Magia Ex Machina [Titre provisoire]

Un vieil homme en costume était assis face à un bureau, visiblement beaucoup trop grand pour une seule personne, lisant minutieusement la feuille qu’il tenait dans ses mains.
L’âge semblait avoir rongé son visage au fil des années, au point qu’il n’affichait qu’une seule expression, le rendant peu amical. Contrairement à son corps qui était sur le déclin, ses vêtements étaient neufs, parfaitement repassés et d’un tissu d’une qualité que l’on voyait rarement même parmi les membres de la haute société.
La pièce était surchargée d’armoires en tous genres, les murs recouverts de peintures d’artistes connus ou de diplômes au nom de l’homme.
La valeur totale de tous ces objets excédait facilement ce que gagnerait une personne normale au cours de sa vie et il ne s’agissait qu’un bureau de travail.
Plongé en pleine lecture, il eut un léger sursaut en entendant quelqu’un frapper à la porte.
"Monsieur Kotomine, Reindo Kazël est arrivée pour votre rendez-vous de seize heures."
"Bien, faites la entrer."
Une femme ouvrit la porte, dont le poids faisait grincer les charnières.
A ses côtés se tenait une jeune fille, portant un uniforme scolaire plutôt sobre. Les grandes oreilles de renard sur sa tête frétillaient d’impatience en unisson avec la queue qui s’agitait sous sa jupe. En plus de ses caractéristiques animales, ses cheveux étaient d’une couleur orange que l’on voyait rarement chez les humains, dont les pointes noires en renforçaient l’aspect sauvage.
Ayant toujours la même expression, son visage figé dans le temps, l’homme était accoudé à son bureau, fixant avec insistance la jeune fille qui pénétrait dans son antre.
Arrivée face au vieil homme qui l’invita alors à s’asseoir, elle suivit du bout des oreilles la porte se refermant lentement dans son dos. Elle se retrouva alors plongée dans le noir, la seule source de lumière étant le vitrail situé derrière la chaise du vieil homme, dont les rayons n’éclairaient que celui-ci.
L’obscurité n'était cependant pas un problème pour elle. Ses yeux étaient recouvert d’un épais morceau de tissu, ce qui l'empêchait évidemment de voir quelque soit la situation. C’était une pratique courante chez les personnes aveugles.
Kazël faisait malgré tout partie des rares personnes pour lesquelles ce n’était pas un handicap. En plus de ne pas être humaine, son corps renforcé par la mana lui permettait d’utiliser au maximum ses autres sens.
Une fois assise elle retira le bandeau en tissu qui recouvrait ses yeux, dévoilant deux pupilles d’un blanc opaque.
"Vous savez pourquoi je vous ai convoquée ?
"On m’a juste dit que vous alliez me confier ma première mission."
Il ouvrit un tiroir et y pris plusieurs documents.
"Nous avons mis la main sur des documents attestant que le chercheur Shinohara est allé plus loin dans ses travaux qu’il ne l’avait annoncé il y a quatre ans. A l’époque, nous avions fait de notre mieux pour mettre un terme à ses travaux mais il a malheureusement déjà produit des résultats concrets sur sa fille, Shinohara Reiko."
"Vous voulez dire … qu’il a déjà altéré un être humain ?"
Le vieil homme acquiesça.
"En plus d’être notre élève la plus prometteuse, vous avez fait preuve d’un respect total de nos préceptes durant toutes ces années. Au vu de vos résultats et de votre comportement exemplaire, j’ai décidé de vous laisser une chance d’intégrer les rangs de Longinus, malgré votre jeune âge. Vous serez ensuite assigné à cette ville, afin de pouvoir continuer vos études sans soucis."
Kazël garda son calme, ne laissant échapper qu’un léger haussement de sourcil indiquant sa surprise.
"Cela serait un honneur pour moi de faire partie de cet ordre, Monsieur le Cardinal."
"Je n’en attendais pas moins de vous mademoiselle Reindo."
Le vieil homme pris ensuite une feuille à côté de laquelle se trouvait une photo en noir et blanc d’une fille dont l’âge devait se situer autour des seize ans. Il y lut différentes information, notamment sur les habitudes de cette personne avant de faire une pause.
"Malgré les apparences, cette fille est un démon qu’il faut éliminer le plus rapidement possible. Elle porte en elle le sérum développé par le chercheur Shinohara et son existence même est un problème pour nous. Les magiciens sont les seuls à pouvoir ressentir le mana disséminé dans l’air ambiant, c’est un don que nous avons reçu. Cet homme a joué avec des forces qui le dépassent en créant cette immonde chimère sans âme."
"Avec tout mon respect, je ne pense pas qu’il soit possible de l’atteindre si elle reste confinée dans le district scientifique. Un meurtre en plein milieu de celui-ci détruirait toutes nos relations avec eux si on était découvert."
"La rentrée aura lieu dans une semaine. Elle vient de recevoir l’autorisation d’aller en cours et par conséquent il sera plus facile de l’atteindre. Tu as un mois pour agir, je suis sûr que tu sauras trouver le bon moment."
Elle fronça les sourcils en réfléchissant à sa situation.
"Que se passera-t-il au bout d’un mois ?"
"Il est préférable que tu ne le saches jamais."
Sa voix rauque et monotone dévoila une certaine animosité, malgré son visage impassible.
La jeune fille tenta de cacher le frisson qui parcourut son corps à l’idée du châtiment qui l'attendait en cas d’échec.
Elle avait consacré sa vie à ses études en tant que magicienne, encouragée par ses parents, n’ayant que pour seul et unique but de servir les valeurs qu’on lui avait dictées. Un échec signifiait faillir aux êtres qui lui étaient chers ainsi qu’à la totalité de la communauté dans laquelle elle vivait.
Kazël avait quelques remords à l’idée d’ôter la vie d’une personne, mais si cela lui permettait d'accéder à l'élite des magiciens elle se dit qu’elle pourrait tenter de mettre son avis personnel de côté le temps d’une mission.
"Cela n’arrivera pas. Shinohara Reiko sera purifiée avant cette date, j’en fais le serment."
Alors qu’elle ne s’y attendait pas, un sourire se dessina sur le visage de son interlocuteur qui semblait rassuré par sa motivation sans faille.

