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 Famille de photo

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MessageSujet: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeMer 11 Sep 2013 - 22:40

Voici une autre nouvelle, que je viens de terminer. Elle est un peu longue, j'en suis désolé, mais il m'est impossible de la couper!

Famille de photo




Lucien regardait les photos posées sur la console de marbre.
Le soleil du matin fendait la fenêtre d'une lumière froide. Parcouru d'un frisson, Lucien remonta la couverture sur ses genoux, l'assujettit dans le creux des accoudoirs. Puis, tremblant sur les marchepieds du fauteuil roulant, il prit le cadre le plus proche de lui.



C'était l'année de leur mariage. Il revoyait comme si c'était hier, réuni dans la grande maison sur la falaise, tout ce que la ville comptait de plus achevé en cigares, smokings et chapeaux compliqués.
Au milieu de ces ombres, Élisabeth rayonnait. Elle passait d'une table à une autre, libre comme une paysanne, des rubans entre les mains. Les parents de Lucien passaient, eux, sur ses vingt ans, gageant qu'on parviendrait bien à soumettre ce petit animal sauvage. La vie, dans l'esprit de son père, était une affaire sérieuse, qui se jaugeait en tonnage et taux d'intérêt, et dans celui de sa mère en habits noirs et religion.
Lucien, lui, n'avait dieu que pour elle, qu'elle pour seul bréviaire, unique intérêt. Comme un acompte sur l'éternité la compagnie de cet ange descendu des nuages était son billet gagnant à la loterie de la vie. Elle valait bien que le temps qu'il demeurât sans elle ne soit plus qu'une morne attente sans saveur.
Il se rappelait cette journée dans les moindres détails.
C'était hier.
Après le repas, après la fumée des cigares et le mélange des toilettes plus entêtant que l'absinthe, le père emmenait ces messieurs dames sur la terrasse face à la Rade. Les mains sur la balustrade avancée comme une proue, le père montrait ses bateaux qui rentraient le café d'Amérique du Sud. Sous l’œil du maître en représentation, les cargos semblaient rendre allégeance par le long drapeau d'écume qu'ils formaient sur leur passage.
Les mariés étaient descendus dans le jardin. Ils n'avaient que faire des bateaux, riant des rires admiratifs et calibrés de l'assistance captive. Ils s'amusaient à se poursuivre dans les allées qui allaient en lacets le long de la falaise, et hors d'haleine, s'enlaçaient sur la corniche.
Les doigts secs de Lucien parcoururent le verre aphone du cadre photo, s'attardèrent sur le visage.
Il revivait la scène.
Élisabeth, assise sur le muret, disait Verlaine en contrefaisant la voix de beau-papa, sérieuse comme une statue grecque.
Et ils éclataient de rire, ayant dix ans à nouveau.
Lucien avait emprunté à son père l'appareil photographique, un Leica modèle A venu tout droit d'Allemagne qui reléguait les foldings au rang d'antiquités.
Dans le viseur il la voyait pouffer de sa maladresse à manier le délicat appareil.  Derrière elle l'immense plan d'eau de la Rade étincelait sous le soleil, donnant au tableau la transparence cristalline d'une toile de Seurat.
Il prit la photographie et se redressant, vit qu'Élisabeth avait disparu. Un simple instant avait suffit pour qu'elle lui fausse compagnie.
Sur le côté un portail était ouvert à demi, invitation à suivre. Ils l'avaient suivi, ce soir là, dans l'escalier taillé à même la roche qui menait à la grève. Dans un creux, là, ils firent l'amour, pendant que les bonnes gens regardaient les cargos.
Une légère douleur suspendit sa rêverie. Le verre était cassé.
Il ouvrit la paume, qu'une entaille d'un bon pouce traversait. Une goutte de sang glissait le long, cherchait l'angle du poignet. Il porta la main à la bouche, grimaça au goût de métal autant qu'à la contrariété du dégât causé.
Décidément, il était toujours aussi gauche. Cette réflexion le fit sourire, comme il entendait le timbre grêle d'Élisabeth le plaisanter sur ses mains, mieux faites pour le papier que pour l'arbre. Sauf si l'arbre, c'était elle...
Il observait ces mains posées à plat sur ses jambes. Elle avaient beaucoup vieilli, ces main, elles avaient tant vieilli qu'il eut été impossible en les voyant d'imaginer ce qu'elles avaient été. Elles n'étaient plus bonnes à rien, désormais, dans ce monde affreux d'utilités. Elles se souvenaient pourtant, du corps et des courbes.
Avec un mouchoir il emmaillota la blessure, davantage pour ne pas salir que par soin personnel.


