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 Musique/texte 3 : Je roule

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MessageSujet: Musique/texte 3 : Je roule   Musique/texte 3 : Je roule Icon_minitimeMer 9 Jan 2013 - 19:35

Pour compenser l'autre, voici un texte plus joyeux, plus gai. Sur "Hours" de Tycho :



TYCHO : Hours

Je roule dans une décapotable, longeant des grands lacs clairs qui me regardent avec leurs yeux qui brillent, les reflets qui parlent au ciel, et lui envoient des mots doux et gentils. La route est droite, confortable, le bitume est parfaitement noir, lisse et uni. Il n’y a pas d’accroc, et personne d’autre sur le chemin, je peux accélérer autant que je veux dans les lignes droites, cela ne présente aucune danger. Le lac est là, à mes côtés, et il m’accompagne et me suit, tel un ami bienveillant qui ne s’attarderait pas à me juger inutilement. Parfois, des papillons blancs surgissent des hauteurs de l’air et volent devant ma tête, à côté du rétroviseur, pendant quelques secondes, puis ils s’en vont, retournent à leurs occupations sans prendre la peine de me dire « au revoir ». Les arbres sont extrêmement verts ; ils sonneraient presque faux si je n’étais pas intimement persuadé de la réalité de ce que je vois, de son authenticité et de son naturel. La surface du lac est un grand miroir où le ciel se regarde et s’aime comme un gigantesque Narcisse, un vaniteux de légende aux cheveux bouclés et au teint clair. J’appuie sur la pédale de l’accélérateur, et sent le vent caresser mes cheveux.

Mais c’est quoi, au fond, la réalité.

Après avoir bien roulé, bien senti cette sensation de glisse sur la route à côté du lac et sur d’autres routes encore, j’arrive dans un désert, une mer énorme faite de sable et de dunes qui s’offrent infiniment les unes après les autres, comme les fesses et les seins d’une géante difforme, mais pourtant tellement belle. Le sable vole parfois au gré d’un coup de vent, s’élève dans les airs en une sorte de voile léger, translucide, et je le traverse sans ralentir, car je ne crains par le fouet des particules sur mon visage. Les arabesques de sable me caressent, elles m’adorent et m’auréolent comme des tissus servant à des cérémonies pleines de tendresse et d’amitié. Tout l’océan de sable sur lequel je navigue en roulant est orange, jaune, et les teintes se déclinent au gré des ombres de l’œil du cyclope Soleil, le long des dunes et des creux, des vagues et des sursauts d’écume. Le soleil fait des reflets sur mon pare-brise, et ces reflets dansent devant mes yeux ; je suis obligé de mettre mes lunettes de soleil, la route continue et je dois la poursuivre. Je prends mon temps, accélère encore et admire le paysage qui se déroule tout autour de moi.

La réalité, cette pute, comme si on avait besoin d’elle.

Et après le désert, les montagnes. La route emprunte des tunnels profonds et des viaducs vertigineux, je prends mon élan sous la roche et décolle ensuite le long du béton et de l’acier ; le soleil essaie de m’attraper, mais je l’évite en allant plus vite que lui. Des rapaces transpercent le ciel, ils me saluent et volent à mes côtés quelques instants, avant de piquer des kilomètres et des kilomètres plus bas, après avoir vu une souris ou un mulot. Je continue de filer de plus en plus vite, le pied bien calé sur l’accélérateur, mais j’ai tout le temps de jeter un coup d’œil en bas, vers la vallée, et je vois des petites maisons entre les ruisseaux, des toits avec des jolies couleurs et des hommes qui s’affairent à des tâches admirables. Puis la route descend, elle replonge dans la montagne, je me trouve à nouveau dans un tunnel, et j’accélère alors au travers de ce boyau, les luminaires blancs accrochés aux parois défilent à toute vitesse, ils font comme un vortex dans lequel je dépasse le temps et l’espace. Et je ressors, plus bas, dans une nouvelle vallée. Je vois les pentes de la montagne, les sapins tendus vers le zénith, les prés qui attendent sagement que les animaux viennent leur rendre visite, les cours d’eau qui chantent et dansent en évitant les coups bas de ces enculés de rochers.

Ce dont on a vraiment besoin, c’est de moments pour rêver, de moments pour s’évader dans nos têtes.