"Grand frère ! Grand frère ! Allez réveille-toi !"
"Hummm … Encore cinq minutes …"
"Tu vas encore être en retard !"
"C’est pas gra-"
Mais … j’ai pas de petite sœur ! Et – et puis je suis même pas censé être chez moi en ce moment !
"Ouaaaahhh !"

A ce moment Taku se releva en sursaut. Son visage dégoulinait de sueur. Il n’avait pas fait de cauchemar à proprement parler, mais la soudaine réalisation qu’il n’était plus chez lui l’avait ramené durement à la réalité.

Il mit quelques secondes avant de prendre conscience de l’endroit dans lequel il se trouvait.

Taku s’était réveillé dans une chambre d’une vingtaine de mètres carrés dans laquelle se trouvait son lit, accolé au mur gauche de la pièce, ainsi qu’un bureau et une petite bibliothèque contre le mur opposé. Une porte situé au fond de la pièce menait à une petite salle de bain ce qui procurait à la pièce tout le nécessaire pour vivre à part le matériel nécessaire à la cuisine.

Le soleil éclairait déjà entièrement la pièce, annonçant malheureusement pour Taku que la journée était bien entamée. Il n’avait désormais plus d’autres choix que de se lever, en abandonnant la douceur chaleureuse de ses draps.

Au loin, Taku entendit une cloche retentir huit fois. Le bruit provenait de l’immense tour situé au centre de l’université qui sonnait régulièrement afin d’indiquer aux élèves l’heure qu’il était.

Il avait entendu huit coups. Il en déduit donc l’heure actuelle, huit heure du matin. Cela laissait à Taku un peu moins d’une demi-heure pour se préparer, son premier cours commençant un peu plus tard dans la matinée.

Bon, ça me laisse encore vingt-cinq minutes de sommeil … Avec ça je vais être totalement requinqué.

Taku se recoucha alors calmement, ignorant le risque d’être en retard à son premier cours pour sa première année dans cette école. Malgré l’importance d’assister au premiers cours, chose que les adultes s'entêtaient à répéter à longueur de journée, Taku se comportait comme la plupart des étudiants de son âge et préférait un lit douillet et chaleureux à la froideur d’une salle de classe.

"Merde ! Merde ! Merde ! Trente minutes de retard, mademoiselle Saki va me tuer !"

Après s’être réveillé en retard comme à son habitude, Taku s’était préparé en panique. Ses cheveux encore gras, qu’il n’avait pas pris la peine de coiffer, témoingaient de son rapide passage sous la douche. Tout comme son uniforme froissé et sa veste qu’il n’avait qu'à moitié boutonné.

Il était maintenant en train de cavaler dans toute l’université, les cheveux ébouriffés et d’immenses cernes creusés sous ses yeux.

Taku n’avait pas encore eu la chance de rencontrer la personne qui lui ferait office de professeur au cours de l’année, mais il avait pu apprendre son nom le jour précédent en se renseignant sur les panneaux situés près du portail d’entrée, sur lesquels on pouvait y lire les noms des élèves en fonction de la classe qui leur était attribué ainsi que la personne chargé de leur enseignement.