–La semaine dernière. Oui, on l'a rentrée la semaine dernière. C'est ici. Vous pouvez vous garer ici.
–Là ? Le long du mur ?
–Si vous voulez. Oui, c'est très bien. Faites attention au trottoir, il est haut.
–Je vais rester là. La rue ne doit pas être bien passante.
–C'est l'entrée ?
–L'entrée principale, oui. Impressionnant, non ? Il y en a une autre, plus loin, pour le gardien.
–Il y a un gardien ?
–Il y avait. La maison du gardien est...dans son jus. En ruine, je crois. Je n'ai pas fait la pré-visite, c'est monsieur Louarn. Vous voyez il n'a même pas eu le temps de mettre le panneau. On l'a rentrée la semaine dernière. Vous allez voir, c'est une maison magnifique, avec vue sur la Rade.


Lucien avait remis le cadre abîmé en place, avant d'en prendre un autre à côté. C'était une photo en noir et blanc d'un petit garçon sur un tricycle.
Le petit garçon fut leur premier enfant. Un enfant particulièrement choyé, qu'ils élevèrent comme des fidèles rendant un culte à leur dieu, religieusement.
Gabriel.
Ils lui avaient donné le prénom de son grand-père, le négociant en café, le grec. On le surnommait le grec parce qu'il était armateur, et qu'il possédait une usine de cafetières qu'on appelait des grecques, à cause de leur décor en frise grecque.
Plus tard on parlait encore du grec, mais de Zorba, car il perdit ses bateaux, ne conserva que la fabrique. On l'y retrouva mort, terrassé par une crise cardiaque après l'économique, n'ayant jamais écouté ses médecins comme ses banquiers, qui lui déconseillaient les excès de café.
Lucien ferma les yeux pour se fixer l'image dans l'esprit.
Derrière le gamin, la grand-mère confondait dans l'ombre d'un bosquet son veuvage,   rehaussé d'une pâleur de fantôme. Plus en chair et les couleurs inversées, on aurait pu la prendre pour un de ces baby-sitters d'Afrique Noire qui surveillaient les petits blancs le coupe-coupe à la main. Sur son engin, Gabriel avait le pli malicieux, peut-être pensait-il au Sénégal ou à quelque tour qu'il pourrait jouer à son garde-chiourme corseté.



–La pièce à vivre.
–L'espace est intéressant. Il y a du potentiel.
–Je vous croie. Cela doit bien faire dans les quatre-vingt mètres carrés.
–Pas mal, effectivement. C'est une salle de réception. Les cuisines sont de ce côté ?
–Les cuisines ? Je ne sais pas. On peut y aller, si vous voulez.
–Ce n'est pas la partie que je préfère, mais allons-y.
–Vous ne cuisinez pas ?
–Uniquement en dernière extrémité.
–Votre femme ? Pardon, vous devez me croire bien indiscrète. Ce sont des questions que je pose tout le temps, on a besoin de savoir ce genre de choses pour bien conseiller le client.
–Ne vous tracassez pas. Vous n'aurez pas de problème avec ma femme.
–Tant mieux.
–Je n'ai pas de femme.
–Désolée.
–Vous n'avez pas à l'être.
–D'accord. Effectivement, ce sont les cuisines. Vous avez le flair.
–C'est le plan habituel des maisons de cette époque. Elles étaient faits sur le modèle des appartements de la capitale.
–C'est vrai, vous êtes architecte.
–Oui. Je fais surtout des usines. Mais elles ont parfois leurs charmes. Quelle année ?
–L'année ?
–L'année de construction.
–Pardon. 1851, il me semble. Second Empire.
–1851, vous avez dit ?
–Je l'ai dit.
–C'est la Seconde République. Les chambres sont à l'étage ?



Le sommeil s'évapore.
Une porte, quelque part en bas, rentre dans son bois, avec un bruit sourd.
Il est parti.
Quelle heure peut-il être ?
Le soleil du matin filtre à travers les volets fermés, lui blesse encore les yeux qu'elle a entrouvert.
Élisabeth glisse une main sur le drap, retrouve la forme que le corps absent a imprimé. Un mince rayon de poussière danse au milieu de la chambre comme un doigt de feu, et la transperce au plus profond.
Puis sans hâte, elle se lève, va pousser les volets. Un flot de clarté dorée chasse la pénombre, porté par une brise froide et saline. La fraîcheur se coule entre ses jambes, vient tendre le tissu comme une voile. Elle le retient, et le vent lui fait un ventre rond. L'instant même où elle pose là sa main une douleur l'étrangle à ce qu'évoque ce geste.
Sur la terrasse il y a des chaises de rotin. Des perles de rosée scintillent, rougies par le soleil qui se cambre à l'horizon.
« Est-ce que tu m'aimes ? »
Cruauté des mots, cruauté quotidienne que lui renvoie le soleil. Ce soleil tant aimé, qu'elle haïra désormais, elle le sait.
« Pourquoi t'es tu levé ? »
Il était parti travailler, sans répondre. Répondre c'est déjà mentir.
Bien sûr qu'il l'aimait. Davantage qu'elle n'en rêverait jamais. C'est pour cela qu'elle devait le faire.
Quelle heure est-il ?



Le cadre bon marché jurait avec la photo. Elle n'allait pas avec ce que la pose avait de solennel et d'un peu raide.
Quel âge pouvait-elle avoir à ce moment là ?
Au visage où s'attardaient encore les rondeurs juvéniles, Lucien estima qu'elle ne devait pas avoir plus de dix-huit ou vingt ans. Elle paraissait forte et timide en même temps, et une fierté de chatte.
Il aimait bien cette photo.
Il faudrait qu'il change le cadre.
Suzanne serait née trois ans après Gabriel. Elle aurait été la seule de la famille à n'avoir jamais subi les facéties du gamin. Il l'aurait bien, une fois ou deux, enfermé dans un placard, coupé quelques mèches aux ciseaux ce genre de choses, mais ça n'aurait jamais été bien loin. On peut dire même qu'il l'aurai protégé, bien qu'il n'y eu personne d'autre pour la tourmenter. Ainsi il lui serait assez souvent arrivé de lui épargner les vindictes de la grand-mère. Lorsqu'elle aurait fait une bêtise quelconque, c'est sans balancer qu'il aurait pris sur lui la punition. C'est peut-être ce qu'il aurait continué de faire adulte. Il ne se serait résolu à se marier que lorsqu'elle l'aurait fait tout d'abord, il n'aurait eu des enfants qu'après elle, aurait toujours vécu près d'elle, toujours prêt aux prétextes les plus imaginatifs à ces changements, car il n'aurait  bien sûr pas été  pensable d'avouer cette tendre attention.
Ici l'amour est taiseux.
Puis la grand-mère s'en est allée, et Gabriel dans l'adolescence aurait repris son rôle avec le sérieux qu'ont seuls les enfants ; pour Suzanne plus qu'un frère, et à peine moins qu'un père, ce père qu'elle voyait tellement peu.
Lucien laissa la photo sur ses jambes, roula jusqu'à la fenêtre.
Dehors deux rangées d'ifs encadraient un parking presque vide.
Il était encore tôt.
Il se demanda s'ils viendraient tous. Combien auraient répondu. En étaient-ils encore qui pouvaient répondre ? Il était si vieux, cela faisait si longtemps.
Il avait prié Victor Abgrall de ne rien lui dire des résultats de ses recherches. Il avait même du se fâcher pour l'empêcher de parler. Le souvenir de sa dernière entrevue avec cet imbécile l'agaçait. Il ne payait pas, et assez cher du reste, l'amour-propre de Victor Abgrall.
Malheureusement on a toujours besoin des imbéciles. Ils ont la manie énervante de  bien faire leur travail.



Les yeux clos, Lucien rêvait.
Dans le début des années soixante, le monde se transforma.
Le port gagna sur la mer, remplaçant la grève par les entrepôts, les radoubs, les silos à grains, le bruit des vagues par l'enfer des camions.
Les voilà grand-parents.
Paul et Robert, les deux garçons de Suzanne, suivis par leurs cousins, Catherine, Aude et Renaud.
La tablée chaque dimanche, chaque jour de fête, pleine et vivante comme un bateau dans la houle.
Élisabeth. Au milieu d'eux tous, lumineuse comme un doigt de feu elle aurait eu pour chacun une phrase, une attention, un regard.
Et les années. Les génération ouvertes, amplifiées, rendant presque étroite la maison les yeux braqués sur la mer.
En mille-neuf-cent-soixante ; Fellini, berceau, couches et barricades.
En soixante-huit guerre du Biafra, mort de Dario Moreno -quelle voix- école privée, le mien a pris trois tailles en six mois, rien ne lui va plus, moi c'est pareil, depuis que j'attends le troisième.
En soixante-seize canicule, une mort encore, celle d'Agatha Christie, boîte à bac, quel avenir pour le grand, le mieux est entré chez Lavazza, qu'est-ce qu'on va faire des vieux.
Quatre-vingt-un quatrième génération, les chars russes à Paris dans trente-six heures, point de croix ou aquarelle ?



–Ça n'a pas été ouvert depuis longtemps.
–Oui. L'ancien propriétaire ne montait plus à l'étage. Il occupait seulement le bas.
–Malade ?
–Je ne sais pas bien.  Aidez moi, pour les volets. Là. C'est mieux. On voit quand même quelque chose. Il était très âgé, ça c'est sûr. Il ne montait plus.
–J'aime bien cette chambre. Et ce jardin.
–Les huisseries sont à changer. Ou au moins à repeindre. Je connais un bon artisan qui travaille bien. Mais pardon, vous êtes architecte.
–A Paris. Je ne connais pas la région, du moins pas dans ce domaine. Et j'ai plus confiance dans le bouche à oreille que dans les répertoires de la chambre de commerce. C'est votre beau-frère ?
–Non... ?
–Je plaisantais. C'est dommage tout de même.
–Vous plaisantiez. Vous trouvez ? Certains aiment. C'est même recherché, en fait. Mais tout cela n'existait pas quand la maison a été construite. Il y avait même une plage en bas, à laquelle on accédait par le jardin. C'est mon gendre. Il vous fera un prix, si vous venez de ma part.
–Combien de chambres ?
–Sept. Toutes à l'étage. Et un bureau. Enfin, ce qui était un bureau, à l'origine. Le propriétaire y avait installé sa chambre.
–Sept chambres. C'est autre chose que mon trois pièces.
–Les combles peuvent aussi être aménagés. Et la cave est vaste. Elle couvre toute la surface sous la maison. On peut tout diviser en lots pour faire plusieurs appartements, même un hôtel si on veut, tout est possible. Vous avez un projet précis ?
–Non.
–Vous voulez vous installer dans la région ?
–Je ne sais pas. C'est la première fois...
–Je ne comprends pas bien ce que vous recherchez précisément. Pardonnez moi encore, mais je pourrai vous aiguiller sur un autre bien si celui ci ne vous convient pas.
–Je la prends.
–Il y a d'autres maison dans le secteur, qui...pardon ?
–Je la prends. Je l'achète.
–Le jardin. Vous n'avez pas vu le jardin. Et, nous n'avons pas discuté du prix...
–Aucune importance. Je la prends. Vous n'aurez pas besoin de mettre un panneau. Je pourrai voir le jardin ?


Il y aurait encore eu les petits-enfants.
Un grand cadre gris où la lumière descendait, le long de la console de marbre.
Frédéric, des yeux bleus comme Lawrence d'Arabie. Mais lui préférant le froid, serait devenu glaciologue. Estelle dans l'ombre, en médaillon, douce et jolie. Louis, Bleuenn, Stella, Xavier et les autres, ils étaient tous là sur la console de marbre. Avec les parents, les grands-parents, les arrière-grands-parents, ils formaient une réunion de photos de famille, une petite humanité de poche.
Lucien entendit un bruit derrière lui. Il joua des mains sur les roues du fauteuil, se trouva face à une jeune femme en tailleur gris.
–Vous avez choisi, monsieur ?
–Vous en avez d'autres ?
–Il doit m'en rester quelques uns en réserve, comme celui là, il me semble. Mais sinon je crois que tout est là. Vous voulez que j'aille voir ?
–Les photos à l'intérieur...ce sont les mêmes ?
–Les photos ?
–Oui. Les photos de présentation. Elles sont très bien.
–Oui, ce sont les mêmes modèles, donc les mêmes photos, pourquoi ?
–C'est parfait. Dans ce cas je ne prendrai que ceux là.
–Lesquels ?
–Tous. Je vais tous les prendre.
Le vieil homme avait dit cela d'un ton si naturel que la vendeuse se demanda un instant si ce client n'était pas en train de se payer sa tête, ou s'il ne perdait pas la sienne. Quel âge avait-il ? Christian avait parié sur quatre-vingt-dix. Mais elle n'était pas très douée pour donner des âges et elle avait arrêté ce genre de pronostics quand à l'école de sa fille elle avait pris une mère pour la grand-mère.
–Cela vous embête ? demanda le vieil homme.
Elle bredouilla :
–Non. Ils sont là pour être vendus. C'est juste que c'est...curieux. Je vais vous emballer tout cela. Vous pouvez patienter à côté, si vous voulez, j'en ai pour quelques minutes. C'est pour offrir ?
–Vous ferez bien attention, je crois que par inadvertance, j'en ai cassé un. Juste le verre. Ne vous blessez pas. Non. Ce n'est pas pour offrir. Pour consommer immédiatement. Pardonnez moi, vous ne pouvez pas comprendre. Mettez tout cela dans un carton, si vous en avez un. Mon chauffeur s'en occupera.
Puis, avançant vers la caisse, Lucien rajouta :
–Je vais l'appeler.
Il hésita, puis une inquiétude dans la voix :
–Vous n'enlèverez pas les photos, n'est-ce pas ?



