l'IA le glaçait.
- Oui. Vous êtes très maladroit, monsieur Taneute. Vous ne cessez de mourir de manière très bête. Et je ne cesse de vous restaurer. Franchement, vous pourriez faire attention.
La voix de l'IA avait prit des inflexions faussement compatissantes qui terrifièrent un peu plus Victor.
- Pou... Pourquoi ?
- Vos supérieurs m'ont programmé pour vous maintenir en vie de toutes les manières possibles, répondit l'IA. Ils pensent que vous ferez de grandes choses. Vos travaux sur la matière obscures pourraient solutionner les crises énergétiques.
L'IA laissa échapper un soupir théâtral.
- Malheureusement, je n'arrive pas à vous maintenir en vie aujourd'hui. Vous semblez toujours trouver un moyen de vous faire tuer. C'est vraiment énervant, vous vous en rendez compte ?
- Non... gémit Victor en se prenant la tête entre les mains.
- Si, c'est énervant, reprit l'IA. Mais ne vous inquiétez pas. Vous êtes entre de bonnes mains. Je ne vais pas vous laisser mourir comme ça. Je vais vous - restaurez, et vous oublierez tout. Comme ça, plus de soucis.
- Non ! S'écria Victor.
Mourir. Que tout s'arrête !
- Et ne vous inquiétez surtout pas, poursuivit l'IA, d'un ton rassurant. Nous avons encore plusieurs millions de combinaisons à tester. Nous en trouverons bien une où vous survivez à cette journée.
- Non ! Non ! Non ! Hurla Victor.


Reprise du début




Voilà, une petite nouvelle sans prétention que je vous livre.

Je la dédie à Terry Pratchett, parce que je lui ai emprunté deux idées. Un carambar à celui quii trouve lesquelles

J'aime beaucoup l'idée, J'ai bien aimé la fin. Puis, je ne sais si c'est fait exprès, mais j'ai la sensation qu'à chaque début, le personnage progresse un tout petit, dans par exemple la communication avec son robot. Ca évolue, comme nos gestes dans la vie : on l'a déjà fait une fois, on ne recommencera plus la deuxième fois, mais alors c'est une nouvelle faute qui arrive, un nouveau drame.

Ce que j'apprécie aussi, ce sont les questions, cet enchaînement de questions, plus on tend vers la fin, qui nous rende bien compte de l'état et des sentiments du personnage.

Après, pour un infime petit détail de rien du tout, au niveau de la formulation de phrase, je n'aime pas trop celle-ci : "Victor n'était pas à ce qu'il faisait" Elle est compréhensible comme ca, seule, mais un lecteur qui lit un peu trop vite ne saisit pas du premier coup je pense,

Belle nouvelle, bonne continuation !

Merci

Effectivement, je voulais qu'on ait l'effet de progression, après tout, l'IA essaye de le sauver et réussit à chaque fois à lui faire éviter la précédente mort.

Je continue de rattraper mon retard sur certains textes.

N'ayant pas encore lu Pratchett, je ne gagnerai pas le carambar pour l'instant !

J'ai beaucoup aimé cette histoire, ce personnage suffisamment maladroit pour se faire tuer tous les jours, et son robot qui le maintient en vie.
J'ai passé un bon moment à la lire, ma façon préférée de mourir pour Victor a été de s'étouffer avec la frite... je crois que j'y penserai la prochaine fois que j'en mangerai

J'aime autant tes nouvelles que "la cité des brumes", elles sont très différentes les unes des autres, mais on est vite pris dedans.

Sinon voici quelques corrections plus précises :

Citation :

Les événements ayant conduits à la restauration restent en mémoire

« conduit »

Citation :

- Bonjour, monsieur Taneute, le salua la voix désincarnée de l'IA du module du sauvegarde.

« du module de sauvegarde » (il y a la même chose dans la seconde partie)

Citation :

Si jamais quelque chose lui arrivait aujourd'hui, il serait restauré à cette date là.

« à cette date-là »

Citation :

Les nuages avaient entre temps craqué et déversaient des trombes d'eaux sur la ville.

J’aurais mis au singulier : « d’eau »

Citation :

Bonne journée, monsieur Taneute, lui dit l'IA alors qu'il passait la porte. Faites attention sur la route.

Il manque le tiret du dialogue en début de ligne.

Citation :

Il avait l'impression que sa vie n'était fait que d'une succession de jours se ressemblant tous les uns et les autres.

« n’était faite »

Citation :

Ou d'avoir était restauré suite à un décès.

« d’avoir été »

Citation :

Et Trickster qui le regardait se roulait au sol, se marrant sans rien faire. Vraiment, quel abruti celui là.

« se rouler »

Citation :

Le jour où il est s'était fait renverser ?

Il me semble que le « est » est de trop.

Citation :

- Pourquoi... Pourquoi est-ce que je m'en souviens pas ? Croassa Victor.

« je ne m’en souviens pas » ?

Citation :

- Oui, au bout de la dixième restauration, je me suis rendu compte que vous souvenir de la journée ou vous ne cessiez de décéder était... perturbant, continua l'IA de sa voix monotone.

« de la journée où vous… »

Citation :

La voix de l'IA avait prit des inflexions faussement compatissantes qui terrifièrent un peu plus Victor.

« avait pris »

Citation :

Vos travaux sur la matière obscures pourraient solutionner les crises énergétiques.

« matière obscure »

Citation :

Je vais vous - restaurez, et vous oublierez tout. Comme ça, plus de soucis.

« restaurer »

Merci pour tes corrections, et ravie que la nouvelle t'aie plu. J'essaye d'expérimenter avec mes textes courts des choses que je n'ai pas l'habitude de travailler avec les textes longs.

sinon, pour le carambar

Spoiler: