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 Dark Legacy Tome 1 : ZERO

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MessageSujet: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeVen 3 Nov 2017 - 20:57

Prologue


On nous appelle "les Autres", on nous méprise ou on nous craint.

Je suis un Autre.  

De l'extérieur, j'ai pourtant l'air d'un Normal. Je mesure un mètre soixante et je suis très mince, plutôt athlétique avec des courbes féminines très discrètes et une poitrine inexistante. J'ai une peau garnie de tâches de rousseur, très pâle qui a tendance à rosir à la moindre émotion ou écart de température. Mes cheveux sont noirs, un peu ébouriffés et fous, avec cette fichue mèche qui a pris la sale habitude de toujours venir se mettre devant mes yeux. Quant à leur longueur, ils tombent juste en dessous de ma nuque. Pour ce qui est de mes yeux, encore une fois, rien d'extraordinaire, bruns, toujours maquillés, tout ce qu'il y a de plus banal, autrefois cachés derrière une paire de lunettes que je ne porte plus, je n'y pense pas. Pour finir, mon style vestimentaire ne se fait pas vraiment remarquer.

Je suis assez coquet, sans plus.

Je m'habille parfois en homme, parfois en femme, c'est comme je veux en fait, parce que j'aime casser les codes que la société nous impose.

Je suis un Autre. Je n'ai pas de genre défini, je suis doté d'une sensibilité exacerbée mais je n'aspire qu'à m'épanouir dans un monde où on ne veut pas des gens comme moi.


Dernière édition par Ethan Wesker le Sam 18 Nov 2017 - 23:43, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeVen 3 Nov 2017 - 21:14

Chapitre 1


" _ Evann ?!... Evann, tu vas être en retard ! "

J'émets un grognement clairement mécontent et me force à bouger, ne serait-ce que pour attraper mon portable qui vibre sous mon oreiller. Mon réveil... Difficilement, à cause de mon esprit encore embrumé, je déchiffre l'heure indiquée sur l'écran : 7h15...




7h15 ?! Oh merde ! Je bondis hors de mon lit et me rue hors de ma chambre, manquant au passage de tomber lamentablement dans les escaliers. Une fois en bas, je salue mon père adoptif, qui m'a appelé depuis la cuisine et dont, heureusement, la voix m'a réveillé. Je ne prend néanmoins pas le temps de manger quoi que ce soit, sachant pertinemment que je mets toujours un temps monstrueux à me préparer.

Aujourd'hui, nous sommes un frais lundi de Décembre, et je reprend enfin les cours, après avoir été forcé d'arrêter mes études littéraires à domicile assez longtemps pour des raisons pour le moins... compliquées.

Après m'être préparé étrangement bien plus vite qu'à l'accoutumée, j'ai précipitamment mis mon sac de cours sur mon dos, sautillant sur un pied afin de lacer une de mes boots. Je suis finalement parti en trottinant en direction du lycée, après avoir une nouvelle fois salué mon père et lui avoir souhaité une bonne journée. C'est mon premier jour dans cet établissement, en fait c'est mon premier jour dans un véritable établissement scolaire, mes premiers profs, mes premiers amis. Ça manquait un peu à ma vie, j'avoue... En vérité, même si j'ai peur, j'ai hâte de rencontrer des jeunes de mon âge, je commençais vraiment à me sentir seul et je n'avais aucun ami, mis à part ma famille adoptive et mon chat, qui étaient ma seule compagnie durant mes interminables journées.

Néanmoins, je ne connais personne dans ce lycée et j'angoisse beaucoup quant à mes facultés d'intégration. Il faut dire que je suis loin d'être comme les autres. En effet, je suis né un peu bizarre physiquement parlant. Mon corps est très différent de celui d'un garçon ou d'une fille et les gens ne savent souvent pas, au premier regard, à quoi ils ont affaire. Moi même je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je suis.

Perdu dans mes pensées, courant machinalement, j'arrive enfin, complètement à bout de souffle, au portail du lycée et traverse la cour à toute allure, me hâtant de rejoindre la salle indiquée sur l'emploi du temps préalablement fourni. Lorsque je rentre dans la salle, tout le monde est déjà entré, et la prof d'anglais organise ses affaires. Je m'arrête devant son bureau en prononçant un "Hello" joyeux et enthousiaste. Elle m'a immédiatement reconnu comme étant le nouveau, alors elle m'a invité à venir à côté d'elle devant le tableau, interpellant ses élèves :

"_ Soyez attentifs s'il vous plaît. Evann, votre nouveau camarade, vient tout juste d'arriver et n'avais jamais fréquenté d'établissement scolaire auparavant, je compte donc sur vous pour ne pas le mettre mal à l'aise et pour l'aider à s'intégrer et à rattraper ses cours. "

Super efficace, comme technique pour ne pas me mettre mal à l'aise... Tous me dévisageaient et je me suis senti rougir. J'ai croisé quelques regards accompagnés de sourires amicaux auxquels j'ai répondu timidement. Je suppose que c'est comme ça qu'on fait... La prof a repris, après ce qu'il m'a semblé être des heures :

"_ Bien, quelqu'un aurait-il une petite place pour lui ? "

Tout le monde avait déjà ses marques et s'est installé à côté de son voisin habituel. Au fond de la classe, une main s'est levée suivie d'un :

"_ Moi, madame !
_ Très bien, merci Ambre "

Je suis donc parti m'installer à côté de cette fille très grande, blonde or aux yeux bleus clairs, avec des lunettes à monture brune. Je m'approche donc et dit, intimidé :

"_ Merci beaucoup, Ambre."

Je souris et m'installe. Finalement, la prof fait l'appel, non sans rappeler que je suis nouveau et qu'il faut être gentil et accueillant avec moi, tout ça tout ça, puis commence enfin son cours. Pendant l'heure, Ambre m'a interpellé :

"_ Je vais te passer mon cahier, comme ça tu pourras rattraper. Tu te débrouilles bien en anglais ? "

Je l'ai remerciée pour son aide et ais répondu avec un clin d’œil :

"_ Je suis Américain alors... oui.
_ Aaaah oui, alors tu te débrouilles même probablement mieux que moi ! Tu vas voir, tu vas super bien t'intégrer, ici. "

J'espère...

Nous avons suivi le cours tout en bavardant discrètement puis la cloche a sonné. Ambre rangeait ses affaires et s'apprêtait à partir. Intrigué, j'ai alors demandé :

"_ Mais on est pas censés avoir deux heures d'anglais, normalement ?
_ Si si, normalement... Mais les emplois du temps sont un peu changés à cause des oraux blancs, du coup là on a presque pas cours en ce moment... Allez viens, je vais te présenter mes amis ! "

Nous sommes tout d'abord passés à la machine à café pour compenser mon absence de petit déjeuner, puis elle m'a suggéré de la suivre, histoire de me présenter des gens.

Je l'ai alors suivie jusque dans le hall d'entrée du lycée, devant les casiers, l'endroit où elle retrouve habituellement sa petite bande d'amis, en sirotant mon café vanille. À peine arrivée qu'elle se précipite et saute au cou d'un garçon aux yeux verts et aux cheveux châtains foncé, mi-longs, attachés en queue de cheval. Elle me le présente, il s'agit de son petit copain, il s'appelle Foster. Il serre ma main raidie par le stress en lançant un "bienvenue p'tit gars" très chaleureux. Ensuite arrivent deux filles, une petite blonde et une grande brune, toutes les deux aux yeux bleus et à la peau pâle. Ambre me les présente :

"_ La p'tite blondinette, c'est Clemmie, et la brune c'est Valerianne. Clemmie c'est mon héroïne. Et Valerianne, elle a rejoint notre cercle d'amis très récemment quand elle a intégré notre club de fans de mangas. "

Aussitôt, Valerianne a arboré un grand sourire et m'a demandé :

"_ Tu aimes les mangas ?
_ Les mangas c'est la vie !
_ Trop ! Mais rejoint le club du coup ! tu vas voir, le président fait peur au début mais il est cool. On a tous l'air fous ici mais on est gentils, t'inquiètes. "

Ambre a souri et, tournant la tête, s'est exclamée :

"_ Quand on parle du loup ! "

Une voix a résonné dans mon dos alors que je m'efforçais de tenir une conversation construite avec Clemmie et Valerianne :
"_ Que me vaut cet accueil ? "

Ambre s'est précipitée vers lui et lui a saisi le poignet afin de l'approcher de moi, répondant à sa question :

"_ Le p'tit nouveau dont je t’ai parlé l'autre jour est arrivé, tu viens lui dire bonjour ! Et tu lui fais pas peur hein, il est timide. "

Constatant notre malaise réciproque alors que nous étions plantés l'un en face de l'autre sans savoir quoi dire, Ambre s'est exclamée :

"_ Ohlala quelle bande d'handicapés des sentiments ! Bon, Néo, je te présente Evann. Et Evann, voici Néo, mon tout premier véritable ami. "

Néo... Je ne sais pas ce qui, chez lui, m'a fait vibrer au premier regard.

C'était un garçon très grand, mince et musclé, aux épaules larges lui donnant une allure très impressionnante. Il aurait presque pu être effrayant s'il n'avait pas eu ce regard si tendre et ces traits si fins. Ambre l'a pris par le poignet afin de l'inviter à s'approcher davantage de moi puis a déclaré d'un ton joyeux à l'attention de son ami :

"_ Bah alors, tu dis rien toi ? "

Il a bégayé quelques mots censés justifier son comportement et m'a regardé de haut en bas, certainement surpris qu'Ambre ait parlé de moi au masculin alors que ma tenue très proche du corps dévoilait clairement mes timides courbes, un peu féminines. Il a néanmoins souri et m'a tendu la main, prononçant un "enchanté" d'une voix douce mais au timbre très masculin, désormais ancrée à jamais en moi. Acceptant sa poignée de main, je n'ai néanmoins pu répondre qu'un timide "salut", la gorge serrée, mais jubilant intérieurement d'avoir eu un contact physique avec lui.

Il paraissait être un garçon assez distant, froid, presque gêné d'être là. Apparemment, il semblait ne pas être très à l'aise avec lui même, physiquement parlant ; ses cheveux, nonchalamment jetés en arrière, étaient très clairement décolorés en blond et il portait des lentilles de contact rouges avec les pupilles en fentes, comme celles d'un chat. Quant à ses vêtements, ils étaient tout noirs, et bien deux tailles trop grands pour lui. Il dissimulait ses dernières formes sous un très long manteau fermé de haut en bas, noir, évidemment. Quant à ses yeux, aussi beaux soient ils, étaient dissimulés derrière une paire de lunettes à monture noire.

Voyant que je l'admirais, Clemmie est intervenue, un peu brusquement :

"_ Ne le regarde pas, Néo est mal dans sa peau. "

Visiblement gêné par cette intervention, il a répliqué :

"_ Moi, mal dans ma peau ? C'est ridicule, j'suis pas déçu de moi même..."
Clemmie a ri et s'est approchée de moi pour me glisser à l'oreille d'un air complice envers moi, mais quelque peu moqueur envers un Néo très embarrassé par la situation :

"_ Tu vas voir, demain il ressemblera plus du tout à ça, il aura teint ses cheveux et changé la couleur de ses lentilles... La seule chose qui changera pas, c'est qu'il sera toujours habillé comme à un enterrement. C'est pour ça qu'on l'appelle Caméléon, parce qu'il change tout le temps de couleurs et qu'il se camoufle."

Néo a laissé s'échapper un léger sourire quand Clemmie a prononcé son surnom, certainement pour tenter de dissimuler son malaise. Cette dernière a souri puis s'est exclamée :

"_ Bon c'est pas que je m'emmerde moi, mais j'vais aller draguer mon crush ! Salut ! "

Nous avons finalement passé le plus clair de notre journée ensemble, discutant à propos de nous, mais surtout, et c'est inhabituel, à propos de moi, afin de faire plus ample connaissance. En tout cas, j'ai pas mal retenu l'attention de Néo quand j'ai évoqué certaines choses que nous avions, de manière totalement fortuite, en commun. J'ai aussi pas mal discuté avec Valerianne, qui m'a l'air d'une fille tout à fait sympathique, simple, douce et enjouée, bien qu'un peu trop naïve et infantile.

Finalement, nous avons dû nous séparer pour la dernière heure de cours de la journée, nous promettant les uns aux autres de se retrouver à la fin des cours au portail du lycée. Et c'est précisément ce que nous avons tous fait. Nous en avons profité pour discuter encore un peu, avant que tout le monde décide de rentrer, me laissant seul avec Néo. Ne pouvant se résigner à se quitter, je l'ai finalement accompagné jusqu'à chez lui, avant de reprendre le chemin de ma propre demeure.

J'arrive une vingtaine de minutes plus tard à la porte de ma maison, un très grand pavillon très moderne. Je vis ici avec mon père adoptif et sa sœur, ainsi qu'avec mon grand frère de cœur et sa copine. J'entre, et constate aussitôt que je suis seul. J'ai l'habitude...

Mon joli chat gris cendré, nommé Maës, vient se rouler sur mes jambes en ronronnant. Je le caresse et lui remet de la nourriture et de l'eau fraîche, après avoir posé mon sac de cours sur le canapé, excédé de porter cette charge.

Ensuite, je suis toujours la même routine, à une différence près ; j'ai des devoirs à faire. L'odeur du papier quadrillé me donne un léger sourire. Je m'installe confortablement en tailleur bien au fond du canapé couleur crème qui trône au milieu du salon aux couleurs claires, crèmes et brunes. Un chocolat chaud que je viens de me préparer attend patiemment que j'y trempe mes lèvres, entre deux phrases couchées sur le papier.

Je finis mes devoirs en un peu moins de deux heures après vérification sur l'horloge ronde accrochée au mur au dessus d'une télé écran plat qui repose juste en face de moi, me tentant à chaque seconde de l'allumer. Il est déjà presque 20h, j'ai faim, alors je commence tranquillement à préparer le dîner pour toute ma petite famille adorée. Habituellement, mon père ne rentre pas avant 21h. Quant à mon frère et ma belle sœur, de par leurs professions respectives, c'est assez rare qu'ils rentrent, mais ce soir, ils avaient promis...

Je prend donc tout mon temps pour mettre de l'ordre dans la maison, afin que mon père et ma tante puissent enfin se reposer un peu, eux qui ont si peu de temps pour eux mêmes. Je profite de ma lancée pour mettre la table et pour passer le balai partout. La maison est incroyablement calme, on entend sans problème la trotteuse de l'horloge du salon, se mariant aux ronronnements de Maës, couché en boule sur le canapé, à l'endroit même où j'étais assis quelques minutes auparavant.

Je profite du temps restant pour ranger le bureau de mon père, puisqu'il ne peut évidemment jamais le faire par lui même...

Je m'appuie, une fois ma tâche terminée, de dos sur un angle de son bureau, les deux mains à plat sur le meuble, dans mon dos cambré, me hissant légèrement dessus, comme si je voulais m'y asseoir, afin d'observer toutes ses médailles et distinctions militaires obtenues du temps où il était capitaine d'une unité d'élite de l'armée de terre.

Maintenant, il est revenu à ses débuts ; la médecine et la génétique, en travaillant dans un laboratoire pharmaceutique incroyablement fortuné et prestigieux, qui a quasiment le monopole du marché depuis que son principal concurrent s'est effondré suite a une affaire... Glauque, c'est le mot.

Le tintement du trousseau de clés, la serrure de la porte d'entrée qui tourne et se déverrouille, mon chat qui s'est extirpé d'un bond de sa torpeur et du canapé et qui s'approche de la porte dans un trot énergique en poussant des grands miaulements enthousiastes... Papa est rentré ! Je me précipite hors du bureau et cours me blottir contre lui, passant mes bras autour de sa taille et posant ma tête sur son torse, presque en larmes tant je suis heureux de le retrouver, et épuisé par les émotions accumulées dans la journée.