–Ce n'est pas très entretenu. Le propriétaire ne venait pas non plus dans le jardin ?
–Il est très en pente, vous voyez. Pas idéal quand on est en chaise roulante. Les jardiniers ne venaient plus, une histoire de facture impayée, quelque chose comme ça.  C'est ce que j'ai entendu, mais pour être franche je n'y crois pas vraiment.
–Les résédas. Ils me rappellent, je ne sais plus quoi. Pourquoi dites vous cela ?
–Connaissant le personnage, je suis étonnée qu'il ait eu des difficultés à régler ses factures.
–Vous paraissez en savoir long sur lui.
–C'est qu'il est connu. Lucien Raynault-Fresson.
–Ça ne me dit rien. Je ne lis pas les magazines, désolé. Et je n'ai pas de femme, comme je vous l'ai dit.
–Pas de femme ?
–A cause des magazines. Désolé. Ce n'était pas de très bon goût.
–Je n'avais pas compris. Mais c'est vrai, ce sont surtout les femmes qui les lisent. Rassurez vous je ne vais pas vous traiter de misogyne ! Mais Lucien Raynault-Fresson, il était photographe. Un grand photographe. Il travaillait pour Paris-Match, et pas mal en indépendant, aussi. C'est lui qui a fait la photo de la petite viet-cong, au Vietnam.  En soixante-dix huit, je crois.
-La petite fille dans la rue, devant l'ambassade américaine, celle qui tenait un drapeau ?
-C'est ça. C'était lui. Il avait déjà dans les soixante-dix ans.
-On sait de quoi il est mort ?
-Oui, il s'est...c'est vous ou c'est moi ?
-C'est vous.
- C'est l'agence. Il faut que je réponde, excusez moi j'en ai pour une seconde. Oui ?



Lucien regardait les photos sur le muret de pierre.
Il était satisfait. Elles étaient très bien.
Sans se lever de son fauteuil il tira une chaise, déplaça un cadre et se recula pour juger la mise en scène.
Puis il déplia le pied télescopique qu'il avait en travers de ses jambes, le posa au sol, lui cherchant la stabilité. Il prit l'appareil, l'installa sur son support adapté par ses soins. Le pied était neuf, l'appareil était un Leica, modèle A...
La Rade, derrière, brillait par endroit, là où les nuages n'offraient pas d'écran au soleil.
Un bateau blanc comme un oiseau progressait lentement dans l'immense plan d'eau. Lucien, perdant le fil, regarda cet oiseaux blanc posé sur l'eau. Un long moment il observa la forme, assez longtemps pour percevoir son déplacement. Cela ressemblait à la vie. Insensiblement, sans qu'on s'en rende compte, sans qu'on le veuille, les bateaux s'en vont.
Il battit des paupières, comme on secoue la poussière d'un tapis, écarta ce souvenir de son esprit.
Ses mains coururent sur le vieil appareil, firent les réglages, les années de pratique les laissant aller sans l'aide du cerveau.
Lucien vérifia une dernière fois le cadrage. Tout était prêt.
La télécommande à la main, il roula jusqu'à la chaise. Face à elle, il bloqua les roues,  souleva ses jambes l'une après l'autre. Un après l'autre, il posa les pieds au sol. A travers la semelle des chaussures il sentit les formes irrégulières des dalles, que les tâches changeantes des nuages semblaient faire bouger.
Il eut un vertige.
Son cœur s’accéléra. Il se mit debout, s'aidant des accoudoirs et du montant du portail. Lentement, tout tremblant, il pivota, se laissant retomber avec dureté sur le rotin. Il étouffa un cri de douleur. Son dos, ses genoux ! La respiration haletante, il patienta, jusqu'à ce que son pouls revienne à la normale. Enfin, il repoussa le fauteuil qui bringuebala sur le côté. La machine dépassa le portail et heurta l'angle du mur. Quelque chose tinta sur le sol, mais Lucien ne s'en préoccupa aucunement. Puis, il prit position, se dressa face à l'objectif.
Il tenta de sourire, mais se trouva ridicule, décomposa son visage. Dans sa main la télécommande lui paraissait minuscule. Appuyant sur un bouton, il déclencha l'appareil. Un clic. Un clac.
–C'est fait. Bon anniversaire Lucien. Ça se fête cent ans, non ? Souriez, ma famille d'invention...