La route repique, remonte, puis redescend dans des enchaînements de vertiges qui ne me font pas perdre le cap. J’accélère, sans me précipiter, et me retrouve encore dans un nouvel endroit, une route qui longe la mer depuis le sommet d’une falaise abrupte. En bas, on peut entendre les vagues qui viennent se casser les dents contre la roche insensible, sociopathe. L’air marin, lui, parvient à passer au-dessus du bord de la montagne effondrée, et il me caresse les narines alors que je file toujours sur le bitume impeccable, les lunettes de soleil finalement rangées dans mon étui, toujours aussi tranquille et serein. Les odeurs me donnent envie de sauter de la falaise avec mon bolide, d’atterrir sur un bateau de pêche, un chalutier, et de partir pour attraper des saumons, des thons par milliers, et les dévorer ensuite avec de la sauce tomate ou du citron. Ou alors : un super-pétrolier, un pétrolier géant, où je pourrais me promener parmi les conduites et les câbles électriques, avant de regagner mes camarades dans la cabine pour jouer aux cartes. Je file sur la route le long de la falaise, je prends mon élan, j’accélère encore, et dans certains virages j’ai véritablement la tentation de m’envoler, de rejoindre la mer, de transformer ma voiture en embarcation insubmersible.

Et moi, pour rêver, j’ai besoin de ta peau, de ton être, de toute ta personne.

J’arrive maintenant dans des vignobles, ces contrées féériques où l’on fabrique le vin, l’ivresse, les délires d’autres gens. Je vois toutes les lignes de raisin qui défilent, les mini-perspectives offertes par chacun des alignements qui se succèdent, à toute vitesse. Je salue de la main tous les grains de raisin qui me voient et me saluent en retour, j’imagine les ivresses du monde entier, les heures passées dans un état instable, quelque part entre la terre et le divin. Je les vois dire des bêtises, rigoler à n’importe quoi, danser n’importe comment, et finalement aller se coucher voluptueusement dans des canapés et des lits recouverts de coussins, pour des siestes bienheureuses, peut-être tendrement recroquevillés contre des gens qu’ils aiment. Je comprends l’état de leur cerveau, la sensation de légèreté, l’envie d’aimer et de bénir tout le monde avec des gestes simples et sacrés, le rire intérieur qui nous traverse comme un mouvement de symphonie. Les grains de raisin sont ronds et mûrs, ils sont violets et bien gorgés d’eau, prêt à se déverser dans tout les gosiers assoiffés d’un peu autre chose, de distractions méritées après les heures trop longues de la vie quotidienne. J’envoie des baisers au beau raisin, et le raisin se jette vers moi, transformé en bouteilles de vin qui viennent garnir mon coffre et que j’offrirais aux gens que j’aime.

En fait, j’ai surtout besoin de ta peau pour rêver, car c’est le long de sa surface que j’imagine des choses.

Et voilà désormais la grande plaine fertile, l’étendue des champs de maïs et de blé, le lieu où l’on prépare le manger de tout l’univers, les repas du futur pour l’assemblée des hommes. Il y a des granges aux formes géométriques, des silos de métal chromé qui sont comme des cannettes de soda oubliés par des géants postmodernes. Et il y a aussi du bétail, de-ci, de-là, entre deux surfaces cultivables, des vaches qui me regardent passer avec leur air bête en mâchonnant quelque chose qu’elles ne cessent pas de mâchonner à mon passage, malgré ma grande vitesse. J’accélère toujours, la route est toujours aussi belle, et je profite toujours autant de chaque instant, pas du tout perturbé par le vide du chemin que j’emprunte. Le bitume noir et propre s’offre devant moi comme une magnifique surface, un univers plat et profond, à partir duquel je peux tout voir et tout imaginer, directement et sans appréhension. Je regarde tout autour de moi, profite du paysage, il y a les épis de blés, leur petite géométrie de pierre précieuse hypertrophiée, leur schéma mathématique, la texture de leurs moustaches qui danse et qui s’élève vers le vent et les mains bienveillantes. Et il y a les épis de maïs, leur masse plus pataude mais que je salue quand même : leur caractère mystérieux, leur timidité, avec cette longue chevelure que l’on devine et qui dégouline parfois à l’extérieur, comme pour révéler la présence des grains, la petite armée du maïs délicieux.

La vérité, c’est que c’est sur ta peau que je roule, et que c’est ta peau qui constitue la route de tous mes rêves.