Il a un sourire ému, comme à chaque fois qu'on se retrouve. Il caresse mes cheveux et dépose un léger baiser sur mon front, avant d'accrocher les clés sur un crochet à côté de la porte d'entrée, puis de suivre le même rituel de "mise à l'aise" que d'habitude. Toujours dans le même ordre, il retire sa veste, puis ses lunettes, puis sa cravate, pour finir par défaire deux boutons de sa chemise. Il a eu un nouveau sourire en humant l'odeur particulièrement agréable du repas qui régnait dans la maison, constatant par la même occasion que j'avais exécuté toutes les tâches ménagères qui lui restaient sur les bras depuis quelques temps.

Il m'a à nouveau enlacé, me demandant :

"_ Alors, ta journée ? Raconte moi tout ! "

Je lui ais donc bien volontiers parlé de mes profs, de ce que j'avais vu aujourd'hui en cours, et évidemment, de mes tout nouveau amis, l'informant finalement que je n'avais pas oublié de faire mes devoirs. Mon père était visiblement heureux non seulement que je fasse preuve de bonne volonté pour mes études, mais aussi que je me sois fait des amis, chose qui m'a toujours paru impossible jusqu'à ce jour. Il m'a à son tour informé que comme promis, Jake et Sherry venaient ce soir, et que ma tante Alex n'allait pas tarder à revenir à son tour. Mon bonheur n'aurait pas pu être plus complet, d'ici quelques minutes, j'allais être avec ma famille au grand complet, au calme chez moi, après avoir passé ma première bonne journée depuis bien longtemps...

Le lendemain, j'ai été réveillé en sursaut par la sensation de deux corps se jetant de tout leur poids sur mon lit, me secouant énergiquement et visiblement très joyeusement, entonnant en cœur "allez Evann, debout, réveille toi !". J'ai émis un léger grognement, comme je le fait à chaque fois qu'on me tire ainsi de mon sommeil, pour finalement constater que les deux intrus si énergiques, de si bon matin, étaient Sherry et Jake. L'espace d'un instant, j'ai eu peur d'être à nouveau en retard pour le lycée, mais c'était avant de réaliser que je ne prenait qu'à 10h, le mardi...

J'ai donc pris le temps de me retourner sur le dos, de m'étirer et de me redresser dans mon lit, avant de prendre dans mes bras les deux électrons libres qui me servent de grand frère et belle-sœur. Jake est mon grand frère, de six ans mon aîné. Il est tellement grand et solidement bâti que je fait vraiment "petite crevette" à côté de lui. Il a des traits fins, de très beaux yeux bleus et des cheveux châtains dorés coupés très courts, au ras du crâne. Il également un signe distinctif : une très grande cicatrice qui lui barre la joue gauche. Il peut avoir l'air cynique voire un peu méchant quand on ne le connaît pas, mais en vérité, il a un grand cœur.

Quant à Sherry, ma belle-sœur, c'est une jeune femme de vingt-six ans qui pourtant en paraît dix de moins. C'est vrai qu'elle a des traits incroyablement enfantins, des petites tâches de rousseur très discrètes parsemant sa peau laiteuse ainsi que de grands yeux bleus très clairs reflétant une grande douceur et beaucoup d'innocence. Ses cheveux blonds platine ont toujours été coupés courts et sont très fins et très doux, accentuant encore ses airs de petite fille.

Constatant que j'étais à présent bien réveillé, mon frère a pris la parole, enjoué :

"_ Alors Evann, heureux d'avoir toute ta famille à la maison avec toi ? "

J'ai acquiescé d'un vif signe de tête ensuite de quoi nous sommes vite descendus. J'ai pris le temps de saluer et câliner mon père et ma tante, qui est rentrée très tard la veille au soir.

Il lui arrive souvent de sortir prendre l'air dans la journée et profiter du peu de temps de vie qui lui reste, atteinte d'une grave maladie développée quand elle était enfant, vu les circonstances dans lesquelles elle et mon père ont grandi. Et souvent, elle rentre tard pour profiter du ciel étoilé, de la brise fraîche de la nuit, du calme et des lumières de la ville. En apprenant qu'elle était condamnée, elle a appris à aimer les plaisirs simples et elle nous reviens chaque soir plus apaisée que le précédent. À présent, après de très longues et dures épreuves, ma famille est enfin au grand complet.

Cette fois ci, j'ai pris le temps de déjeuner avec eux, de m'occuper de mon chat et de me préparer pour finalement partir serein pour le lycée. J'avais hâte de retrouver tous mes amis, et en particulier Néo.

Je sais pas exactement ce que c'est que cette influence qu'il a sur moi, mais c'est assez puissant. Je le connais à peine mais je l'adore déjà. En ce moment, et pour la première fois depuis longtemps, je suis heureux, et rien ne pourra venir perturber ce renouveau dans ma vie, n'est-ce pas ?



N'est-ce pas ?...


Dernière édition par Ethan Wesker le Sam 18 Nov 2017 - 23:52, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeJeu 9 Nov 2017 - 23:22

Chapitre 2


Comme hier, j'ai traversé la cour du lycée en trottinant, me rendant dans le hall près des casiers, là où je savais que je retrouverais mes amis. Quand j'ai levé les yeux, la première chose qui m'a frappé a été la nouvelle apparence de Néo. Bon, il était toujours habillé tout en noir, ça, ça ne changera pas, mais cette fois ci, ses yeux étaient verts émeraude et il avait des mèches châtains foncé. Ah oui, effectivement, il porte bien son surnom de Caméléon...

J'ai dit bonjour à tout le monde et Néo est venu s'ajouter tout naturellement à la conversation, ce qui m'a permis de communiquer un peu avec lui.

C'est donc de très bonne humeur que je suis allé en cours lorsque la cloche à sonné, accompagné d'Ambre, très joyeuse aussi, grâce à la présence de son copain. Finalement, ce fut une journée assez banale, journée pendant laquelle nous sommes allés en cours, nous sommes vus aux pauses et à midi et nous sommes retrouvés le soir avant de se séparer pour retourner chacun chez soi. Évidemment, je ne peux m'empêcher de raccompagner Néo chez lui, étant donné que je passe devant sa maison pour retourner chez moi. Ça nous fait un petit moment à nous deux, tous les jours, pour discuter au calme. Plus ça va, plus je m'attache à lui, son comportement me donne envie de tout savoir de lui. Il est vraiment fascinant.

Après l'avoir laissé sur le pas de sa porte, je suis retourné chez moi et, à ma grande surprise, il y avait de la lumière dans la maison. Je suis entré et ais constaté, perplexe, que Sherry était là. Je l'ai saluée chaleureusement, heureux de ne pas être seul à la maison. J'ai ensuite effectué mes tâches habituelles visant au bien être de mon chat, la même vieille routine, avant de m'installer dans le canapé à côté de ma belle-sœur pour faire mes devoirs. Elle fait partie intégrante de ma famille, je l'aime beaucoup et sans elle, je ne serais probablement plus là aujourd'hui, alors je lui dois bien ça.

J'ai vite fini mes devoirs et ais continué à travailler dans la maison. Bien sûr, j'ai été obligé de refaire du rangement dans le bureau de mon père, étant donné qu'il ne peut visiblement pas s'empêcher d'y travailler jusqu'à minuit, mais en plus, il néglige de le ranger après tant il est fatigué. J'aime traîner dans cette pièce. Après tout, c'est grâce à une de ces séances de rangement que j'ai découvert que j'avais un frère.

La porte d'entrée de la maison s'est ouverte et j'ai vaguement entendu une voix féminine. Comprenant que ma tante était rentrée, je suis allé l'accueillir. Elle s'est installée dans le canapé du salon, et je lui ais apporté son livre préféré, sur le quel je suis tombé en faisant du rangement, celui qui lui a donné l'idée de venir s'installer en Europe avec son frère. Au départ, nous étions censés nous installer en Allemagne, mais nous avons finalement quitté l'Amérique pour la France, y trouvant notre bonheur et une occasion d'enterrer notre douloureux passé.

Ma tante a été très reconnaissante que je m'occupe d'elle et que je lui apporte son livre, et je suis retourné à mes tâches jusqu'à ce que mon père et mon frère arrivent en se taquinant un peu brutalement, comme ils ont l'habitude de le faire.

Très vite, les vacances de Noël sont arrivées et j'ai pu passer mes journées entières à veiller sur ma famille et mes tout nouveaux amis. Ça m'a fait vraiment très plaisir quand ils ont pensé à m'inviter à une soirée qu'ils avaient prévu à l'occasion des fêtes de fin d'année. J'ai ainsi pu relâcher le stress de mon nouveau mode de vie.

Je me suis soigneusement préparé pour y aller, tenant à tout prix à être présentable auprès de la famille de Néo, étant donné que c'était chez lui que la soirée se déroulait. J'ai mis longtemps à me préparer, ma coquetterie, tout ça... Je suis arrivé volontairement un peu en avance, avec la ferme intention d'aider Néo à finir de préparer tout ce dont nous pourrions avoir besoin.

J'ai sonné à la porte et c'est un homme d'une petite quarantaine d'années et visiblement fatigué qui m'a ouvert. Il s'agissait de son père, je me suis donc poliment présenté et il m'a accueilli, appelant son fils réfugié à l'étage pour l'avertir que j'étais là. Néo est venu me voir et m'a salué, toujours avec le même air distant et tendu.

Visiblement Néo vivait seul avec son père, et ils ne semblaient pas être très complices, tous les deux. Néo m'a invité d'un signe de tête à le suivre, alors que son père et moi avons échangé un regard perplexe. Nous sommes entrés dans la chambre de mon ami qui a soigneusement refermé la porte. Une fois au calme, il a dit à mi-voix :

" _ Désolé si je suis un peu froid... c'est que... t'es encore jamais venu chez moi et...
_ Ne t'en fais pas, je comprend parfaitement."

Finalement, j'ai proposé mon aide à Néo, parce que c'est quand même pour ça que je voulais arriver en avance, à la base. Celui ci l'a acceptée avec joie, visiblement pas prêt du tout à accueillir la véritable tornade qu'était notre bande d'amis. Une fois notre tâche terminée, nous nous sommes posés sur son lit, en tailleur, se demandant ce qu'on pourrait bien faire en les attendant.

Finalement, il s'est levé d'un bond au bout d'une minute, susurrant un "je sais !" enthousiaste. Il s'est dirigé vers une petite étagère et a dit :

" _ J'ai cru comprendre que tu aimais les mangas, c'est pas ça qui manque, ici, viens voir si il y en a un que tu aimes..."

Il en a saisi trois ou quatre et les a sorti de l'étagère, faisant tomber au passage toute une pile de livres ainsi qu'un cadre photo qui était visiblement dissimulé derrière lesdits livres. Je suis immédiatement venu l'aider à tout ramasser, prenant instinctivement le cadre en premier, étant l'objet qui était tombé le plus près de moi. J'ai eu le bête réflexe de regarder la photo dessus, et à peine ais-je fait ce geste que Néo me l'a arraché des mains, visiblement contrarié par ce que je venais de faire.

Il l'a finalement couché sur l'étagère, de manière à ce que la photo soit contre le bois de l'étagère en question, et donc invisible. Il a ensuite baissé le regard, s'excusant :

" _ Ne le prend pas mal, s'il te plaît, mais j'ai pas envie d'en parler... "

Sur la photo en question, il y avait une femme qui devait avoir entre 30 et 35 ans, ainsi que trois enfants. J'ai évidemment reconnu Néo, et il y avait à ses côtés une petite fille et un jeune homme. J'ai immédiatement fait le rapprochement. Il semblerait que Néo aussi ait eu des soucis au sein de sa famille...

Comme pour casser ce froid qui venait de s'installer entre lui et moi, quelqu'un est venu sonner à la porte, puis le père de Néo a adressé la parole à plusieurs personnes qui sont venues nous rejoindre à l'étage. Il s'agissait évidemment de nos chers amis, qui ont vite réchauffé l'ambiance. Il y avait bien sûr notre petite bande habituelle ainsi que quelques amis de Foster, que je ne connaissais pas avant cette soirée.

Nous avons finalement passé un très bon moment ensembles, et la légère tension précédemment installée entre Néo et moi s'est vite évaporée. Vers 4h du matin, alors que nous étions tous exténués, nous avons eu envie de nous coucher. Les filles se sont installées dans une chambre voisine à celle de Néo, qui appartenait très clairement à une petite fille, et les garçons dans une autre chambre, se trouvant en face de celle de mon ami, mais appartenant cette fois ci visiblement à un adolescent. Néo a voulu garder sa chambre pour lui, m'invitant à dormir à ses côtés, sachant que j'étais parfaitement incapable de dormir seul et tout comme lui sujet à d'affreux cauchemars.

Nous n'avons pu résister à la tentation de nous procurer quelques caresses et étreintes avant de nous s'endormir, espérant ainsi nous apaiser un peu et ainsi nous épargner les terreurs nocturnes. Ça n'avait pas l'air de lui déplaire, et lui qui était si tendu et froid à la base semblait s'ouvrir et se détendre. Bon... deux heures plus tard, il m'a réveillé, s'agitant et gémissant, visiblement en proie aux fameux cauchemars.

Au début, je ne savais pas exactement quoi faire, alors machinalement, j'ai attrapé la peluche la plus proche de moi afin de la lui donner, espérant que ça fonctionnerait, mais non. Alors, tout ce que je pouvais faire, c'était le caresser et lui parler. Finalement, et contre toute attente, ça a fonctionné. il s'est calmé en une poignée de secondes, et à paisiblement dormi jusqu'à 10h, alors que je veillais sur lui. Quand je lui en ais parlé, il ne m'a évidemment pas cru, mais je m'en moque, je ne le protège pas dans un but totalement intéressé, je le protège parce que je me suis attaché à lui...

Mais apparemment, je n'étais pas le seul à l'adorer. Quelques jours plus tard, Valerianne a tenu à venir me voir, elle devait me dire quelque chose. Je l'ai donc accueillie dans ma chambre, où nous pouvons sans souci parler de secrets.

Après s'être mise à l'aise comme je l'ai invitée à le faire, elle a timidement dit :

" _Voilà... Je pense que tu l'auras remarqué mais... c'est plus que de l'amitié, que j'éprouve pour Néo... je... je suis amoureuse, voilà, je l'ai dit ! Je te le dis à toi parce que tu es le seul de cette bande en qui j'ai pleinement confiance, à part Néo évidemment... écoute Evann, t'es comme un grand frère pour moi, et je voudrais que tu m'aides... J'aime Néo, vraiment, mais je suis incapable de lui dire, ça me fait peur ! "

Ma pauvre Valerianne, je comprend ton problème. J'ai évidement accepté d'aider mon amie avec le peu de recul que j'avais sur la situation, très touché par l'affection qu'elle me porte. Les gens ont souvent du mal à dire "je t'aime", et j'en fais partie, d'ailleurs... Je n'ai jamais compris ça, il n'y a aucune honte à aimer ! Peut être avait-elle simplement peur du rejet, ou d'un éventuel changement négatif dans la relation ?

Toujours est-il que j'ai conseillé mon amie du mieux que je pouvais, même si sur ce coup là, je ne pouvais pas vraiment me permettre de me montrer moralisateur, car si j'avais été à sa place, j'aurais été incapable de lui avouer... Elle m'a finalement dit quelque chose d'intéressant, visiblement, Néo s'était rendu compte des sentiments de Valerianne et la poussait aussi à lui dire. Selon ma vision des choses, c'est plutôt bon signe ! j'ai donc réussi, après une petite heure de discussion à convaincre Valerianne d'avouer ses sentiments à Néo. Elle est finalement repartie chez elle toute joyeuse.