–C'est fait. Je n'ai pas été trop longue ?
–Pas du tout. Attention, une marche.
–Merci. Pardonnez moi, je ne me rappelle plus, vous m'aviez posé une question ?
–Le propriétaire. Comment est-il mort ?
–Il s'est suicidé.
–Il s'est, quoi ?
–Ça a l'air de...ça va ?
–Oui. Tout va bien. C'est juste que...la surprise, c'est juste la surprise. Je ne savais pas.
–Évidemment. Comment auriez vous su ?
–Rien. Pour en revenir à la maison. Sept chambres, la taille du jardin, il devait avoir une grande famille, beaucoup d'enfants ?
–Des enfants ? Non. Aucun. Il n'avait pas d'enfant.
–Il était marié, pourtant.
–Ça n'a pas duré longtemps, comme je vous l'ai dit. Sa femme...
–Elle est morte ?
–Non. Ils ont divorcé. Un an environ après leur mariage. Ils ont divorcé, et elle a disparu. On n'a plus jamais entendu parler d'elle.
–Et il ne s'est pas remarié ?
–Jamais. Il est toujours resté seul, on ne l'a même jamais vu avec une femme. Ma mère lisait les magazines. C'est comme ça que je peux vous le dire.
–Pourquoi se sont-ils séparés ?
–Il était très pris par son métier. Et je crois que cela passait avant tout le reste. Avant la vie de famille, les enfants et tout ça.
–Oui. Vous m'avez dit qu'il était photographe. Il devait voyager beaucoup. Je sais ce que c'est.
–A cette époque il n'était pas encore photographe. Il l'est devenu plus tard, après son divorce. Il était avocat et avait un cabinet place Wilson. C'est en ville. Vous ne connaissez pas, c'est vrai.
–Je loge à l'Océania. Place Wilson.
–Le vieil hôtel ? Son cabinet était juste en face. Mais le bâtiment n'existe plus. Il a été détruit pendant les bombardements. C'était le cabinet le plus important, en ce temps là, de toute la région. Il n'y a pas travaillé longtemps. Quand sa femme est partie, il a tout arrêté. La photograhie est arrivée peu après.
–Curieux. Pourquoi la photo ?
–C'est ma mère qui lisait les magazines. Je ne connais pas tous les détails.
–...
–Je peux vous poser une question ? Une question indiscrète ?
–Faites.
–Vous avez l'air de vous intéresser beaucoup à lui. Et je me trompe peut-être, mais lorsque je vous ai dit qu'il s'était suicidé, j'ai eu l'impression que ça vous avait fait un choc. Comme si cela avait été un membre de votre famille. Y a-t-il une raison pour cela ?
–Parce que je suis son petit-fils.



