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 Musique/texte 1 : Je suis malade

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MessageSujet: Musique/texte 1 : Je suis malade   Musique/texte 1 : Je suis malade Icon_minitimeMer 31 Oct 2012 - 18:50

Texte dont la bande-son est la célèbre chanson de Serge Lama, "Je suis malade".

C'est très triste et un peu pathétique, je posterais des choses plus joyeuses par la suite !



Allongé sur ta tombe, il fait gris. Je chante en pleurant la chanson de Serge Lama, « Je suis malade », effleurant le marbre de la commissure de mes lèvres.

Je ne rêve plus / je ne fume plus / je n’ai même plus d’histoire / je suis seul sans toi / je suis laid sans toi / je suis comme un orphelin, dans un dortoir.

Je repense au dîner de la veille, en famille, alors que plusieurs années se sont déjà écoulées depuis les funérailles. Je repense à leur manière de guetter tous mes gestes, toutes mes réactions, à leur manière de recueillir avidement chacune de mes paroles, comme si elles devaient porter l’oracle du désastre. Une énième fois, ils ont qualifié mon attitude de déraisonnable, d’absurde. Une énième fois, ils m’ont resservi tous les poncifs du deuil qui se doit de terminer : « il faut aller de l’avant », « il faut tourner la page », « la vie continue »…

Je n’ai plus envie / de vivre ma vie / ma vie cesse quand / tu pars / je n’ai plus de vie / et même mon lit / se transforme en quai de gare / quand tu t’en vas.

Ils disent tous vouloir mon bien ; ils me passent la main dans le dos, me lancent des sourires amicaux, et me parlent comme à un enfant. Très souvent ma mère m’attrape et me câline, amoureusement, en me disant : « je m’inquiète pour toi ». Mais ils ne comprennent pas qu’à l’intérieur je suis déjà mort, que je n’irai pas mieux, que je ne peux pas aller mieux. Alors je les ignore, et continue d’avancer en direction des objectifs que je me suis fixé à ta mort. Expliquer, comprendre. Savoir enfin pourquoi je suis mort, le jour même où tu es morte toi.

Je suis malade / complètement malade / comme quand ma mère sortait le soir / et qu’elle me laissait seule avec / mon désespoir.

Allongé sur ta tombe, je sens un vent rude et frais balayer les travées, emporter des feuilles mortes et me les balancer sur le visage. Je ne sais pas si j’aurais la force d’aller jusqu’au bout, mais en même temps je sais que ce désespoir continuera d’alimenter ma quête, qu’il constitue la motivation parfaite pour un projet sans espoir. J’expliquerai un jour d’où vient l’amour, en bon scientifique que je suis, et je saurais alors pourquoi je suis mort le jour où tu es morte toi, je saurais alors quelle est la nature réelle du lien qui nous unissait.

Comme à un rocher / comme à un péché / je suis accroché / à toi / je suis fatigué / je suis épuisé / de faire semblant d’être heureux / quand ils sont là.

Quand je me retrouve ici, devant ta tombe, toute mon énergie s’envole, et je m’effondre alors sur la pierre portant ton nom, pleurant toutes les larmes de mon corps. Et souvent, ces larmes se mêlent à l’eau de pluie, qui coule ensuite parmi les racines des cyprès. De la pluie, des larmes, du vent et des feuilles mortes...

Quand je suis dans mon laboratoire, je suis bien plus calme et serein. Je manie les tubes à essais, lance des calculs sur mon ordinateur, analyse des données avec ces appareils compliquées dont tu riais quand tu ne parvenais pas à comprendre leur utilité. J’aimais ton rire, un rire clair et lumineux, qui fusait dans les airs comme un soleil, et me faisait immanquablement te pardonner tes moqueries bienveillantes. Aujourd’hui, le souvenir de ce rire m’arrache encore l’eau qui réside dans mes glandes lacrymales, près du nez, à la jointure des paupières supérieures et inférieures.