Finalement, après de très bonnes fêtes de fin d'année avec ma famille adorée, la rentrée est vite arrivée, et j'ai revu mes chers amis. J'ai salué tout le monde même si Valerianne manquait à l'appel et que Néo, bien qu'exceptionnellement proche de moi, semblait assez contrarié. Pour la première fois depuis que je suis arrivé dans ce lycée, l'atmosphère était pesante, voire étouffante... La journée de cours a été longue, très longue... Le repas du midi s'est déroulé sans un mot, presque sans un regard, il y avait visiblement une grosse tension dans tout le groupe, sans que je sache vraiment ce qu'il se passait. Nous avons finalement revu Valerianne au bout d'une semaine, mais une Valerianne triste, abattue, sans aucune motivation, qui préférait s'isoler du groupe.

Lorsque j'ai voulu en parler avec Néo, il m'a confié qu'il avait gentiment rejeté la demande de Valerianne, pas parce qu'il avait quoi que ce soit contre elle, mais pour diverses autres raisons qu'il n'a pas tenu à me préciser plus que ça, évoquant plutôt le fait qu'il savait qu'il lui ferait du mal et qu'il n'était de toute façon pas prêt à aimer, que ce soit Valerianne ou qui que ce soit d'autre. Apparemment, il ne l'a poussée à avouer ses sentiments que pour la libérer de ce poids mais selon lui, les tensions ne venaient pas de là, mais plutôt du fait que Valerianne ait insisté, ce soit acharnée, quitte à devenir une "stalkeuse" qui commençait sérieusement à l'agacer, et même à lui faire peur, qui l'avait suivi dans quasiment tous ses déplacements durant les vacances et qui passait son temps à surveiller ce qu'il faisait sur les réseaux sociaux. Il la croyait très sincèrement capable de faire des choses incroyablement lourdes de conséquences pour attirer son attention ou pour éliminer quiconque se rapprocherait un peu de lui. Il m'a donc conseillé de faire très, très attention.

Alors oui, effectivement, j'ai fait attention, et j'ai moi même commencé à avoir peur de Valerianne, qui me harcelait sans cesse pour savoir, étant donné que moi, je pouvais toujours l'approcher, ce que Néo faisait, où il était et avec qui...

Au début, je ne savais pas vraiment comment réagir, tout lui dire au risque d'importuner mon ami ou lui refuser les informations qu'elle me demandait au risque de m'attirer sa colère ? Il lui est arrivé, d'ailleurs, d'avoir des élans d'agressivité envers moi, lorsqu'elle se sentait frustrée et qu'il lui fallait quelqu'un pour passer ses nerfs. Moi, je n'osais rien dire et étant quelqu'un de très conciliant, je la laissait faire, me disant que de toute façon, ça finirait bien par lui passer. Mais le vendredi qui a suivi, Néo a eu probablement l'une des pires journées de sa vie...

"Fais attention Evann, elle est capable de tuer..."

Je me serais attendu à tout, sauf à ça...


Dernière édition par Ethan Wesker le Sam 18 Nov 2017 - 23:58, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeVen 17 Nov 2017 - 17:53

Chapitre 3


J'avais une heure de libre sur mon emploi du temps, je me suis donc permis d'accompagner Néo jusqu'à sa salle de cours, au fond d'un long couloir très sombre, si tôt le matin, en plein hiver, n'étant pas toujours éclairé. Les salles étaient numérotées de 1 à 10 dans cette partie de l'établissement, Néo avait cours dans la salle 1, tout au fond dudit couloir, où on peut également trouver un escalier pour accéder aux labos réservées aux élèves de la filière scientifique. Nous discutions, alors nous n'avons pas immédiatement vu l'horreur qui nous attendait, mais quand nous sommes arrivés devant la salle, nous n'avons pu que constater, impuissants, la dure réalité.

Et nous sommes restés là, sans un mot, à la contempler, ne sachant exactement comment réagir... Que faire ? À part crier et avertir un adulte, nous ne savions pas quoi faire, mais même ça, nous n'avions pas la force de le faire... Devant nous, il y avait Valerianne. Quand Néo a dit qu'elle tuerais... J'ai l'impression que ces mots tournent et tournent et tournent dans ma tête... Je me les répète sans cesse, je m'attendais...

Je m'attendais à ce qu'elle tue une tierce personne...

Mais là, nous n'avons rien pu faire d'autre que constater notre erreur... Le froid mordant de l'hiver s'ajoutant au silence glaçant et à ce qui s'imposait à nos yeux nous a pétrifiés. L'horreur de la corde solidement attachée à la rampe de l'escalier qui mène vers les labos du lycée, et du corps sans vie de Valerianne se balançant au bout, la nuque brisée, les cheveux pendant devant ses yeux, le teint pâle et les lèvres bleues.

Néo est tombé à genoux, ses jambes se sont dérobées sous lui, n'ayant plus la force de le porter à cause du choc émotionnel. Quant à moi, mon premier réflexe a été de cacher ses yeux, voulant le soustraire à l'horreur de la scène. Moi même, je refusais d'y croire. Ce n'était pas l'image que je voulais garder de l'adorable Valerianne qu'on m'avait présentée quelques semaines auparavant, la jeune fille de seize ans si souriante et insouciante, qui me considérait comme son frère... Comment est-ce que tout ça a pu se produire ? Tout ça à cause d'un chagrin d'amour ? Je n'y crois pas, ce n'est pas ma Valerianne, ça !

Mais j'ai eu, je pense, très vite la réponse à mes questions. Une voix s'est faite entendre dans notre dos, une voix familière que j'aurais préféré ne plus entendre, et surtout pas dans un tel contexte... Clemmie ! Elle prenait visiblement un malin plaisir à admirer la scène, alors que nous étions seuls dans le couloir, les autres élèves ayant déserté les lieux en voyant le macabre spectacle. Elle a alors dit à l'attention de Néo, avec un sourire en coin :

" _ Néo... qu'est ce que tu as fait ? "

L'intéressé a légèrement sursauté et c'est tourné vers son interlocutrice, avant de répondre :

" _ Rien... j'te le jure, je... j'voulais pas ce qui est arrivé !
_ Bien sûr... J'espère au moins que tu es fier de toi, à cause de toi, Valerianne est morte, tu n'as pas honte ?! "

À ce moment là, Néo, visiblement à bout de forces, s'est mis à pleurer, désespéré de se sentir accusé, il a à nouveau supplié :

" _ Clemmie j't'en prie écoute moi !
_ Oh mais ce n'est pas la peine de chercher à t'expliquer, j'ai bien compris ! En vérité tu as refusé la demande de Valerianne parce que c'est moi que tu voulais, j'ai raison ? "

Néo, la tête baissée, les joues trempées de larmes, n'a pas su répondre, laissant Clemmie continuer de l'accabler :

" _ Eh bien sache que tu l'as tuée pour rien...
_ Je... je ne suis pas un meurtrier...
_ Si ça n'avais pas été pour toi, elle serait encore en vie, tu oses le nier ?... Parfait ! Tu l'as tuée pour rien, j'en ai assez de toi, Néo ! Tu n'es pas mon ami, tu n'as jamais été mon ami et ça fait bientôt trois ans que je vous supporte, toi et ton égoïsme ! J'aurais dû te laisser mourir quand tu le voulais, au lieu de m'épuiser à essayer de te sauver... "

Elle a fait volte face, s'apprêtant à partir, lançant une dernière parole, comme un coup de poignard en plein cœur :

" _ Sache que pour moi, tu n'es rien... "

Sur ces mots, elle est partie, laissant la place à un élève qui arrivait en courant accompagné d'un surveillant.

Non mais quelle peste ! Si on avait été seuls elle et moi, je crois que je l'aurais tuée... j'ai vite détourné mon regard pour ne pas voir ce qui allait advenir du cadavre de ma pauvre Valerianne, je ne voulais pas voir ça, ce serait trop dur pour moi, et je ne veux pas craquer, je ne dois pas craquer ! Je dois être fort pour Néo, qui lui, est visiblement anéanti. Ça fait beaucoup de chocs d'un coup, tout ça...

Plus tard dans la journée, nous avons été tous deux convoqués dans le bureau du proviseur, accompagné de l'équipe psychologique du lycée, afin de nous inciter à mettre des mots sur ce à quoi nous avons assisté. Pendant toute l'entrevue, Néo a pleuré, vraiment abondamment, bredouillant les quelques mots qui lui venaient, de manière très peu compréhensible.

Finalement, on nous a demandé de rentrer chez nous, au calme, et de prendre soin de nous, le temps de nous remettre du choc subi. Néo voulait rester seul chez lui, mais c'était tout à fait hors de question. Son père travaillait à cette heure là, il n'y avait donc personne pour surveiller mon ami qui, si j'en crois les paroles de Clemmie, était clairement suicidaire. J'ai donc insisté longtemps pour qu'il vienne chez moi, où je pourrais garder un œil sur lui.

Il a été compliqué à convaincre, évidemment, surtout qu'il s'était braqué parce que je l'avais vu pleurer, et que Néo a sa fierté, une grande fierté, et il n'a pas supporté que je le voie dans un moment de faiblesse. Mais c'était très mal me connaître de croire que j'allais laisser tomber aussi facilement, quand je décide quelque chose, je m'y tiens, et il n'y a aucune discussion possible.

C'est donc rassuré que j'ai passé la porte de ma maison, tenant la main de mon ami, d'une prise ferme mais qui se voulait plus protectrice que sévère. Néo m'a fait comprendre qu'il avait besoin d'être au calme. J'ai alors mené mon ami à l'étage, dans ma chambre. Là, il a appelé son père pour lui raconter ce qu'il venait de se passer et pour l'informer qu'il était chez moi, au calme et en sécurité. Ils sont restés au téléphone assez longtemps, le père de mon ami semblant très inquiet de l'état de son fils. Normal, je dirais, je pense que je serais pareil s'il s'agissait de mon enfant. Il lui a même demandé s'il fallait qu'il écourte sa journée de travail pour venir le chercher, mais Néo a gentiment refusé, affirmant qu'il était très bien ici avec moi, paroles qui m'ont légèrement fait rougir, d'ailleurs... je ne sais pas ce qui m'a pris, mais à cet instant, malgré la douleur psychologique qui m'assomait, j'ai eu des picotements dans les joues et un incontrôlable sourire, très flatté que Néo se sente en sécurité avec moi.

Le reste de la journée, Néo et moi sommes restés enfermés, errant dans la maison sans but, sans savoir quoi faire, et même sans l'envie de faire quoi que ce soit, je dirais... Je ne sais pas ce que mon ami pensait, mais moi, j'avais sans cesse dans la tête la dernière image de Valerianne qui s'est imposée à mes yeux, à savoir un corps sans vie au bout d'une corde.

La journée a été longue... Mais finalement, vers 19h, le père de Néo est venu le chercher chez moi, Néo lui ayant communiqué mon adresse quand ils étaient au téléphone, plus tôt dans la journée.

Après ces événements, mon père a décidé de me garder quelques jours à la maison, préférant travailler dans son bureau que dans les locaux de son entreprise afin de garder un œil sur moi. Ça m'a fait du bien de pouvoir passer du temps avec lui, étant donné qu'en temps normal, on se voit très peu. En regardant dans son passé, on pourrait facilement s'étonner de le voir en père protecteur, s'étant plutôt attiré une réputation de terroriste cruel et calculateur. En vérité, tout le monde le hait sans savoir qui il est réellement et ce par quoi il est passé.

Tous les jours, Ambre passait chez moi pour m'aider à rattraper les cours que je manquais. De plus, ça l'aidait elle aussi à surmonter l'épreuve qui s'était imposée à nous. Même si Ambre n'était pas une grande amie de Valerianne, le choc a été violent pour elle aussi, d'autant plus que Clemmie avait déserté le groupe, alors que visiblement, Ambre ne jurait que par elle. Personnellement, je suis intimement convaincu que c'est elle qui a poussé Valerianne à commettre un tel geste. Mon amie n'était pas comme ça, elle n'aurait jamais pu faire ça, même pour un chagrin d'amour.

Même si au fond de moi, j'en étais persuadé, j'ai préféré ne rien dire, ne voulant pas risquer de briser encore plus le reste du groupe. Ambre m'a également rassuré en me disant qu'elle avait régulièrement des nouvelles de Néo, puisque c'est Foster qui se chargeait de lui apporter ses cours.

Finalement, c'est au bout d'une semaine que nous avons décidé, Néo et moi, de revenir au lycée. Mais, quand je suis arrivé, je n'ai vu, près des casiers, à notre point de ralliement habituel, que Foster. Ça ne m'a pas étonné du tout de ne pas voir Clemmie, et j'avoue qu'en arrivant, j'ai failli demander "où est Valerianne ?", mais ce qui m'a réellement surpris, c'était de ne pas voir ni Ambre, ni Néo. Foster tirait une tête d'enterrement et m'a brièvement expliqué que son couple n'avait pas survécu aux événements, et que c'est pour ça que Ambre avait décidé de ne plus nous fréquenter, préférant rester avec Clemmie, qui en plus s'était permise de venir le réprimander. Quant à Néo, il paraît qu'il a snobé tout le monde en arrivant, et qu'il est directement parti se mettre devant la salle de classe. Visiblement, il ne voulait voir personne. Je pouvais facilement comprendre un tel comportement, même si je savais au fond de moi que ce n'était pas la bonne solution.

Quand nous avons essayé de lui parler, au cours de la journée, il s'est énervé et nous a tous envoyés balader, affirmant qu'il n'avais besoin de l'aide de personne et qu'il s'en relèverait seul. Sur ces mots il est parti de son côté, la tête basse et l'air abattu. Lui et moi, nous ne nous sommes quasiment pas reparlé depuis, et mes journées étaient bien tristes par conséquent. Évidemment j'avais toujours Foster auprès de moi, ainsi que quelques camarades de classe sympas, mais sans Néo, rien n'est plus pareil. Régulièrement, quand je passais à côté de lui, il me regardait avec un air presque suppliant. Ça a été comme ça jusqu'aux vacances d'hiver, le vendredi soir, juste avant le départ.

À vrai dire, ce qui m'a poussé à aller lui parler, c'est encore mon oreille indiscrète qui a intercepté une étrange conversation téléphonique que Néo tenait, visiblement contrarié, dans le hall du lycée, normalement à l'abri des yeux et oreilles indiscrets à cette heure de la journée :

" _ Je vous ai déjà dit de ne pas m'appeler quand je suis au lycée !... Non ! Comme j'ai dit, c'était un acte de dernier recours, je ne veux plus jamais refaire ce genre de... Combien, vous dites ?... eh bien... si c'est juste... une toute dernière fois, dans ce cas je suppose que... c'est d'accord... même heure même endroit ? Ce soir ? Très bien... alors à ce soir... "

Il a raccroché et, exécutant des gestes lents et visiblement sans aucun élan vital, il a rangé son portable dans la poche intérieure de son long manteau et, cachant son visage dans ses mains, il a fondu en larmes, tremblant et gémissant :

" _ Je n'arrive pas à croire que je fasse une chose pareille ! "

J'ai immédiatement cru comprendre dans quelle galère mon ami est allé se mettre. Même si j'avais des doutes quant à sa réaction, je me suis dirigé vers lui et, alors qu'il pleurait encore, j'ai posé une main rassurante sur son épaule. La surprise l'a fait sursauter et feuler, mais lorsqu'il a réalisé qu'il s'agissait de moi, il a repris son air froid et distant, comme s'il ne s'était rien passé. Même si j'étais gêné par la situation, j'ai pris mon courage à deux mains pour aborder le sujet avec Néo. Tout d'abord, je voulais à tout prix savoir pourquoi il était réduit à faire ce genre de choses, avait-il besoin d'argent à ce point là ?