L'architecte contourna le bosquet hérissé de tiges non taillées, emprunta les quelques marches qui descendaient jusqu'à la dernière terrasse, celle qui donnait sur le vide et le port en contrebas.
Devant la mer se déployait sous la bannière bleue du ciel. Des chaises de rotin d'un âge insondable étaient regroupées autour d'une table. L'une des chaises se trouvait à l'écart, comme si on l'avait mise là volontairement, pour quelque raison précise.
Il s'arrêta devant la chaise.
D'une poche de sa veste, il sortit une enveloppe. Il en tira un papier plié en trois et une photographie.
C'était le même endroit.  La même chaise. Il reconnaissait le mur, la vue sur le port de commerce, et la Rade, la presqu'île, et plus loin, la douce levée du Menez Hom.
Le vieil homme assis c'était Lucien Raynault-Fresson. Mais qui étaient les autres sur les photos ? Il n'avait pas prêté attention pendant la visite, mais il ne lui semblait pas qu'il y eu des photos dans la maison.
Étrange réunion de famille, pour quelqu'un qui n'en avait aucune.
Il retourna l'enveloppe, lut à nouveau l'adresse de l'expéditeur.
Victor Abgrall, détective, spécialiste en recherche des personnes, 132 rue Gay-Lussac, Brest.
Quel dommage qu'il fut au Brésil à ce moment là. Sans cela, il aurait eu le courrier à temps.
Il avait tant de questions.
Quelque chose sur le sol attira son regard. Il s'approcha, découvrit une vis dans la rainure entre deux dalles. D'où provenait-elle ?
C'est alors qu'il remarqua le portail ouvert.



Une tâche étincelante glisse dans les hauteurs. Elle disparaît une seconde en passant devant le soleil, bat des ailes et se pose sur un rocher.
Élisabeth laisse s'épancher un tremblement. Elle a froid. Elle aurait du s'habiller plus chaudement. Mais c'est trop tard à présent.
Rajustant le châle sur ses épaules, elle tient d'une autre main le tissu, sentant la vie dans son ventre.
Si c'est une fille, ce sera Lucienne.
Si c'est un garçon...
Elle empoigne la valise, regarda une dernière fois le salon de rotin où ils avaient été heureux. Elle essaye d'imprimer cette dernière image pour l'emporter avec elle.
Elle pose les yeux sur la mer. La mer dans les yeux, entre et déborde, deux planètes sous deux paupières qui battent, comme on chasse la poussière.
Elle se retourne, et s'en va.
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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeMer 18 Sep 2013 - 16:46

Quoi, pas de commentaire?

Ne soyez pas timides, venez commenter !

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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeVen 20 Sep 2013 - 13:22

Hey !

Voyons voir.
Spoiler:

Je crois que mon hypothèse s'est révélée exacte...
Voilà mes impressions tout au long de la lecture:
- J'ai d'abord pensé à une histoire banale d’un vieil homme qui se souvient de sa vie.
- Puis je me suis posé pas mal de questions devant le conditionnel passé. J'ai cru que Gabriel était mort avant la naissance de Suzanne ou qu'Elisabeth avait fait une fausse-couche ne mettant pas Suzanne au monde.
- Des petits enfants sont mentionnés. Je me dis que je suis complètement largué. Que l'auteur est fou et que je vais tenter de relire le texte drogué pour comprendre. Mais je continue.
- Je commence à comprendre petit à petit lorsqu’il dit qu’il veut les prendre, qu’il parle des photos avec la dame en tailleur. Je me souviens du titre et tout devient clair.
- Choc en apprenant que le visiteur de la maison est le petit-fils. Comme je l'ai écrit, j'émets une hypothèse.
- Je n'aime pas tellement la fin. Après tout, on a compris. Par contre, j'aime le "si c'est une fille, ce sera Lucienne / Si c'est un garçon..." ainsi que la phrase: "Elle pose les yeux sur la mer. La mer dans les yeux, entre et déborde, deux planètes sous deux paupières qui battent, comme on chasse la poussière." qui fait écho au même geste de Lucien un peu plus haut dans le texte et bien des années après dans la vie.

J'ai beaucoup aimé le texte. Tu as un don certain pour les dialogues. Je les adore ::love:: , ils sont ciselés et tellement réels. Pas d'incises, pas besoin.
A un moment, comme je l'ai souligné, on commence vraiment à ne plus rien comprendre mais je trouve que c'est suffisant bien écrit pour qu'on ne décroche pas et qu'on veuille savoir la suite.

Merci pour cette lecture !

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sombrefeline
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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeVen 20 Sep 2013 - 17:08

Avant de commenter, mode animatrice on

Fait des posts moins long, quitte à scinder ton histoire en plusieurs morceaux, pour ne pas rebuter tes lecteurs.