Je bois toutes les nuits / mais tous les whiskys / pour moi / ont le même goût / et tous les bateaux / portent ton drapeaux / je ne sais plus où aller / tu es partout.

J’ai publié la semaine dernière un long article dans une petite revue de vulgarisation scientifique, et cet article contenait plusieurs indications extrêmement importantes concernant l’avancée de ma recherche. J’y exposais, de manière claire, simple et efficace, accessible au plus grand nombre, mes principales conclusions scientifiques concernant l’amour. J’y expliquais que, selon moi, il existerait dans l’univers, en plus de la matière, de l’anti-matière et de la matière noire déjà étudiées par les physiciens contemporains, un quatrième type de matière : la matière dite « amoureuse », qui permettrait à la fois d’expliquer le lien qui existe entre les trois types de matières susmentionnés, et le lien qui existe entre les individus. Cette matière serait en effet composée, d’après mes calculs et expériences, d’un nombre limités de particules (deux), pour le moment encore indétectables.

Je suis malade / complètement malade / je verse mon sang dans ton corps / et je suis comme un oiseau mort / quand toi tu dors.

Allongé sur ta tombe je chante, sous la pluie fine qui vient de commencer à tomber, les paroles profondément tristes et justes de Serge Lama.

Il y aurait, d’après mes conclusions actuelles, deux types de particules amoureuses : les particules A et les particules B, et l’attraction réciproque entre ces deux types de particules permettraient d’expliquer la coïncidence entre l’attraction des corps et l’attraction des âmes, c’est-à-dire le sentiment amoureux. Ce faisant, j’aurais fait accéder la physique à une nouvelle dimension : la problématique de la jonction entre l’objectif – l’attraction réelle des corps physiques – et le subjectif – le sentiment de rencontre spirituelle qui parcourt les âmes. Ce serait là, et je le dis sans mégalomanie, une avancée notable, après que les physiciens contemporains ont tenté d’unifier les différentes théories de la matière physique : relativité générale, relativité restreinte, physique quantique.

Cet amour me tue / si ça continue / je crèverais seul avec moi / près de ma radio / comme un gosse idiot / écoutant ma propre voix / qui chantera…

Envoyé à toutes les rédactions des principales revues scientifiques du pays et du continent, mon article n’a pas rencontré le succès escompté. Certains rédacteurs en chef ont même cru bon de me renvoyer des notes, disant qu’ils l’avaient trouvé « très drôle », « intelligemment fantaisiste », « scientifiquement désopilant », et j’avais jeté leurs courriers avec rage en fustigeant leur bêtise et la limitation de leurs esprits. Seul un obscur torchon de vulgarisation scientifique, réputé pour son manque de sérieux notoire, avait accepté de publier mon article, et je les avais laissé faire en me disant que de toute manière cela n’avait plus aucune espèce d’importance. Je voulais comprendre, et j’avais compris. Si les autres étaient incapables de comprendre, ou incapables d’admettre la vérité, cela n’était pas mon problème, mais était probablement lié à un déséquilibre général dans l’organisation des particules.

Je suis malade / complètement malade / comme quand ma mère sortait le soir / et qu’elle me laissait seule avec / mon désespoir.

Une bonne partie de ma famille, hier soir au dîner, avait lu mon article, et cela explique sans doute leur attitude de guet à mon égard pendant toute la durée du repas.

Je lève les yeux en direction de la plaque de bronze, fixée au marbre, sur laquelle est gravé ton nom.