Il m'a assuré qu'il n'était vraiment pas fier de lui, mais que c'était son dernier recours. Heureusement, selon lui, il ne s'agissait que de "rendez-vous rémunérés" et non de véritable prostitution comme je le pensais au départ, mais malgré ça, il était visiblement honteux, et je n'ai pu m'empêcher d'imaginer à quel point il devait être mal à l'aise d'avoir des rendez-vous avec des hommes, sachant que ce n'était pas vers eux qu'allait sa préférence. De mon côté, je voulais en savoir plus, il était parfaitement hors de question que je laisse mon ami dans une telle situation. J'ai alors insisté :

" _ Néo... Néo je t'en supplie n'y vas pas... ça peut être très dangereux aussi tu sais ? Et si cet homme ne voulait pas qu'un simple rendez-vous, hein ? Et si il s'était mis en tête d'avoir une relation avec toi ?
_ Écoute Evann... je sais que tu t'inquiètes pour moi, c'est gentil mais... je n'ai vraiment pas d'autre option... "

Pour que je comprenne mieux, il m'a demandé de le suivre. Il n'a pas pris le chemin qu'il prend habituellement, pour se rendre dans son petit pavillon du tranquille quartier résidentiel, non. Cette fois-ci, il s'est dirigé vers les quartiers pauvres de la ville. Finalement, nous sommes entrés dans une auberge de jeunesse. Néo, à nouveau couvert de honte, a avoué :

" _ Voilà... c'est ici chez moi, maintenant... "

Devant ma perplexité, il a dû s'expliquer :

" _ J'ai été obligé de quitter la maison de mon père... tu sais Evann, cette photo que tu as vue chez moi, tu te rappelles ? Eh bien... il s'agissait de ma mère, mon grand frère et ma petite sœur. Ils sont morts tous les trois il y a sept ans, dans un accident... Cette maison est celle de mon enfance, je ne la supportais plus, elle porte trop de mauvais souvenirs en elle... Et comme si ça ne suffisait pas, mon père s'est récemment remarié avec une autre femme... Pour moi, ça a été un gros choc, c'est comme s'il avait remplacé maman... J'ai pas supporté... Cette femme a une fille, née d'un premier mariage, avec qui je n'arrivais pas à m'entendre et... cette fille... elle me rend la vie impossible... "

Voyant mon regard insistant, il a complété, la gorge serrée :

" _ Je préfère ne pas entrer dans les détails si tu veux bien. "

J'ai senti ma peau devenir livide et un grand frisson a glissé le long de ma colonne vertébrale, remontant jusque sur ma nuque.

" _ Maintenant je ne me sens plus en sécurité là bas... Je n'ai pas osé dire la vérité à mon père, j'avais trop peur de sa réaction... alors je lui ai simplement dit que je voulais m'émanciper. Il ne me refuse plus rien depuis le drame familial, de peur que je me fasse du mal, alors il m'a laissé faire. Seulement j'ai commencé à avoir des difficultés financières, il faut bien payer mon hébergement, ma nourriture et tout ce qui s'en suit... Alors j'ai été poussé à accepter tout ce qu'on me proposait pour avoir de quoi vivre... Je suis vraiment pas fier de moi, mais c'était ma seule solution... "

Décidé à ne pas laisser mon ami dans de telles difficultés, je lui ai vite proposé de quitter son logement pour venir vivre chez moi, assurant que ma famille n'y verrais aucun inconvénient. Mais il a refusé, malgré mes protestations, argumentant qu'il ne voulait ni perturber nos habitudes, ni perdre son indépendance. Finalement, à force de négociations, il a accepté de passer régulièrement chez moi pour me rassurer. J'ai repris le chemin de ma demeure, peu rassuré, mais ayant été forcé par Néo qui devait se préparer pour son rendez-vous.

Une fois rentré, ça a été la même routine que d'habitude. Je me suis occupé à tour de rôle de ma belle-sœur et de ma tante, puis mon frère et mon père sont rentrés, un peu plus tôt que d'habitude car ils avaient tout fait pour se libérer le plus tôt possible. Ça m'a fait très plaisir de passer du temps avec eux, avec mes études qui reprennent et tous les devoirs qui vont avec, c'est rare de pouvoir faire ne serait-ce qu'un repas avec eux.

Mais tard dans la soirée, quelqu'un a frappé à la porte, visiblement en détresse. J'étais étonné de recevoir de la visite alors qu'il était quasiment minuit et qu'il grêlait à verse. Quand j'ai ouvert, je me suis retrouvé nez à nez avec un Néo grelottant, trempé de la tête aux pieds et couvert de traces de lutte. Je l'ai aussitôt fait entrer pour qu'il soit au chaud et en sécurité, incapable de prononcer un seul mot à cause de la surprise et du choc. Mon père et moi nous sommes immédiatement occupés de lui, avant même qu'il ait le temps de nous expliquer ce qui lui était arrivé.

Quelques minutes plus tard, j'avais, assis à côté de moi sur le canapé, un Néo encore tremblant, avec une couverture sur les épaules, les cheveux et les vêtements à peine séchés et une tasse de chocolat chaud entre ses mains bleuies par le climat rude qui régnait dehors. Il avait le teint très pâle, le regard dans le vide et des bleus partout, en plus de la lèvre inférieure fendue et sanglante. Il a finalement réussi à expliquer qu'il avait refusé ses services à l'homme qui l'a appelé au lycée, après avoir réfléchi à ma proposition et à mes mises en garde. Avec une voix brisée, il s'est excusé auprès de moi, assurant que s'il n'avait pas réussi à fuir, l'homme, furieux, l'aurait probablement battu à mort.

Pour le rassurer, mon frère lui a dit, s'installant à côté de lui, que tout était fini, à présent, qu'il allait pouvoir dormir bien au chaud et sans crainte à côté de moi cette nuit. Très reconnaissant, Néo a finalement accepté de rester vivre chez nous, promettant d'appeler son père au plus vite pour lui expliquer la situation, ou tout du moins, une explication valable pour laquelle il quitterait le logement, sans pour autant être forcé de lui expliquer ce qui lui est arrivé, pour ne pas l'inquiéter et le forcer à revenir vivre avec lui.

Puis nous sommes tous les deux montés dans ma chambre. Tout était bon pour que Néo se sente mieux : jouer aux jeux vidéo, regarder un film, écouter de la musique et même discuter. Finalement, très tard dans la nuit, Néo a ressenti le besoin de se coucher, complètement exténué par les récents événements. Néo s'est instinctivement allongé du côté du lit que je choisis habituellement. Je l'ai trouvé incroyablement craquant, dans cette situation. Je voyais enfin Néo au naturel, avec ses cheveux châtains moyen et ses yeux chocolat pétillants. De plus, je ne pouvais clairement pas faire abstraction de ce que j'avais en face de moi, à savoir son corps fin et musclé, la cambrure de son dos, sa peau pâle au grain parfait s'offrant entièrement à mon regard, ne portant que son boxer noir et s'étant allongé sur le ventre entre les draps frais, enlaçant l'oreiller en me regardant malicieusement, comme s'il s'agissait d'un jeu pour lui.

De mon côté, j'ai fait tomber à mes chevilles ma robe jaune et fleurie, une de mes préférées, dévoilant sans trop de complexes mes timides formes féminines, ne gardant que mon shorty. Enfin... je n'avais aucun complexe quant à mes formes, mais pas pour ce qui est du reste... mon corps est étrange, et j'ai souvent eu du mal à avouer quel type de personne j'étais, en dehors de ma famille. J'ai gardé mes mains jointes devant moi, voulant dissimuler maladroitement mon intimité tout ce qu'il y a de plus bizarre. Néo a planté son regard dans le mien, fuyant, alors que je rougissais, gêné par la situation, me demandant si je n'allais pas enfiler quelque chose de plus... couvrant.

Finalement c'est Néo qui m'a libéré de mon complexe, me saisissant le poignet gauche pour éloigner ma main de cette région de mon corps. A ce moment, j'ai cru que j'allais m'évanouir de honte, me sentant comme examiné. Après un silence très embarrassant, mon ami le plus proche a repris une expression plus détendue, moins stupéfaite et m'a dit, se voulant rassurant :

" _ Eh bien... je savais que ces personnes existaient mais... je ne me serais jamais douté que j'en connaissait une... ne t'inquiète pas, je comprend mieux maintenant. Tu es mon ami et même si tu es tout ce qu'il y a de plus inhabituel, je resterais auprès de toi. "

Rassuré par ces quelques mots, je me suis glissé sous les draps, très près de lui, pris d'incontrôlables envies de lui procurer caresses et câlins. Nous avons encore longuement discuté avant de nous endormir, apaisés, comme si plus rien ne pouvais nous atteindre, notre amitié encore renforcée par cette honnêteté dont nous étions désormais capable de faire preuve l'un envers l'autre. J'ai été bercé par la dernière phrase que Néo a prononcé, somnolent :

"_ Mon ami est un Autre... Mon ami est incroyable. "
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeJeu 23 Nov 2017 - 10:23

Chapitre 4



Mon adorable Néo est là, allongé à mes côtés, paisiblement endormi. Il est visiblement épuisé, et moi aussi... En même temps, quelle idée de se coucher à cinq heures du matin ! Il m'a involontairement réveillé il y a quelques minutes, s'agitant et gémissant, toujours en proie à ses affreux cauchemars.

Je me redresse, prend sa main et caresse ses cheveux en murmurant quelques paroles rassurantes, et ça fonctionne au bout de quelques minutes. Il ne m'a pas cru quand je lui en ai parlé la première fois, parce qu'il est persuadé d'être condamné à souffrir et que Clemmie était la seule à pouvoir l'aider. Des fois, il me donne presque l'impression qu'il se complaît dans son malheur. Il me dit qu'il m'apprécie énormément pour tout ce que j'essaye de faire pour lui, m'assurant pourtant que je ne peux rien faire. Si seulement il avait la moindre idée de tout ce que j'ai déjà fait...

Cela dit, je ne lui en veut pas... pas du tout. Je me suis rendu compte, hier soir, en m'endormant blotti contre lui, que je ressentait probablement plus que de l'amitié pour lui, et je l'aime inconditionnellement, bien au delà de toute mesure. La relation entre lui et moi est très étrange, cependant. Il me donne toujours des impression contraires quant à ce qu'il pense de moi. Parfois, j'ai vraiment la sensation de partager une connexion très spéciale avec lui, et des fois au contraire, j'ai l'impression que je le laisse parfaitement indifférent. Peut être que je me fait des idées et que ça vient simplement de son caractère froid et distant, et peut être que c'est comme Foster me l'a décrit, c'est à dire qu'il aime beaucoup ses amis mais qu'il ne le montrera ni le dira jamais. Selon lui, Néo fait et dit quasiment toujours le contraire de ce qu'il pense, c'est quelqu'un de très sensible et généreux au fond, ses airs de froideur et d'indifférence n'étant qu'une carapace.

Nos deux caractères ne sont finalement pas si opposés que ça, je suis simplement beaucoup plus démonstratif que lui, étant très câlin et chaleureux. Néanmoins nous sommes bien ensembles car nous avons la même vision du monde qui nous entoure. Un monde triste et laid, morne et gris, où les gens ne prennent plus le temps de rêver. Et les gens, parlons-en, tiens ! Ce monde n'est presque plus peuplé que par des êtres lâches, méprisants et méprisables, comparables à des larves rampantes et grouillantes qui se donnent le nom d'Humain par pure prétention mais qui se laissent bien volontiers corrompre par tout ce qui est séduisant alors que selon nous, le véritable Humain se fait malheureusement de plus en plus rare. Les gens, à notre grand désarroi, ne se battent plus pour être le changement qu'ils veulent voir dans le monde... Les tristes aléas de la vie ont formé chez nous cette vision incroyablement déprimante et pourtant si réaliste des choses, et c'est probablement en grande partie pourquoi lui et moi sommes si profondément dépressifs.

Je suis tiré de mes pensées par une légère pression sur ma main; Néo a légèrement bougé. Il est adorable quand il dort... Enfin, il l'est absolument tout le temps, mais je dois admettre que ce spectacle est particulièrement attendrissant. Il change à nouveau de position et émet un faible râle. Je pense qu'il se réveille... Ses beaux yeux s'ouvrent timidement, malmenés par la lumière du jour alors que je caresse tendrement sa joue pour le tirer doucement de son sommeil.

Ce geste lui "arrache" un léger sourire mais il ne me prête pour l'instant pas la moindre attention. Il commence par se saisir de son portable, coincé sous son oreiller, pour prendre connaissance de l'heure. Il se redresse, s'étire et remet ses cheveux à leur place sans même m'adresser ni un regard ni une parole. Je crois qu'il sait ce que je ressens pour lui, il est même tout à fait probable qu'il s'en soit rendu compte avant moi...

Malgré ça, j'ai l'impression qu'il s'en moque royalement, mes sentiments ne sont clairement pas réciproques, à moins que ce soit la fameuse carapace dont me parle Foster, le seul ami qui nous reste, soit dit en passant...

Il a fallu que je remette une de ses mèches en place et que je prononce à mi-voix un "bien dormi ?" un peu timide pour qu'il me prête enfin un peu de son attention, lâche un sourire sincère et commence à me parler. Au bout de quelques minutes de conversation nous ayant permis d'émerger, j'ai même eu droit à une très brève étreinte, avant qu'il me demande :

"_ Dis... tu me prépares un truc à manger ? "

Son apparente froideur, encore et toujours... évidemment, j'ai accepté avec joie, comme d'habitude. Je me suis levé d'un bond, ais vite enfilé le T-shirt noir que Néo portait la veille et je suis parti en sautillant joyeusement vers la cuisine. Quand je suis revenu, Néo avait commencé à se rhabiller, m'attendant avec un air passablement excédé, attendant impatiemment à la fois son petit déjeuner et son T-shirt. Même s'il ne le montrait pas, je savais qu'il était visiblement satisfait d'être ainsi servi comme un roi. J'ai eu un mal fou à le convaincre de venir chez moi mais je suis très content d'avoir réussi, au moins ici, il est protégé. Il en avait vraiment besoin parce qu'il est vraiment très malheureux en ce moment, avec tous ces évênements qui sont venus le traumatiser. Entre sa famille qui s'effondre, Valerianne qui vient de mourir, Clemmie qui l'abandonne et ce par quoi il a dû passer pour vivre seul, il avait vraiment besoin de réconfort, même s'il refuse de l'avouer.

Il semblerait que j'ai fait trop de bruit; mon père se réveille en grommelant, dans la chambre d'à côté. Contrairement à ce que ses collègues et les rumeurs populaires ont tendance à dire, mon père est un homme bon, avec de vraies valeurs. Il ne se plaint jamais et travaille très dur, sans compter les heures pour parvenir à subvenir très largement aux besoins d'une famille nombreuse, avec une forte volonté de conserver notre confort financier durement acquis. Pour moi, c'est mon héros, et même s'il n'est pas mon père biologique, je l'aime énormément. C'est lui qui m'a tout appris, qui m'a élevé, qui m'a donné des principes et une ligne de conduite.

C'est un homme très grand, athlétique, aux épaules larges et à l'allure générale imposante. Il est très soigné, porte des vêtements de marque et est toujours rasé de près et soigneusement coiffé, ses cheveux blonds or bien tirés en arrière. Seulement, ses joues creuses, son teint de plus en plus pâle, ses quelques rides et les cernes qui soulignent ses yeux bleus traduisent les ravages de la fatigue, de la dépression et du temps. Il vit toujours très activement malgré son âge, il se lève tôt, il s'occupe de moi et il travaille toujours dans le même laboratoire pharmaceutique dont il a fini par prendre la tête.

Il frappe brièvement à la porte avant d'apparaître sur le seuil, forçant un sourire sur ses traits tirés par la fatigue. Il s'approche de moi, me prend contre lui et me berce tendrement en me demandant si ça va, si j'ai bien dormi, avant de poser les mêmes questions à l'attention de Néo. Ensuite, il quitte la pièce, suivant son éternelle routine à base de "café, douche, boulot". Je me demande souvent comment il fait pour ne pas devenir fou.