Je roule, navigue, accélère, prends mon temps. Je remonte le pied enfoncé sur la pédale de droite le long de tes jambes, dis bonjour ou bonsoir à tes mollets, les pneus de mon bolide les mordent et cela te chatouille. J’effectue un rapide passage qui fait chanter les amortisseurs dans le creux de tes genoux, ça t’arrache un petit rire et un frisson, tu remues dans tous les sens et je manque de sortir de la route. Mais je rétablis le cap grâce à mes réflexes parfaitement préparés par ces milliers de kilomètres parcourus. J’arrive maintenant sur la face arrière de tes cuisses, je les escalade en rétrogradant, elles font comme un long virage extrêmement agréable à prendre, il faut tourner un peu mais pas trop ; la courbe est joliment dessinée et se replie vers l’intérieur, je crois que ça va mieux, tu es habituée à ma présence. Enfin, j’arrive au sommet de la première colline, sur tes admirables fesses, je profite de la vue, la mer du drap qui nous entoure toi et moi, et sans traîner je redescends sur le versant nord. Houlà ! Séisme ! Tu te retournes, je suis obligé de braquer sur le côté pour éviter la catastrophe, l’accident, je me rétablis de justesse et me trouve désormais sur un autre paysage, dans une autre contrée. Derrière moi, il y a la forêt de ton pubis qui disparaît dans le rétroviseur, je me dirige vers une cavité, un ombilic, ton nombril dont certains ont parfois prétendu qu’il était le centre du monde. J’esquive la difficulté, me sert de la courbe et du creux pour prendre de la vitesse, mais évite soigneusement de tomber dans les profondeurs de l’abîme. Et je remonte, dans ce petit amorti du ventre, en direction de tes deux seins, les collines jumelles comme les appellent les voyageurs aguerris, je remonte en accélérant encore et toujours, prenant bien le temps d’admirer le paysage. Je rentre dans ta poitrine comme dans un canyon, j’admire la symétrie, je vois les deux sommets de tes seins, les tétons, qui sont dressés comme des croix plantées jadis par des paysans superstitieux. Tout cela est beau, et fort, et je continue la route, pressé de te retrouver à la toute fin de mon voyage. J’arrive sur le haut de la poitrine, le cou, cette région étrange où les os, les tendons et les muscles dessinent des géométries étranges, des imbrications subtiles et complexes qui appellent à l’innovation, et à la caresse la plus fine. Je tourne habilement le long de toutes les chausse-trappes, je poursuis ma route au mépris du danger et des embûches, je file en direction du menton, j’escalade sa paroi abrupte avec une facilité déconcertante. Et voilà, je suis arrivé, voilà ta bouche, tes lèvres fines, leurs courbes sublimes sur lesquelles je pourrais rouler à l’infini comme sur un circuit fermé. Tout est là, ta bouche, tu pourras te taire ou me parler, me dire des choses ou m’embrasser, et je roulerais tout autour de toi sans jamais m’ennuyer, je descendrais dans l’ombre pour cueillir tes paroles et je remonterais ensuite pour recommencer le voyage, inlassablement.
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MessageSujet: Re: Musique/texte 3 : Je roule   Musique/texte 3 : Je roule Icon_minitimeVen 11 Jan 2013 - 23:42

Encore une fois, cette musique seule, c'est pas ma tasse de thé...
Mais encore une fois, tu es vraiment doué pour caler les mots, les idées, les sensations sur le rythme, l'air, la sonorité.

C'était joli. Des fois je me disais que tu partais carrément définitivement et admirablement en cacahuète dans un monde onirique assez... spécial mais on (je ?) te suivait sans problème. Tout semble couler de source. La musique associée aux mots nous hypnotisent et il semble tout à fait logique que tu parles de raisins qui font la fête et de rouler en décapotable sur une femme...
J'admire ce sens de la poésie. Et la vulgarité ne dessert presque pas (oui, oui, parce que quand même...) ton propos, ce qui est quand même fort...
Je ne sais que dire d'autre.

Particulièrement aimé ces deux phrases: "Mais c’est quoi, au fond, la réalité. / La réalité, cette pute, comme si on avait besoin d’elle."

_________________
Je suis né pour te  connaître, pour te nommer, liberté.  Paul Eluard
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Musique/texte 3 : Je roule
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