Après le dîner, nous avions été boire un digestif au salon, comme nous le faisions toujours dans la famille, et certaines personnes s’étaient adressée à moi. Ils avaient déploré le caractère absurde de mes recherches actuelles, le gâchis que constituait le fait de consacrer mon intelligence à ces fadaises, et la perte également de mes dernières prérogatives universitaires. Ils en avaient profité, bien entendu, pour me répéter une énième-plus-une fois les lieux communs sur le nécessaire travail du deuil, les « il faut l’oublier », « on ne peut pas vivre dans le passé », « tu dois accepter qu’elle est partie »… Mais je ne les écoutais plus. Je ne les écoute plus depuis longtemps. Je me contente du minimum d’attention requise pour ne pas les froisser inutilement, et je réfléchis en arrière-plan à mes prochaines recherches scientifiques.

Je suis malade / c’est ça, je suis malade / tu m’as privé de tous mes chants / tu m’as vidé de tous mes mots.

Allongé sur ta tombe, je me laisse aller un moment à me souvenir de toi, et cela me rappelle pendant quelques minutes que je suis mort à l’intérieur. Je sens le marbre parfaitement lisse et plat contre mon corps, et je chante, les vêtements détrempés par la pluie fine, les paroles impeccables de la chanson de Serge Lama. Allongé sur ta tombe, je me sens vivre de manière paradoxale lorsque je sens, en-dessous de moi, ta présence définitivement perdue. C’est que tu es encore là, d’une certaine manière, que tu continues d’émettre peut-être des particules A qui partent à la rencontre de mes particules B, et c’est ce reste d’émission sans doute qui me fait pleurer, et me donne l’énergie de continuer ma recherche.

Et j’ai le cœur complètement / malade / cerné de barricades / t’entends / je suis malade.

– La chanson terminée, je me relève, essuie mes larmes et repart en direction de l’entrée du cimetière. Mes pas font un crissement sec sur le gravier des allées.
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Elann
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MessageSujet: Re: Musique/texte 1 : Je suis malade   Musique/texte 1 : Je suis malade Icon_minitimeSam 22 Déc 2012 - 22:15

Je sais bien que ça fait longtemps que tu as posté ça. D'ailleurs, je l'avais lu/ écouté à ce moment.
Encore aujourd'hui, je ne trouve pas grand chose à dire.

Le personnage féminin est classique si l'on peut dire, elle était bien sûr parfaite, avec ce fameux "rire clair", etc...
Mais l'homme est amoureux, désespérément amoureux alors on a envie d'y croire. Même si elle n'est plus là...

La recherche scientifique en but premier après sa mort est une bonne idée.
Tu disais que c'était pathétique, mais avec cela, ça l'est beaucoup moins.
Je trouve aussi les passages "familiaux" très juste, touchant...

On a presque envie de croire à l'amour après ça Smile

Merci.


Dernière édition par Elann le Mer 9 Jan 2013 - 18:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Musique/texte 1 : Je suis malade   Musique/texte 1 : Je suis malade Icon_minitimeMer 9 Jan 2013 - 18:35

Ouf ! I'm back !

Merci beaucoup pour le commentaire ! J'avais un doute sur ce texte, c'est pour ça que je l'ai posté, et je suis content de voir que ça plaît au moins à quelqu'un.

En ce qui me concerne, il se passe un phénomène étrange : quand je le lis avec la musique, ça passe tout seul, comme une lettre à la Poste ; mais que je le lis dans le silence, il y a des bouts de phrases qui accrochent, qui retiennent, des mots par-ci par-là qui paraissent en trop, ou au contraire qui paraissent manquer.

C'est un drôle de phénomène.

Du coup, je m'interroge beaucoup sur le fait d'écrire en musique, sur les interactions voire interférences entre la mélodie et le rythme de ce qu'on entend, et la musique de ce que l'on écrit. Ma résolution actuelle, c'est d'écrire dans le silence absolu, en prononçant à voix haute ce que j'écris, et ça marche pas mal. Mais je reviendrais à l'écriture en musique, ça apporte quelque chose, il me semble.

J'en poste quelques autres dans le même style très bientôt, encore merci.
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MessageSujet: Re: Musique/texte 1 : Je suis malade   Musique/texte 1 : Je suis malade Icon_minitime

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