Aujourd'hui, j'ai décidé de ne pas rester enfermé. Certes Néo et moi sommes déprimés, fatigués, abattus, mais ce n'est pas en se laissant aller qu'on ira mieux. Nous nous sommes donc préparés pour sortir un peu, malgré les protestations de Néo, qui tenait absolument à rester au lit. Finalement, nous sommes descendus alors que mon père s'apprêtait à partir au travail. Voyant que j'enfilais une veste, il m'a interpellé :

"_ Evann ?... vous sortez ? "

Devant ma réponse affirmative, ses traits se sont crispés. Soupirant, il a complété :

"_ Bon... d'accord... mais par pitié, faites attention à vous, les garçons...
_ Promis p'pa, on sort pas longtemps et on sera très prudents, je t'appelle si quelque chose ne va pas, rassure toi. "

Il a souri et a déposé un baiser sur ma tempe gauche avant de nous laisser sortir. Je sais que mon père a vécu des choses traumatisantes quand il avait mon âge, et que c'est pour ça qu'il est si protecteur et surtout réticent à l'idée que je m'aventure dehors. Mais qu'il soit rassuré, Néo et moi nous sommes dirigés vers un endroit où il n'y a personne à cette heure et en cette saison : la plage. Cet endroit, je l'affectionne tout particulièrement et il est à tout juste cinq minutes de chez moi, à pied. L'étendue de sable fin est absolument déserte et nous sommes là, silencieux, tête basse et regard dans le vague, marchant l'un à côté de l'autre pieds nus dans le sable, nos jeans serrés retroussés au dessus des chevilles, nos doigts s'effleurant des fois par accident.

Les vagues nous bercent doucement par leurs murmures, le vent tiède caresse ma peau et joue avec mes cheveux. Ce cadre m'apaise, réellement. Tout serait parfait si le contexte n'était pas si triste, si rageant, et si mon cher Néo se sentait mieux. Mieux avec lui même, mieux avec le monde, mieux avec la vie. Il s'est doucement approché de l'eau, jusqu'à ce que celle ci vienne insinuer sa langue froide sur sa peau. La morsure glacée ne l'a même pas fait broncher, il se contentait de regarder l'horizon, baigné par la lumière du soleil levant, magnifique à cette heure de la journée.

On pouvait observer, grâce au soleil qui commençait à montrer le bout de son nez au dessus des vagues, une magnifique bande jaune-orangé qui se dégradait en rose un peu plus haut dans le ciel, qui lui était encore mauve au dessus de nos têtes. Je le rejoins et prend sa main, la surprise le fait feuler, mais il ne me la retire pas. Il finit par esquisser un sourire un peu sarcastique et me dit, l'air si sûr de lui :

"_ Je sais bien que tu veux me consoler... ne te fatigue pas, tu n'y arriveras jamais. Tu n'y peux rien, et personne n'y peut rien. "
Toujours la même chose, hein ? C'est ce qu'il dit à chaque fois... mais cette fois ci, je rétorque :

"_ Écoute, j'estime que c'est mieux que rien, je préfère m'assurer que tu sois bien conscient que je suis là pour toi, pour te soutenir et que je ne te laisserait plus jamais affronter la moindre difficulté seul.
_ Commence par t'occuper de toi même... tu ne dois pas t'oublier pour moi, je te l'interdis.
_ C'était pas mes intentions... je veux juste que tu sois moins triste. Laisse moi porter une partie de ton fardeau... s'il te plaît...
_ Moi, triste ? Je suis complètement désespéré, tu veux dire ! Nan, cherche pas, Evann... tu vas finir par t'y perdre avec moi... Je sais bien que tu es très fort, mais ça, c'est trop lourd à porter pour toi. Et puis... j'ai une colère en moi, une colère à laquelle je dois faire face seul. "

Il a brièvement baissé le regard, avant de changer de sujet :

"_ Et puis j'en veux à Valerianne... Tu te rends compte de ce qu'elle a fait ?! Une difficulté s'est présentée à elle, alors elle a abandonné ! Elle a préféré l'option de facilité plutôt que de faire face à ses problèmes, et nous, elle nous laisse dans la douleur de sa perte ! "

Des larmes perlent aux coins de ses yeux et viennent rouler sur ses joues meurtries par le vent marin. Je suis partagé... d'un côté je suis très triste pour lui, mais d'autre part, je suis satisfait qu'il exprime enfin quelque chose, lui qu'on comparerait si facilement à une statue sans émotion et sans âme, habituellement. Il me regarde de travers et tourne vivement la tête de manière à ce que je ne puisse plus voir l'expression de son désespoir. Et après c'est lui qui dit que personne ne devrait avoir honte de pleurer ? J'ai ressenti le furieux besoin de venir me blottir contre lui, mais il n'a pas réagi, il est resté le regard dans le vide, inexpressif. Au bout d'une petite dizaine de secondes, il a posé une main sur mon épaule et a exercé une légère pression dessus pour m'inciter à mettre fin à mon geste.

Après un silence assez gênant, Néo, les traits tirés par des sentiments contraires, a prononcé à voix basse, à mon attention :

"_ T'es content ? Je suis sorti... Bon écoute moi bien, je suis épuisé et je voudrais rentrer, maintenant... "

Je l'ai regardé droit dans les yeux, l'air triste. Son regard encore rougi par la colère et la tristesse semblait me dire "ne me fait pas ces yeux là" tandis qu'il soupirait, exaspéré d'avoir à attendre ma réponse. Finalement, j'ai cédé :

"_ D'accord, je comprend, rentrons... "

J'ai repris sa main pour l'entraîner chez moi, dans le silence, quasiment sans un mot. Nous avons passé la porte de la maison et monté les quelques marches qui nous séparaient de notre chambre dans le même silence de mort. Même mon chat avait arrêté ses activités, comme s'il avait senti la gravité de la situation. Il s'est assis à quelques mètres seulement de la porte de ma chambre, me regardant avec de grands yeux, les oreilles droites, la tête légèrement inclinée, comme s'il voulait me demander ce qu'il se passe.

Aussitôt rentré, Néo s'est affalé de son côté du lit, sur le flanc, me tournant le dos. Puis, très vite, il a commencé à être secoué par de violents sanglots. Bizarrement, ça ne m'étonne pas de lui, lui qui se donne toujours des airs si froids et indifférents, il fallait bien qu'il relâche la pression. Je me suis assis à ma place sur le lit, juste à côté de lui, afin d'avoir quelques gestes tendres envers lui, même si je sais qu'il va me dire que j'agis en vain. Un de mes gestes cependant l'a soudainement fait feuler, une simple caresse sur l'épaule droite... J'ai remonté avec précaution la manche de son T-shirt pour dévoiler ce qui s'apparentait à une brûlure. Je n'en ai pas parlé à mon ami, pensant que c'était sans grand intérêt, et que de toute façon, il ne s'en serait pas préoccupé.

En même temps, je le comprend, malgré ce qu'il veut bien nous faire croire, les évênements l'affectent beaucoup... Premièrement le fait d'avoir perdu une amie, mais aussi la réaction de Clemmie. Elle a vraiment été cruelle avec tout le monde, et en particulier avec Néo... comment a-t-elle pu lui faire ça, lui qui comptait tant sur elle ?

Mon ami s'est finalement redressé dans le lit, afin de s'y asseoir. Il avait encore les yeux embués et les joues trempées de larmes. Je me suis serré contre lui pour le consoler mais aussi pour lui cacher que je commençais à sangloter à mon tour. La tête calée contre son torse, j'ai entendu sa voix résonner :

"_ Ne cache pas tes larmes, Evann... pleure si ça te fait du bien. "

Alors je ne me suis plus retenu, je me suis agrippé à lui, pleurant et criant ma tristesse et ma rage, le visage caché dans les plis de son T-shirt noir. J'en voulais à la Terre entière. À ce moment là, j'aurais bien voulu avoir Clemmie et Valerianne en face de moi pour leur hurler ma colère, leur mettre tous leurs défauts sous le nez, et je les aurait probablement giflées.

Plus tard dans la journée, Néo a, comme promis, appelé son père. Il ne lui a évidemment pas dit la vérité mais lui a dit qu'il ne pouvait plus supporter de vivre seul dans son logement mais que pour une raison qu'il voulait garder secrète, il ne voulait pas retourner vivre chez lui. Son père, ne lui refusant jamais rien, n'a pas posé de questions, de peur de le contrarier.

L'homme a promis qu'il verserait une petite pension à ma famille afin de nous aider à bien prendre soin de son fils, suite à quoi Néo a promis à son père qu'il n'avait rien contre lui, que ce n'était pas de sa faute s'il était parti et qu'il acceptait de le revoir régulièrement, à condition qu'il vienne seul et qu'il ne lui demande pas de remettre les pieds dans la maison de son enfance. Il ne voulait toujours pas lui expliquer les évênements, craignant de lui briser le cœur ou même pire, que son père refuse de le croire et qu'ils se disputent.

Les semaines sont vite passées, nous sommes retournés au lycée, Néo a réintégré le groupe et, très vite, le 21 Mars est arrivé. Le 21 Mars, c'est l'anniversaire de Néo, et il a fêté ses dix-huit ans en notre compagnie, ayant même réclamé la présence de son père chez nous. Ça a été très compliqué pour moi de lui dénicher le cadeau idéal, et même quand j'ai trouvé, ça a été encore plus compliqué de le commander sans qu'il s'en doute, étant donné que dorénavant, nous passions absolument tout notre temps ensembles et il connaissait par cœur chacun de mes gestes. Le moment venu, Néo a été ravi de découvrir ce que j'avais trouvé pour lui, à savoir un superbe katana, magnifiquement orné et tranchant à souhait. Ça faisait très longtemps qu'il en désirait un, alors quand je l'ai vu, j'ai craqué.

Il a été très reconnaissant, sachant pertinemment que je m'étais donné du mal pour le trouver et que je l'avais payé très cher. Depuis qu'il a emménagé chez moi, Néo ne ressent plus le besoin de se modifier physiquement, Caméléon n'existait plus qu'occasionnellement, pour s'amuser. De plus, il avait plus souvent le sourire mais pleurait tous les soirs, pendant parfois plus d'une heure, sans explication apparente. Visiblement, il avait simplement besoin de pleurer.

Cette fois ci, après sa déprime quotidienne, j'ai décidé de le faire rire, pour lui remonter le moral. Je sais qu'il est chatouilleux alors j'ai commencé à le taquiner avec ça. Il a répliqué très vite et, tous deux rigolant et se tordant de rire, nous avons continué à nous chatouiller jusqu'à ce que je tombe sur le lit, immobilisé sur le dos par mon ami. J'ai attrapé un oreiller pour me défendre et lui assener un coup, il a à nouveau répliqué, et ça a fini en véritable bataille de polochons, rythmée par nos cris et nos rires. C'est complètement essoufflés mais pleinement satisfaits que nous nous sommes effondrés côte à côte sur le matelas, encore secoués par de petits rires même plusieurs minutes après.

Je commençais à peine à me calmer quand j'ai remarqué, dans le cou de mon ami, une marque semblable à la brûlure que j'avais identifiée sur son épaule quand je l'ai accueilli chez moi. Je l'ai à peine effleuré du bout des doigts que Néo à frissonné. Curieux, j'ai demandé :

"_ Néo... ça vient d'où, ça ? "

Il a mis du temps à répondre, semblant réfléchir, tout ça pour finalement me dire que ça n'étais rien et qu'il ne fallait pas que je m'en occupe. Ça, en langage Néo, ça veut dire qu'il y a bien lieu que je m'en inquiète... Bizarrement, ces derniers temps, Néo est devenu très pudique envers moi, il n'enlève plus ses vêtements en ma présence et refuse catégoriquement de dormir à demi-nu comme il le faisait avant. A-t-il des doutes sur mes intentions ? Ou cache-t-il quelque chose de plus grave ? Et d'où proviennent ces étranges plaies, au juste ?

Alors qu'il était allongé à côté de moi et qu'il s'apprêtait à s'endormir, j'ai relevé la manche de son T-shirt afin d'examiner la zone de peau où j'avais vu la brûlure. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai constaté qu'à l'endroit même où il avait cette marque, il avait maintenant une sorte de tatouage tribal rouge vif, rappelant vaguement du sang. À peine ais-je regardé que Néo s'est réveillé en sursaut. Il s'est dressé dans le lit et m'a fait face. Le regard à la fois triste et résolu, il a murmuré :

"_ Alors... Tu sais..."
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeJeu 30 Nov 2017 - 8:44

Chapitre 5


Son regard coupable s'est plongé dans le mien. Je me demandais alors sincèrement ce qu'était cette étrange marque sur sa peau et d'où elle venait, et surtout pourquoi il se mettait dans un tel état, mélange de regrets et d'inquiétude. L'air clairement désolé, il a brièvement baissé le regard avant de venir récupérer le mien, puis il m'a dit :

" _ Evann... je suis désolé, je t'ai menti... "

Devant mon air aussi surpris qu'interrogateur, il a complété, comme pour répondre à la question qui venait de me traverser l'esprit :

" _ À propos de beaucoup de choses... je... je ne suis pas ce que tu vois... "

Il a le regard fuyant, je soutiens ce dernier avec un peu d'autorité, pour inciter mon ami à se confier. Je commence à connaître Néo, c'est un homme honnête mais secret et s'il m'a menti, ce n'est certainement pas pour me porter préjudice, au contraire, je sais qu'il veut me protéger de tout ce qui pourrait me faire du mal, bien qu'il refuse que j'en fasse de même avec lui. Ayant compris ce que je voulais, il a pris une grande respiration, son regard a à nouveau rencontré le mien et s'y est profondément plongé pour ne plus le quitter jusqu'à la fin de ses aveux :

" _ Je sais, ça va te paraître fou, crois moi si tu veux mais... je n'ai pas 18 ans, je ne m'appelle pas Néo et je ne suis même pas humain... "

Mon ami a marqué une courte pause comme pour me permettre de digérer l'information. Je pouvais lire la crainte dans son regard, la crainte que je refuse de le croire, que je lui en veuille, que je l'abandonne. Mais contrairement à ce qu'il doit bien penser en ce moment même, j'ai envie de le croire... Je crois beaucoup aux phénomènes que la plupart des gens qualifient de paranormaux, et de toute façon, je ne suis moi même pas normal alors...

Reprenant son souffle, il continue à m'expliquer :

" _ Je... je suis mort un peu avant -4900 avant votre ère, j'étais le souverain d'Avadonia, un petit royaume que mes ancêtres ont peu à peu bâti de leurs propres mains, jusqu'à ce qu'elle devienne le magnifique territoire sur lequel j'ai eu l'honneur de régner. Cette civilisation a sombré à ma mort, elle s'est empoisonnée toute seule et a totalement disparu de l'Histoire... "

Ses yeux ce sont embués sur cette dernière phrase. C'est ce qui m'a donné envie de l'écouter et de le croire, il y avait à cet instant une sincérité dans son regard impossible à remettre en cause. Il a repris son explication, retenant un sanglot :

" _ Quand je suis mort, mon âme est restée piégée, errante sur cette Terre, parce que je recherche des choses qui me retiennent ici... Je suis resté seul et abandonné pendant des millénaires jusqu'à ce que mon chemin croise celui de Néo. Il représentait pour moi la pureté, l'innocence et le mérite que je voyais en chaque homme et chaque femme lors de mes années de gloire... Il m'a gentiment accueilli, et son corps a, pendant quelques années, été partagé entre deux âmes : la sienne, celle d'un enfant innocent, pur et adorable, et la mienne, celle d'un roi tourmenté, abandonné et torturé. Peu à peu, ce pauvre enfant a connu des drames comme la mort de sa famille, qui a brisé son lien avec son père. Il a commencé à perdre son goût pour la vie... sa vitalité et sa joie si ressourçantes pour moi ont disparu, et ma présence en lui commençait à devenir un poison. Il prenait pour lui toute ma détresse d'avoir perdu tous mes repères et vu le monde et l'Humanité tels que je les ai connus se dégrader jusqu'à sombrer dans l'oubli. Bien vite, ça a été trop lourd pour lui et... Il s'est éteint... Je me suis retrouvé seul dans sa tête et dans son corps, et j'ai dû endosser son rôle et son identité dans cette société au sein de laquelle je me sens totalement étranger... "

Mon regard embué de larmes a glissé sur le tatouage sur son épaule. Il a complété :

" _ Ce sont des scarifications faites le jour de mon couronnement... c'était un signe de noblesse dans ma civilisation... Je suppose qu'elles ont commencé à réapparaître en même temps que mes souvenirs... "

Soupirant, les yeux humides, il m'a demandé :

" _ Pourras-tu seulement me pardonner ? "

Il a l'air complètement perdu, on dirait qu'il ne sait plus où il est. En réponse à sa question, je me suis blotti contre lui, passant mes bras autour de ses épaules, caressant ses cheveux du bout des doigts, espérant l'apaiser et le rassurer. Pour la toute première fois, il m'a rendu un peu de mon affection en passant timidement un bras autour de ma taille. Suite à ça, fatigués autant physiquement qu'émotionnellement, nous nous sommes endormis, paisiblement, et sans cauchemars cette fois ci.