Maintenant, quelques corrections relevées :

Citation :
réuni dans la grande maison sur la falaise, tout ce que la ville comptait de plus achevé en cigares, smokings et chapeaux compliqués.
« réunis », plutôt

Citation :
Elle avaient beaucoup vieilli, ces main
Elles avaient

Citation :
qu'il eut été impossible en les voyant d'imaginer
il eût été

Citation :
On l'y retrouva mort, terrassé par une crise cardiaque après l'économique
J’ai du mal avec le sens

Citation :
d'un bosquet son veuvage,   rehaussé
un espace en trop

Citation :
–Je vous croie
Je vous crois

Citation :
Il l'aurait bien, une fois ou deux, enfermé dans un placard
Enfermée (si tu parles de la gamine)

Citation :
On peut dire même qu'il l'aurai protégé
L’aurait protégée

Citation :
bien qu'il n'y eu personne d'autre pour la tourmenter
j’aurais mis « n’y aurait eu », pour rester raccord avec le reste du texte niveau temps

Citation :
Il avait même du


Citation :
Et les années. Les génération ouvertes
Les générations

Citation :
Aidez moi, pour les volets
Aidez-moi

Citation :
Pardonnez moi encore
Pardonnez-moi

Citation :
Pardonnez moi
Pardonnez-moi

Citation :
regarda cet oiseaux blanc
cet oiseau

Citation :
photograhie
photographie

Au niveau du style, c’est agréable à lire, travaillé et recherché. J’ai parfois eu un peu de mal avec certaines tournures alambiquées (mais bon, je suis pas au meilleur de ma forme aujourd’hui).

J’ai beaucoup aimé l’histoire de cette famille via les photos, qu’au final on découvre inventée. C’est touchant et triste à la fois.
Par contre, j’ai eu un peu de mal avec les encarts dialogués. Certes, ils permettent de comprendre l’histoire du vieil homme, mais je trouve que passer d’une narration très travaillé à des dialogues secs est très abrupt.
J’ai eu aussi un peu de mal avec l’usage des temps : des fois le passé, des fois le futur antérieur, c’est assez perturbant.

Au final, une bonne nouvelle très agréable à lire.

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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeSam 21 Sep 2013 - 9:20

Merci pour ces commentaires! Et promis, je vais poster de manière plus digeste.
L'usage des temps m'a posé aussi quelques problèmes, c'est peut-être quelque chose à revoir.
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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeLun 23 Sep 2013 - 8:28

j'ai trouvé ton idée intéressante
s'approprier une série de photos, s'inventer, adopter une histoire familiale
j'ai ,sans doute, lu trop rapidement

le format de ton texte pose un autre problème
il est long, donc demande du temps d'analyse pour donner un avis, d'où peut être le léger retard a répondre, il faut travailler aussi quand on joue au critique...

par contre pour donner de l'épaisseur aux personnages, introduire un mystère dans une histoire, de la poussière dans une maison vide, il faut un minimum de lignes, tricoter pas mal son texte.
en fait il demanderait à prendre de l'épaisseur, quitte à travailler au niveau de sa publication par épisode, ce n'est pas autre chose que les histoires publiées par épisodes dans les journaux par les auteurs du 19 éme

voila c'est mon humble avis
cordialement ,Anne.
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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeLun 23 Sep 2013 - 15:45

Oui, Anne, ton avis est très juste. C'est un peu long pour une nouvelle, pas assez pour autre chose.
Je crois d'ailleurs que ce n'est pas le seul texte où j'ai ce problème là. Adapter la longueur au sujet.
Et promis promis la prochaine sera courte!! Rolling Eyes 
et encore merci (surtout sachant le temps que vous prenez) pour vos commentaires, toujours pertinents!
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MessageSujet: Re: Famille de photo   Famille de photo Icon_minitimeLun 23 Sep 2013 - 23:36

J'avoue qu'au début je n'y comprenais pas grand choses. On va dire que c'est l'heure tardive ou ma blondeur ^^
Mais après quand l'histoire ce met bien en place, c'est un vrai régale. Des phrases poétiques, agréables. J'ai pris beaucoup de plaisir à te lire.

Je ne me permettrais pas d'aller plus loin dans le détail car d'une je suis nulle en orthographe et de deux je n'ai aucune expérience technique vu que je suis venu ici pour la prendre.

Par contre la fin il m'a fallu un peu de temps pour comprendre... mais elle est poétique une fois comprise !
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