Ça nous a tellement surpris que nous nous sommes sentis obligés d'en parler, le lendemain matin, dès le réveil, à 7h, nous préparant à partir pour notre demi-journée de cours. Je lui ai raconté mon cauchemar le plus récurent, durant lequel il faisait nuit noire, un silence total me glaçant le sang, seul et perdu dans un épais brouillard m'empêchant d'y voir à plus d'un mètre, et cherchant quelque chose dans l'eau boueuse dans lequel j'étais piégé jusqu'à la taille. Néo m'a confié, l'air surpris mais aussi peut être un peu apeuré, qu'il faisait régulièrement exactement le même cauchemar. Avant ça, il n'en avait parlé qu'à Clemmie, pensant que ça l'aiderais à ne plus les faire, et prétendant auprès des autres qu'il ne se rappelait pas de ce qui le tourmentais toutes les nuits. Soudain, une question m'a traversé l'esprit, en rapport avec ses aveux de la veille :

" _ Dis moi... hier, tu m'as dit que tu ne t'appelais pas Néo... Comment dois-je t'appeler, maintenant ?
_ Je... je ne sais pas, je suis incapable de me rappeler de mon nom... tu sais quoi ? Continue à m'appeler Néo, en attendant... "

J'ai hoché la tête, un peu désolé pour lui. Qu'y a t-il de plus triste qu'un ami qui n'a pas de prénom ?

Nous nous sommes finalement levés, un peu à la hâte à cause du temps perdu à discuter, rejoignant ma famille dans notre immense salon, calme et agréablement chauffé, à cette heure. Jake était lascivement affalé sur le canapé, tenant une tasse de café dans la main droite, Maës couché en boule sur les genoux et une Sherry encore comateuse assise à sa gauche, la tête posée sur son épaule. Lorsqu'il nous a entendu descendre, il a levé les yeux vers nous, a esquissé un sourire en guise de salut puis son regard a à nouveau été monopolisé par sa copine. Nous avons ensuite rejoint la cuisine, où mon père se forçait à avaler son café, qu'il commençait à trouver insipide avec le temps et la lassitude, gardant un œil aussi attentif sur ma tante, qui se forçait aussi à se nourrir, se battant pour vivre.

Les symptômes de sa maladie se sont empirés, et le pire dans tout ça, c'est que le fléau qui la ronge est incurable. Le mal qui l'infecte est trop résistant pour que quelque remède que ce soit puisse y faire quelque chose. Ils l'ont infectée pendant son enfance, alors qu'elle traversait les pires épreuves qui soient aux côtés de mon père. À l'époque, il s'agissait de deux très beaux enfants blonds aux yeux bleus, pâles de peau, malheureusement amaigris et fatigués par les traitements immondes qui leurs étaient infligés. Mon père les a très bien supportés, pas elle.

Je suis passé derrière la chaise sur laquelle elle était assise et, me tenant dans son dos, j'ai passé mes bras autour de ses épaules et ais déposé un baiser sur sa joue droite. Un sourire s'est forcé sur le visage de mon père, un sourire triste, presque résolu. Je suis venu le voir également, me blottissant, comme à mon habitude, contre lui, serrant entre mes doigts sa chemise bleue clair. Néo observait la scène de loin, comme s'il avait senti la lourdeur de la situation et la tristesse qui régnait au sein de ma famille, malgré l'amour qui nous unit. Heureusement pour nous et pour lui, il n'a pas connaissance de ce que nous avons coutume d'appeler notre "sombre héritage". Tout ce que nous subissons en ce moment, tout ce que nous vivons, avons vécu par le passé et vivrons tant que notre lignée existera est conditionné par cet héritage que mon père et ma tante portent sur leurs épaules depuis leur enfance, et par ce que que mon père a été poussé à faire par la suite, ne prenant conscience que trop tard des horreurs commises de sa propre main alors qu'il n'en avait même plus conscience, manipulé, menacé, réduit à l'état de pion.

Nous avons tous tourné notre regard vers mon ami, souriant comme pour le rassurer. Celui ci, secouant vivement sa tête de droite à gauche, a réalisé qu'il n'avait pas dit bonjour à ma famille, demandant à voix haute, comme pour s'excuser, où était passée sa politesse.

Alors que Néo et moi étions en train de faire notre café, mon père a dit qu'il avait décidé de travailler à la maison, aujourd'hui. Il nous a recommandé de nous dépêcher, de peur que nous soyons en retard. Nous avons donc avalé nos petits déjeuners le plus rapidemment possible avant d'aller nous préparer, passant à côté de Jake et Sherry, que j'ai réveillée en douceur en relevant une mèche qui tombait devant ses yeux.
Quand nous sommes redescendus de ma chambre, Jake a posé un regard interrogateur sur l'horloge du salon, avant que ma belle sœur ne nous dise, à Néo et à moi :

" _ Vous devriez y aller, les garçons. "

J'ai une énième fois embrassé toute ma famille avant de partir pour une matinée de lycée. Les cours m'ont paru durer une éternité, même s'ils m'intéressaient, je n'avais pas la tête à ça. À midi, nous avons utilisé nos quelques euros d'argent de poche pour nous acheter de quoi manger en ville, puis nous avons flâné parmi les boutiques, essayant de nous détendre, malgré les récents évênements.

Ne parvenant pas à profiter de notre moment ensembles, Néo et moi avons décidé, à la tombée de la nuit, de nous rendre dans un endroit qui nous tenait tous deux à cœur : un parc en périphérie de la ville, désert à cette heure ci. C'était un adorable coin de nature, véritable havre de paix pour lui et moi, une fois la nuit tombée.

Nous nous sommes allongés dans l'herbe fraîche, tout près d'un cours d'eau toujours vif, côte à côte sous le ciel étoilé. La Lune au dessus de nous, les murmures du vent dans les branches, le torrent déchaîné... ce chant suffit à mon bonheur. Néo et moi nous sommes finalement vite calmés, nos doigts se sont rencontrés, un regard à été échangé. Néo a légèrement souri et, ému par la situation, j'ai murmuré :

" _ On ne nous séparera jamais, hein ? "

Néo m'a regardé mais, au lieu d'être surpris comme je m'y attendais, il a eu un regard un peu triste. Il s'est redressé, m'a invité à me rapprocher et, levant le regard, m'a dit :

" _ Evann... je vais te raconter ce qu'on m'a dit durant ma première vie... regarde le ciel. Mes ancêtres, Dieux, Rois des siècles passés, veillent sur nous du haut des étoiles. Chaque fois que tu auras l'impression d'être seul ou abandonné, n'oublie pas qu'ils seront toujours là pour te guider... et que je serais parmi eux. "

Il a pris quelques secondes de pause et a repris :

" _ Ne laissons jamais rien se mettre entre toi et moi... la mort n'arrête pas l'amour. S'il est véritable, il perdurera après la mort de nos chairs et tant que nous serons deux, nous n'aurons rien à craindre... "

un grand sourire a illuminé mon visage. Nous n'avions jamais été aussi proches sentimentalement parlant. Pour lui, c'et officiel, je suis à présent son meilleur ami, la personne qui compte le plus pour lui. Ça y est, il a fait le deuil de son lien avec Clemmie. Je suis si fier de lui...

Comme pour nous ramener à la réalité, mon portable à vibré dans ma poche. J'ai horreur de ça, ça me fait une sensation bizarre.

Après vérification, il s'agissait d'un message de Jake, qui m'indiquait qu'il était temps de rentrer à la maison. C'est alors ce que nous avons fait et, lorsque j'ai poussé la porte de la maison, j'ai immédiatement eu l'impression qu'on m'écrasait la cage thoracique et la tête. La fatigue.

Elle a vite eu raison de ma fierté et de ma pudeur et je me suis mis à pleurer sitôt que j'ai été tranquille dans notre chambre, extériorisant mon mélange de peine, d'épuisement, de rage. Néo est resté à l'écart, droit comme un piquet, le regard bas et les mains jointes dans le dos. Je me suis effondré sur le lit, ne sachant faire autre chose que pleurer, encore et encore, vidé de toute force et de toute volonté. Au bout de quelques secondes, je ne savais même plus pourquoi je pleurais, et je voulais m'arrêter, mais rien à faire.

Néo s'est installé à mes côtés, n'osant ni me toucher ni me parler. Je me suis redressé et, utilisant mes dernières forces, je me suis traîné vers lui et ais calé ma tête sur son épaule, assis à sa droite, serrant ses doigts entre les miens et laissant mes larmes couler dans son cou. Il est resté totalement impassible. Sa carapace ? Sa fierté ? Probablement les deux...

J'ai fini par me détendre, comme assommé par l'odeur naturelle de Néo, un véritable réconfort pour moi. Cherchant en moi des explications, j'ai fini par conclure qu'il s'agissait du trop plein d'émotions, certainement. Je ressentais une grande empathie envers Néo, je compatissais à son malheur et alors, je ne songeais plus qu'à l'aider.
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeJeu 7 Déc 2017 - 11:28

Chapitre 6


J'ai eu besoin de m'allonger aux côtés de Néo, assommé. Cependant ni lui ni moi n'avons réussi à nous endormir, trop occupés à discuter de son ancienne vie.

Nous n'avons pas fermé l'œil ne serais ce qu'une heure, et le lever a été insoutenable. Rien que d'être forcé de sortir de ma chambre a été une épreuve. L'escalier qui me menait en bas me semblait interminable, au fur et à mesure que je le descendais, j'avais l'impression qu'il m'avalait. En bas, j'ai constaté que Sherry et Jake n'étaient pas levés et que mon père était assis seul dans la cuisine, le regard perdu dans son café, le dos courbé, les deux mains plaquées sur la tasse afin d'en récupérer la chaleur. Ma tante dormait encore.

Personnellement, je ne me suis rien servi à manger, je savais que c'était inutile ; je n'avais pas faim. Encore une fois, Néo semblait incroyablement passif, comme s'il observait la scène de loin, sans y être intégré. Alors que j'allais quitter la pièce après avoir dit bonjour à mon père, celui ci m'a interpellé, la voix légèrement enrouée et l'air contrarié :

" _ Bébé ?... tu ne manges rien ? "

J'ai répondu négativement de la tête, le regard bas. Il a soupiré et a repris la parole à voix basse :

" _ Vous n'avez pas dormi, n'est-ce pas ?
_ Nan p'pa...
_ Bon... Retournez vous coucher, les garçons. Personne ne bouge d'ici, aujourd'hui... "

Néo et moi avons obéi. De toute façon, nous étions épuisés et pas motivés du tout pour les cours. Une fois à nouveau allongés, j'ai prononcé ces quelques mots simples mais que j'aurais dû exprimer depuis longtemps à l'attention de mon meilleur ami :

" _ Dis-moi, Néo...
_ Hum ?
_ ... Ça va ? "

Il a soupiré profondément et, d'une vois morte et éteinte, a répondu :

" _ Tu sais Evann, il y a quelque chose dont on a pas encore parlé... Mon rapport à la mort. Je l'ai croisée d'innombrables fois, et elle m'a souvent blessé. Mais des fois, c'est trop dur à supporter alors... Je me détache de la situation, tu sais... pour me protéger. C'est ce que j'essaie de faire, en ce moment mais... "

Néo s'est redressé et a continué :

" _ Je me rappelle maintenant... D'une fois, une seule fois où j'ai refusé la mort, c'était durant mon règne... J'avais un ami, il est tombé très malade et il a fini par mourir avant moi, mais je refusais de l'accepter. Je voulais, j'exigeais qu'il soit toujours auprès de moi et je ne me suis résigné à le faire enterrer que quand la vermine a pris possession de son enveloppe charnelle. Depuis, j'essaie de me montrer indifférent devant la mort. "

Il a étouffé un sanglot et je me suis approché de lui et ai posé ma main sur la sienne, espérant que ça lui mette un peu de baume au cœur. Il a souri, très touché par mon intention puis, dans un bâillement, il a totalement changé de sujet, me proposant d'essayer de dormir, étant donné la qualité désastreuse de notre nuit. J'ai bien senti que le sujet était encore douloureux à aborder pour lui et qu'il voulait arrêter d'en parler.

Allongé aux côtés de Néo, présence si apaisante et rassurante pour moi, et assommé par la fatigue, je me suis vite laissé emporter dans un sommeil réparateur, indispensable dans mon état. C'est Jake qui nous a doucement réveillés vers midi, pour nous proposer un repas. Lui aussi avait l'air fatigué.  En réalité, personne n'a voulu manger, nous nous sommes uniquement réunis quelques minutes, le temps de parler. Puis nous avons tous ressenti le besoin de nous isoler. Néo et moi avons emporté Maës dans notre chambre, pensant que la présence d'une boule de poils nous détendrais. Mais à part le caresser, lire ou nous allonger sans réussir à nous endormir, nous n'avons rien trouvé à faire.

La vie a continué son cours, nous nous remettions petit à petit des récents événements, apprenant à rire à nouveau. Pourtant, il y avait bien une chose qui n'allait pas chez moi, mais pour rien au monde je n'en aurais parlé à mon entourage;

Cela faisait maintenant plusieurs semaines que je ne dormais ni ne mangeais plus convenablement. J'ai lentement perdu plus de dix kilos et je commençais à avoir la santé délicate, si bien que je commençais à avoir du mal à suivre en cours.

Au début, c'était bien, je me sentais bien après avoir peu mangé, voire jeûné. Léger et pur. De plus, on me faisait des compliments, partout j'entendais les filles de mon lycée dire qu'elles enviaient ma minceur. Et puis, sans que je sache vraiment comment, la situation a échappé à mon contrôle.

Les compliments sont devenus soit des avertissements, soit des insultes. Maintenant, dans les couloirs, c'est "le squelette", "le cadavre". Quant à ma famille, c'est des regards inquiets, des recommandations et mon père qui m'aurait enfilé lui même trois manteaux avant de me laisser sortir si je l'avais laissé faire, alors que l'été approchait à grand pas, et que je ne pouvais même pas laisser ma peau voir les premiers rayons du soleil. De toute façon, j'avais tout le temps froid.

Je crois même avoir entendu mon pauvre père pleurer en se demandant ce qu'il avait fait de mal avec moi... Je n'osais rien dire. Et pourtant, pourtant je voulais crier. Rien Papa, tu n'as rien raté avec moi, tu as toujours été là pour t'occuper de moi et pour m'aimer, tu m'as toujours tout donné. Tu as tout très bien fait, Papa.

Je sais que je fais du mal aux autres, à ceux qui m'aiment, et à moi aussi, et ça ne me plaît pas du tout mais maintenant, c'est si difficile de revenir en arrière...

Il y a quelques semaines encore, des regards inquiets étaient braqués sur moi pendant les repas, ces regards qui m'observaient triturer ma nourriture du bout de la fourchette sans vouloir en avaler une miette.

En réalité, au tout début, je ne mangeais pas parce que je n'avais pas le moral, tout bêtement. Et petit à petit, mon estomac a pris l'habitude d'être vide. Je ne m'en suis pas rendu compte, mais c'est arrivé très vite. Et par dessus ça, il y avait les compliments, et cette petite voix au fond de moi, qui m'encouragent inconsciemment à "poursuivre l'effort", et le moral qui, du coup, ne remonte pas. Et, au fur et à mesure, c'est devenu une spirale infernale qui ne me fait me sentir bien que quand j'ai faim.

Beaucoup de gens diraient que c'est désagréable de sentir ce creux à l'estomac, de l'entendre gargouiller... Dans mon état, j'ai vite appris à apprécier ça, parce que je sais que même croquer dans une pomme me ferait avoir des crampes insupportables.

Néo restait à mes côtés, même si ça devenait un peu froid entre nous. Nous avions alors suffisamment confiance l'un en l'autre pour nous doucher ensembles, et la première fois, il m'avait dit, constatant que je n'étais pas très rassuré, de ne pas avoir honte de moi et de comment mon corps était fait. Ça m'a fait du bien, ça m'a donné confiance. Mais là, il ne voulait pas poser son regard sur moi, le moins possible. Probablement parce qu'il ne voulait pas me voir bleu, tremblant et squelettique. Ça se comprend. Plusieurs fois, il m'avait fait des remarques à propos de ma silhouette, me disant qu'on commençait à apercevoir les os de mes hanches, mes côtes, ma colonne...

Moi, je me voyais toujours comme avant. Il ne voulait même plus me prendre dans ses bras de peur de me briser en deux. Je passais des heures avec lui sous une eau brûlante pour me réchauffer et le soir, je me réchauffais au sèche-cheveux avant de me coucher, collé contre sa peau délicieusement tiède. Ce soir, comme tous les autres, nous avons discuté avant d'essayer de nous endormir. Néo, d'une voix tremblante, m'a demandé :

" _ Evann... tu... tu es fort n'est-ce pas ? "

Je n'ai pas su quoi répondre, je ne m'attendais pas exactement à ça. Alors il a repris :

" _ Je sais que tu n'es pas un lâche. Tu n'abandonneras pas ? "

Comme je ne répondais toujours pas très clairement, à part des bégaiements parce que je cherchais les bons mots, il m'a dit tout ce qu'il avait sur le cœur :

" _ Honnêtement Evann, je sais que tu es fort, mais j'aimerais vraiment que tu mettes cette qualité à profit. Ça me fait très mal de te dire ça mais... tu es en train de mourir. Je sais ça peut paraître dur d'entendre ça mais... Ta maladie se sent comme chez elle. "

Je n'ai rien pu répondre d'autre que "je sais". Visiblement pas satisfait du tout, Néo a rétorqué :

" _ Evann... J'ai peur, je te vois disparaître et j'ai l'impression de rien pouvoir faire, tu tombes en poussière devant moi et je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps avant qu'il ne t'arrive la pire des choses. Je veux bien entendre que tu ne te sois jamais aimé et que tu ais l'impression que tout ce que tu touches finira détruit, mais je sais aussi que tu peux te battre et que tu as suffisamment de force en toi pour gagner ton combat, alors s'il te plaît, réveille-toi et fais-le. "

Cette fois ci, j'ai été obligé de me reprendre et de lui répondre qu'il avait raison, et que j'allais guérir. Il est vrai que ma mauvaise humeur et ma déprime causées par... l'anorexie... m'éloignaient de mon ami qui lui essayait de se remettre de ses souffrances et d'être heureux à nouveau. Il fallait que je me soigne, que j'aille mieux. Pour moi, pour lui, pour Nous. Je savais bien qu'à ses yeux, ce genre de laisser-aller était un signe de faiblesse et qu'il trouvait ça affreusement décevant. Je devais lui prouver que j'étais à la hauteur de sa confiance et de son estime. Plusieurs fois, mon père m'a demandé si je voulais aller à l'hôpital, obtenir l'aide d'un médecin. J'ai toujours répondu non, par peur de ce qu'il pourrait m'arriver là bas. Avoir des perfusions, être intubé, interné en hôpital psychiatrique. Cette simple idée me terrifiait, mais je savais pertinemment que si je ne me reprennait pas, c'est précisément ce qui m'attendais.

Je me suis alors fait une promesse pour sauver notre amitié et stopper les souffrances de ma famille : guérir et recommencer à vivre. Eux, ils ont connu les drames, la solitude, la trahison et la mort et ils sont toujours là, déterminés à vivre. Tout d'abord, je me devais de retourner en cours, de rattraper mon retard et d'avoir mon Bac. C'est pour ça que le lendemain, je me suis réveillé en même temps que Néo et me suis levé, sous son regard interloqué, puis me suis préparé pour aller au lycée avec lui.

Alors que je pensais retrouver avec joie Foster, Néo m'a expliqué qu'il était un jour parti du groupe, exultant sa rage après lui, en disant qu'il voulait être heureux et traîner avec des gens heureux aussi, qu'il voulait être enfin, pour une fois, avec des gens qui n'avaient pas de problèmes. Par conséquent, lui et moi étions seuls maintenant.

C'est à midi que ça a été le plus dur pour moi. Premièrement, en milieu de journée, mes batteries sont déjà à plat. Et ensuite... il m'a fallu manger. Je suis alors sorti en ville, me rendant à la boulangerie à laquelle j'étais fidèle avant de tomber malade. Là, j'ai dû lutter contre tous mes instincts et ma propre nature pour ne pas faire demi-tour. Les sandwiches me semblaient d'une longueur interminable et pourtant, il fallait bien que j'en choisisse un. Ces derniers temps, mon unique repas de la journée était une pomme, donc difficile pour moi d'imaginer que je pourrais avaler une telle chose. J'ai fini par réussir, après quelques minutes, à jeter mon dévolu sur un d'entre eux et encore une fois, quand j'ai vu le gras de la mayonnaise se déposer sur le papier d'emballage, j'ai failli jeter mon repas. Mais non ! Si je veux assainir mes relations avec mes proches, je dois avant tout retrouver la santé.

Pendant ce qu'il m'a semblé être une éternité, j'ai ingurgité à maigres bouchées ma nourriture, essayant d'ignorer toute la graisse qu'elle contenait, à l'abri du regard de Néo, de peur de lui faire perdre patience. Je lui montrerais mes efforts plus tard.

Et j'ai commencé à faire des projets d'avenir, ça aide à avancer. Évidemment, le premier était d'avoir mon Bac. Pouvoir faire à nouveau du sport, aussi. Pas pour maigrir, juste pour le plaisir et me maintenir en forme, ça me déprime de ne plus en faire. Néo adore le sport et il en fait tous les jours, je suis sûr que ça lui ferais très plaisir que j'aille avec lui.

À l'instant où j'ai fini de manger, une pensée m'a envahi : une immense fierté tout d'abord, puis une hâte de voir les résultats de mes efforts. J'ai appris que la plupart des malades sont pris de regrets après avoir "osé manger", mais moi, à cet instant, j'avais simplement hâte de retrouver le poids que je faisais avant, qui certes était un peu bas mais qui me permettait de vivre, et non de survivre.

Et c'est lentement, à coup de petits efforts par ci par là, que mon état s'est amélioré. Le regard de Néo sur moi a doucement changé, son estime envers moi est remontée à mesure qu'il voyait avec quelle ferveur je me battais pour ma vie. Il ne pouvait s'arrêter de me sourire quand, le matin, je prenais à nouveau le temps de manger avec lui plutôt que de dévorer une pomme en quelques secondes et en cachette, comme si c'était une honte. Quant à ma famille, ils étaient également ravis de me voir à nouveau à table le soir, avec tout le monde.

Ils avaient l'air si fatigués... C'est moi qui les ai épuisés comme ça, c'est leur inquiétude à mon propos qui les a rongés à ce point. Ils ont tous essayé de m'aider du mieux qu'ils pouvaient, de me questionner sur mon problème, de me proposer un soutien psychologique et moi, moi j'ai tout rejeté en bloc. Je ne voulais pas voir que finalement, le problème, je l'avais peut être.

À la fin de l'année scolaire, mon combat a touché à sa fin, j'avais retrouvé mon poids d'avant. D'avant tout ça. Un poids plume certes, mais sain. Je n'ai plus jamais entendu mon frère me demander si je faisais la grève de la faim, comme il le faisait avant, au tout début de tout ça, pour plaisanter, à un moment où il ne se doutait encore de rien. Je crois qu'il a eu peur... Tout le monde a eu peur. Même moi.

Et j'ai eu mal aussi, très, très mal. Voulant gagner mon combat, j'étais prêt à tout, j'ai enduré des souffrances qui peuvent sembler anodines pour une personne saine, mais qui, pour le malade, sont affreuses. Mon estomac s'était tellement réduit que j'avais cette sensation de satiété même après avoir avalé un simple verre d'eau, et pourtant je me suis forcé, tous les midis, à avaler entier un sandwich qui me paraissait énorme, quitte à avoir mal. Il le fallait si je voulais ma liberté, si je voulais faire taire cette petite voix qui résonnait dans ma tête.

Ma volonté m'a permis de suivre à nouveau les cours normalement, même avec les douleurs et la fatigue, et Néo et moi avons tous deux décroché notre Bac avec succès. Pour moi, c'était une toute nouvelle vie qui commençait, et j'avais bien l'intention de la vivre à fond, et de profiter de mon été, et de la seconde chance qui s'offre à moi.
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MessageSujet: Re: Dark Legacy Tome 1 : ZERO   Dark Legacy Tome 1 : ZERO Icon_minitimeVen 15 Déc 2017 - 0:19

Chapitre 7


Maintenant, nous sommes en vacances. Néo et moi profitons de notre temps libre tout en nous préparant petit à petit à rentrer à la fac. Nous passons le plus clair de notre temps sur la plage, étendus dans le sable, des fois l'un sur l'autre, heureux de pouvoir à nouveau s'enlacer sans risquer me faire du mal. Peu importe tant qu'on est tous les deux. On nage beaucoup aussi, l'eau est tiède, ce serait idiot de ne pas en profiter.

Néo semble aller bien mieux, il a le moral, il profite de la vie. C'est beau de le voir comme ça. Maintenant, une partie de son cou et de son visage, ses deux bras, ses épaules, son dos, son torse et ses abdos sont parsemés de ces marques rouges rubis gravées en lui à son couronnement. On voit à présent clairement qu'il s'agit de représentations d'esprits mais aussi d'écritures antiques qui, selon les croyances de Néo et de son peuple, étaient censées protéger le souverain des mauvais esprits, démons et malédictions.

Ça le fait néanmoins beaucoup réfléchir. On aime, jusque très tard dans la nuit, s'allonger dans le sable, les yeux tournés vers les étoiles pour philosopher sur les choses de la vie. Il parle de plus en plus de son identité, de son passé. Je me doute que ça le travaillait beaucoup. On a fait pas mal de recherches pour savoir si il restait, quelque part dans le monde, des traces de son peuple, si les historiens avaient des éléments concernant cette civilisation, mais à part la construction d'une école, certainement destinée aux historiens ou aux archéologues, non, rien, si on omet le fait que le début des travaux coïncide avec la réapparition des souvenirs de Néo. Ça aurait pu lui faire un peu de bien, mais on a rien trouvé à part l'école, sur laquelle on n'a finalement pas fait plus de recherches comme ça.

Et puis un soir, Néo a eu de la fièvre. Beaucoup de fièvre... Il ne voulait néanmoins pas aller à l'hôpital, préférant rester avec moi, pour faire comme d'habitude, se parler, se caresser un peu, et s'endormir avec l'assurance d'avoir le visage paisible de l'autre comme toute première image à notre réveil.

Alors je suis resté éveillé le plus longtemps possible à ses côtés cette nuit là, espérant, priant pour que d'une manière ou d'une autre il s'en sorte, alors que sa fièvre ne faisait que monter. On a eu le temps d'avoir notre petite discussion du soir durant laquelle il m'a expliqué que tout allait très bien, que sa fièvre et sa fatigue étaient sûrement dus à sa mémoire qui lui revenait, et tous les mauvais souvenirs qui allaient avec. Il a dit tout ça avec un grand sourire, charmant, qui se voulait très rassurant. Il s'est finalement endormi, alors que je caressais ses mains, ses cheveux et ses joues, jusqu'à ce que le sommeil m'emporte aussi.

Quand je me suis réveillé, j'étais serein. Les doux rayons du soleil filtrés dans la chambre et leur chaleur sont venus me caresser, alors que j'émergeais doucement entre les draps frais. En ouvrant mes yeux, j'ai soudainement réalisé que quelque chose ne collait pas... Nous n'étions pas dans notre chambre... Je ne connaissais pas cet endroit et je ne savais pas ce que j'y faisais. Honnêtement, je n'ai pas pris le temps de détailler la pièce, je me suis juste tiré du lit, encore à moitié endormi, en me frottant les yeux. Je me suis dirigé en traînant les pieds vers une grande ouverture dans le mur, rectangulaire aux bords réguliers, qui menait sur une sorte de balcon. À mesure que je m'exposais à la lumière du petit matin, celle ci m'aveuglait et je commençais à sentir la chaleur extrême de l'extérieur. Une fois sur le balcon, j'ai jeté un coup d'œil au monde extérieur.

J'ai senti mon regard s'écarquiller et mes pupilles s'agrandir car j'avais devant moi une véritable merveille. Je me trouvais dans un grand palais blanc, or et bleu au style architectural à mi chemin entre l'arabe et l'asiatique, perdu au milieu d'immenses jardins ornés de cours d'eau artificiels et de fleurs, arbres et autres plantes exotiques, accueillant en son sein oiseaux et poissons bariolés. Au loin, on apercevait les structures religieuses et habitations d'une immense cité, si grande que mon regard s'y perdait, ne pouvant en voir la limite. C'était une région très verte et, même s'il faisait chaud et sec, les systèmes d'irrigation construits de la main de l'Homme donnaient ce dont elle avait besoin à la terre. Toutes ces merveilles étaient baignées dans la lumière couleur or rose du matin.

Un puissant ronronnement m'a tiré de mes rêveries, et j'ai entendu un animal lourd descendre du lit, puis les froissements des draps, et enfin des pas derrière moi. Pétrifié, je n'ai pas osé bouger. Une main s'est posée sur mon épaule et un grand frisson m'a parcouru la colonne vertébrale, je n'ai entendu personne entrer et, n'étant pas encore très bien réveillé, je n'avais absolument pas réalisé qu'il y avait quelqu'un à côté de moi dans ce lit. Mais quand j'ai entendu ces quelques mots, j'ai été rassuré :

" _ Bienvenue à Avadonia... Mon royaume te plaît ? "

Je me suis brusquement retourné, et je me suis retrouvé en face d'un très beau jeune homme, aux cheveux or tout ébouriffés et aux yeux ambrés, torse nu, la peau très légèrement dorée et couverte de scarifications rouges rubis. J'avoue avoir mis quelques secondes à reconnaître Néo.

Il avait à ses côtés un jeune lion qui commençait à peine à faire sa crinière, et qui lui servait visiblement d'animal de compagnie. Celui ci continuait à ronronner sous les caresses de son maître alors que j'étais encore un peu perdu. Balbutiant, j'ai demandé :

" _ M... Mais... c'est un rêve ?... Non ? "

Néo a eu un sourire sarcastique et a émis un sifflement semblable à celui d'un serpent avant de me répondre par la négative d'un signe de tête, prononçant en même temps :

" _ Non... visiblement mes prières ont été entendues. Ce que tu peux être naïf, c'est bien la réalité... enfin... ma réalité, juste dans mon royaume, à mon époque... Je suppose que... le temps est venu. "

Du coup, pour répondre à sa question, j'ai repris la parole, tendant ma main au jeune félin pour qu'il connaisse mon odeur :

" _ Ton royaume est une vraie merveille... Alors tout ça, c'est sous ta responsabilité ? "

Il a souri et acquiescé de la tête. Voyant que j'aimais bien son ami à quatre pattes, il a répondu à la question que je me posait intérieurement :

" _ Il s'appelle Gokhan. "

Puis, il a eu comme une étincelle de malice dans le regard ; une idée venait de germer dans son esprit. Quasi immédiatement, il m'a proposé :

" _ Tu veux aller voir ça de plus près ? "

Ce fut à mon tour de faire de vifs mouvements affirmatifs de la tête, l'idée de plaisait beaucoup. Il m'a regardé de haut en bas, j'étais habillé exactement comme la veille au soir, à savoir ma petite nuisette couleur lilas. Néo a ri et a repris :

" _ Si tu sors comme ça, tu vas te faire regarder de travers... "

Alors que je retirais tout ça assis sur le lit, Néo a jeté à côté de moi une très longue robe blanche descendant jusqu'aux chevilles, col tunisien, manches longues et amples, et resserrée à la taille par une tresse de lin. Avant de sortir, des serviteurs ont même étalé sur ma peau, aux ordres de Néo, une sorte de pâte à le texture huileuse et à l'odeur très fruitée, censée me protéger du soleil.

Après ça, nous sommes sortis, suivis de près par le jeune lion, non sans avoir passé à Néo sa couronne tressée de brins d'or et de mettre autour de mon cou une chaînette en or ornée d'un pendentif représentant un lion, indiquant que j'étais sous la protection du Roi.

Alors que mes yeux s'habituaient à la lumière du soleil de plomb et que ma peau s'accommodait à l'idée de marcher pieds nus dans le sable chaud, Néo était déjà quelques mètres devant moi, suivi de près par son ami à quatre pattes, attendant que je les rejoigne pour faire le tour des jardins qui entouraient le palais. Mon cher ami avait le regard pétillant, un grand sourire aux lèvres, il se tenait droit et marchait d'un pas léger. Ça se voyait, il était heureux, enfin ! Je l'ai rejoint en trottinant d'un pas guilleret, et je me suis immédiatement senti rafraîchi en entrant dans les jardins, à l'ombre des arbres, les pieds dans l'herbe fraîche, bercé par le léger vent et par les chants conjugués des oiseaux et du courant de l'eau.

Ce spectacle m'a vaguement rappelé cette soirée dans le parc que j'aime tant, où Néo et moi nous étions fait toutes nos promesses. Celui ci s'est assis dans l'herbe, les pieds dans l'eau, près d'un bosquet de magnifiques fleurs aux couleurs pastel. Il m'a regardé et a cueilli une de ces fleurs, qui était d'un joli rose doux, poudré. Il en a caressé les pétales du bout des doigts, s'est levé et l'a placée dans mes cheveux, juste au dessus de mon oreille. Je me suis senti rougir et mon regard n'a pu soutenir le sien que quelques secondes, avant de se détourner, exactement comme à nos débuts.

Après une petite promenade, alors que le soleil était haut dans le ciel, il m'a proposé d'aller au sein même de la cité pour rencontrer ses sujets et m'imprégner de la langue et de la culture. Il m'a pris par la main, m'a souri et m'a dit :

" _ Je veux que tu en gardes un bon souvenir. "

J'ai eu des papillons dans le bas du ventre, et je l'ai suivi, joyeux et confiant. Alors que nous marchions dans le rues, tous les sujets que nous croisions arrêtaient leurs activités pour nous observer, ils me regardaient d'un air fasciné, et c'est quand la plupart d'entre eux ce sont agenouillés que Néo a décidé de m'éloigner d'eux. Une fois en privé, il m'a expliqué :

" _ Dans notre culture, la Lune est une déesse, et nous l'avons représentée sous les traits d'un être androgyne à la peau très pâle, voilà pourquoi tu es si populaire. "

Nous avons tous deux émis un petit rire amusé puis, sous les regards éberlués des sujets, nous avons continué à visiter la cité, jusqu'aux prairies l'entourant, vastes et vertes, où broutaient des troupeaux entiers de moutons et de vaches. Visiblement, les gens ici étaient vertueux et travailleurs, comme Néo me l'avait dit. Au loin, dans les steppes, on apercevait parfois quelques gazelles. Mon tendre ami a souri devant ce spectacle et a murmuré, le regard plongé dans l'horizon :

" _ Elles se plaisent, par ici... "
Il a ensuite tenu à me faire visiter un édifice religieux. À l'intérieur, c'était magnifique. Ça sentait l'orange, les prêtresses écrivaient et priaient, vêtues de leurs robes amples et blanches, coiffées de couronnes de perles bleues. Elles avaient également des dessins sur la peau, pratique populaire au sein de ce peuple. Pour les prêtresses, il s'agissait de brins de muguet or et blanc dessiné sur la clavicule gauche, censés représenter leur pureté et leur foi.

Néo m'a ensuite amené vers le mur du fond, dans lequel étaient creusées, à hauteur d'un mètre cinquante à peu près, des niches dans lesquelles de petites idoles étaient logées. Sous chacune d'entre elle, il y avait une plaque de marbre blanc dans laquelle était gravée une inscription avec des caractères qui m'étaient inconnus et qui ne ressemblaient à aucune écriture antique découverte jusqu'alors. Néo me les a traduites, me donnant le nom de chacun ainsi que leur fonction. Toutes ces idoles étaient des représentations de Dieux et de Déesses de la nature, de la culture, des émotions et des sentiments, des astres et de la mort. Dans chaque niche, il y avait tout un tas d'offrandes tels que fruits, fleurs, plumes, coquillages, perles, or et même pierres précieuses.

Après sa prière quotidienne, Néo a voulu m'emmener visiter l'écurie de la garde royale, sachant que j'adorais les chevaux et que j'avais pris l'habitude de monter aussi souvent que je le pouvais. Je n'ai pas pu m'empêcher de tous les caresser, alors que ces immenses destriers étaient forcés par ma petite taille de baisser la tête et de tendre au maximum leur massive encolure pour être à ma hauteur, posant le bout de leur nez, doux et tiède, sur ma peau.

J'ai soudain senti une crampe à l'estomac, qui s'est mis à gargouiller de manière si peu discrète que ça a fait rire Néo. Il m'a regardé avec un air attendri alors que j'avais la tête d'un joli cheval gris posée affectueusement sur mon épaule et m'a proposé un repas. J'ai souri à nouveau et ais acquiescé avant de le suivre à l'intérieur du palais où il a donné, dans sa langue, des ordres à ses serviteurs, sur un ton très doux.

Quelques minutes plus tard, on nous a servi et, de par mon éducation, je n'ai pas pu m'empêcher de dire merci au serviteur, même si je savais qu'il ne comprenait pas. Il a regardé avec étonnement son souverain, sûrement encore persuadé que je devais parler une sorte de langue divine. Néo a traduit, puis le serviteur m'a à nouveau regardé avec un sourire, s'est incliné et a quitté la pièce, nous laissant seuls avec Gokhan, le "gros chat" de Néo, qui est venu se coucher aux pieds de son maître, attendant avec un regard brillant adorable qu'il lui jette un morceau de viande.

Pour ma part, on m'a servi un bol de thé et un autre de lait de jument, une coupe de fruits coupés en morceaux et enfin deux tranches d'un pain très moelleux et doux, qui pourrait presque être une sorte d'ancêtre de la brioche, faite avec une céréale locale que je n'avait encore jamais goûtée. Néo, quant à lui, mangeait bien plus copieusement que moi, donnant parfois des morceaux à son ami à quatre pattes rien que pour son plaisir car entre temps, un autre serviteur était venu apporter une portion de viande et de l'eau au grand félin. À un moment, mon ami a levé les yeux vers moi et a demandé, l'air ravi :

" _ Tu aimes ? "

Devant mon approbation, il a posé un coude sur la table, appuyant sa joue droite dans sa main, me regardant tendrement déguster mes fruits, l'air totalement aux anges.

Après le repas, Néo m'a entraîné avec lui, prenant mes doigts entre les siens. Il avait le regard malicieux de quelqu'un qui a une idée derrière la tête. Sur le coup, j'ai été un peu perturbé parce qu'il n'avait jamais eu ce type d'attitude envers moi. Il a demandé, toujours gentiment, quelque chose à ses serviteurs, que je n'ai évidemment pas compris tout de suite. C'est quelques minutes plus tard que j'ai réalisé, quand je me suis retrouvé avec Néo dans une pièce toute embuée, des sortes de thermes. Mon ami me regardait en coin, toujours avec son petit air malicieux, me tournant le dos alors qu'il laissait tomber à ses pieds les quelques pièces de lin couvrant sa peau. Les quelques serviteurs qui s'affairaient encore ici nous ont laissés seuls.

Une fois en toute intimité, il s'est approché de moi et m'a retiré la fleur que j'avais dans les cheveux et l'a posée sur les vêtements qu'il venait de retirer. Il a fait de même avec mon collier, laissant ses doigts se promener sur ma gorge, aux endroits où ma peau est fine et sensible, et il a fini par me retirer ma robe, la laissant également tomber à mes chevilles. J'avais du mal à respirer, je rougissais, j'avais chaud. J'ai trouvé ce moment extraordinairement sensuel, c'était la première fois que j'étais déshabillé par quelqu'un d'autre.

Il m'a caressé la joue, le regard plongé dans le mien alors que j'ai, instinctivement, laissé le bout de mes doigts glisser sur son torse. Nous sommes finalement entrés dans l'eau, qui était chaude et parfumée, et Néo s'est à nouveau approché de moi. Nous avons échangé quelques mots comme à notre habitude, sous la douche chez nous :

" _ Evann... tu te rappelles quand tu as découvert ma véritable identité ?
_ Eh bien... oui mais... En parlant de ton identité, maintenant qu'on est dans ton royaume et que tes souvenirs te sont revenus, tu... tu ne te souviens pas de ton prénom ? "

Il a souri. Un sourire triste, résigné, ce fameux sourire qui est là pour vous faire croire que tout va bien. Il m'a répondu franchement, d'un ton qui se voulait rassurant :

" _ Non, pas du tout, mais tu sais quoi ? On s'en moque, j'ai pris l'habitude de ce prénom, à force de t'entendre le prononcer si tendrement, j'ai fini par me l'approprier... "

Il voulait me faire croire que tout était normal, que tout allait bien, je l'ai senti. À ce moment, je crois qu'il s'est dit que c'était à son tour de me protéger. Mais je ne voulais pas tourner le dos à la réalité. Inquiet, j'ai demandé, d'une voix tremblante d'angoisse :

" _ Pourquoi tu abordes ce sujet ? Est-ce que... Est ce qu'il y a quelque chose que je dois savoir ? "

Il a joué les innocents. "Quoi ? Mais non, bien sûr que non, tout va très bien". C'est à ce moment que j'ai visionné dans ma tête tous les moments où on m'a dit "tout va très bien". Sentant probablement mon angoisse, il a changé de sujet, espérant que je profite de mon bain et que je me sorte tout ça de la tête.

Nous avons fini par sortir de l'eau et nous nous sommes immédiatement rendus dans sa chambre, encore nus et trempés, nous coursant après que Néo m'ait provoqué en me chatouillant mais là, ce n'était pas pareil que d'habitude. J'ai alors à nouveau réalisé qu'il cherchait à me faire oublier la réalité des choses. Je lui ai donné un faible coup dans les côtes afin de manifester mon mécontentement, et je lui ai rétorqué :

" _ T'sais quoi ? Au risque de passer pour un boulet... j'ai toujours pas compris ce qu'on fiche ici. Tu sais... pourquoi on est là ? "

Là, son sourire s'est évanoui, je crois qu'il y a quelque chose de grave, et qu'il s'est soudain senti coincé, obligé de parler.

" _ Tu sais, je t'ai parlé de cet enfant qui m'a accueilli, et qui a fini par être empoisonné par ma présence. Je ne l'ai pas réalisé à temps mais... je suis un poison, ma présence est un poison, et... tout ce qui est arrivé récemment à ta famille... Je pense que c'est de ma faute. C'est pourquoi j'ai supplié les Dieux de faire en sorte que ce cauchemar s'arrête et que je retourne dans le monde que je n'aurais jamais dû quitter, le monde des morts.
_ M...Mais... je veux pas que tu partes moi ! Arrête de dire des bêtises, je suis sûr que tu n'y es pour rien, on a jamais eu de chance dans cette famille, c'est du hasard, rien d'autre qu'un malheureux hasard je te le jure ! "

Il a répondu par la négative, d'un signe de la tête, reprenant :

" _ Ça fait beaucoup, pour du hasard Evann. Tout ça c'est de ma faute, et je ne veux plus te faire de mal... à mon tour de te protéger, comme tu l'as toujours si bien fait. Je... je suis désolé, je me suis dissimulé la vérité si longtemps... je n'ai pas toujours été facile avec toi, et j'ai même parfois été méchant, ingrat. Je t'ai mal parlé, j'ai refusé ton affection mais au fond... "

Sans me laisser le temps de réagir ou de répondre quoi que ce soit, son bras gauche a enserré ma taille, m'amenant au plus près de lui. Il a relevé une mèche de cheveux tombant sur mon front et a d'abord embrassé avec délicatesse ma paupière droite puis il est descendu sur mes lèvres. Après un très bref contact, il m'a regardé très tristement et a fini sa phrase :

" _ ... Je... Je t'aime Evann. "

Il a détourné le regard une seconde puis, soutenant le mien à nouveau, a prononcé une dernière phrase :

" _ Ne m'oublie pas... "

Il m'a serré contre sa peau brûlante et m'a embrassé, aussi intensément que tendrement. La passion m'a envahi et j'ai à nouveau eu des papillons dans le bas du ventre, j'ai intensifié notre contact en passant mes bras autour de son cou, caressant de ma main droite ses cheveux humides.

Mais peu à peu, j'ai commencé à ressentir des sensations extrêmement désagréables malgré la douceur de l'instant. La chaleur ambiante s'est évanouie pour laisser place à un froid glacial, les papillons sont devenus des crampes et mes oreilles ont commencé à siffler si fort que ça en devenait assourdissant. Je ne sentais plus le contact rassurant de la peau de Néo, je me sentais seul et abandonné. J'ai eu un violent vertige qui m'a donné l'impression de tomber de plusieurs dizaines de mètres et l'odeur fuitée de la peau de mon homme c'est transformée en odeur d'éther.

J'ai ouvert les yeux et ait été aveuglé par la lumière blanche de notre chambre, qui tranchait totalement avec la lumière tamisée du palais . J'étais allongé dans notre lit, la tête calée sur le torse de mon adorable Néo. Au début, j'étais rassuré, pensant que je n'avais rien fait d'autre qu'un rêve étrange dont je pourrais lui parler dès qu'il se réveillera. Et c'est là que j'ai réalisé... Sa peau était froide et son teint terne, sa cage thoracique ne se soulevait et ne s'abaissait plus...C'est là que j'ai réalisé qu'il ne se réveillerait plus jamais. Néo était mort. Il était reparti chez lui comme il l'avait prévu. Au début, j'ai cru que j'allais hurler, pleurer, retourner toute la chambre mais je n'en ai pas eu la force.


Oh non, je ne t'oublierais jamais Néo, mon amour... Comme une dernière preuve d'amour, j'ai embrassé son front et, tenant sa main, je me suis remis en mémoire tout ce que nous avons vécu ensembles, toute notre histoire, préférant imaginer qu'elle ne faisait que commencer.


Si un jour il nous est permis de renaître, j'aimerais qu'à nouveau...
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