A sa grande surprise de nombreux élèves, probablement ses futurs camarades de classes, s'étaient inquiétés de voir que mademoiselle Saki était responsable de leur classe, elle qui avait la réputation de sanctionner ses élèves d’une manière peu orthodoxe.

Il ne devait pas aggraver son cas en se trompant de classe, ce qui lui ferait perdre un temps précieux.

Etant en première année de cours Taku n’avait pas encore pu mémoriser l'intégralité de la zone. Il était donc préférable de prendre le temps de mémoriser la route pour ne pas accumuler un retard supplémentaire. Taku décida donc de faire un rapide arrêt afin de s’assurer qu’il prendrait la bonne direction.

D’après ses souvenirs de la veille, la salle de cours se trouvait au deuxième étage du bâtiment le plus éloigné des dortoirs. Il allait devoir traverser tout le campus le plus rapidement possible.

Il s'arrêta rapidement dans le hall d’entrée afin d’examiner le plan de la zone.

Taku avait seulement quarante minutes de retard, ce qui lui donnait donc une chance d’arriver avant le début de la deuxième heure de cours.
Une aubaine pour lui, il pourrait ainsi limiter l’impact de son erreur.

Une fois le chemin le plus rapide en tête il se remit en route.

Avec tout ça je vais louper le choix des activités extra-scolaires … Avec la chance que j’ai on va me mettre à la gestion du potager ou un truc dans le genre.

En effet, malgré son manque évident de motivation pour se lever tôt, Taku avait pris la peine d’assister à la réunion d’information qui avait eu lieu le jour précédent à peu près à la même heure. Plus de trois cents nouveaux élèves y étaient présent, et elle avait duré un peu moins de deux heures.
Le but était principalement de présenter aux nouveaux arrivants leur université, ainsi que les différentes activités auxquelles ils participeraient en plus de leurs études.

Taku étant un des rares étudiants étrangers, il avait déjà eu l’occasion d’apprendre la plupart des informations qui avaient été données ce jour-là lors d’un rendez-vous avec une personne chargée de son orientation.

N’étant pas au fait d’une partie de la situation géographique du pays, ainsi que de la situation politique et donc des règles qu’il devrait suivre une fois là-bas, Taku avait eu le droit à une rapide explication avant de quitter la ville où il étudiait précédemment.

Le pays fonctionnait sous la forme d’une confédération de deux états, appelée plus communément Berzden.

Il y avait l’état de Schenkern qui regroupait toute personne ayant le titre de “magicien”, attribué à ceux dont le corps était sensible à la mana, quel que soit leur race. Le reste de la population était régie par l’état de Kungerken. Qu’il s’agisse de scientifiques, d’agriculteurs ou d’ouvriers, ils avaient tous les même droits. La ville où était arrivé Taku faisait partie des six citées majeures de Berzden, chacune dirigé simultanément par chacun des état, à l’aide d’un conseil d’une dizaine de personne pour chaque état.

Taku vivrait désormais à Keith, où on trouvait trois universités. Une sous le contrôle de Schenkern et deux contrôlées par Kungerken. Les deux états se partageaient la direction de la ville et s’étaient chacun vu assigner un district en ville. Officiellement, il n’y avait pas de conflit entre les deux états et les districts était facilement accessibles à toute la population. En réalité, certaines tensions chez les plus jeunes, principalement à cause des magiciens qui avaient tendance à prendre les autres de haut. Ils savaient qu’ils étaient supérieurs et ne cherchaient pas à le cacher.

Keith faisait aussi partie d’un regroupement de cinq citées au total, qui étaient disposées de manière à correspondre aux points d’un pentagramme, reliées par des murailles. En son centre on pouvait y trouver la capitale, où résidait une assemblée de personnes importantes censées diriger le pays. Ce pentagramme était au centre du pays, en dehors on y trouvait principalement des champs qui servaient à nourrir la population, ainsi que des villes d’une taille plus modeste.

Les deux états qui se partageaient le pouvoir du pays, à savoir Schenkern et Kungerken, avaient pour but de travailler ensemble afin de comprendre le monde dans lequel ils vivaient et surtout pour découvrir de nouveaux moyens d’exploiter les flux de mana, présents dans l’air ambiant, afin de faire avancer la technologie sur le continent entier. Pour atteindre ce but, les magiciens avaient fondé ce pays il y a plusieurs siècles afin de regrouper les plus grands esprits de l'époque, pour travailler ensemble. Les trois pays dominants à cette époque fournirent les terres et le soutien financier à la réalisation d’un tel projet, espérant connaître une importante avancée technologique par la suite.

Étant un des rares étudiants venant de l’extérieur du pays, Taku comprit rapidement qu’il devait s’estimer heureux d'être présent à cet endroit. Peu de personnes avaient la chance d’entrer dans ces murs, son admission tenait presque du miracle si on prenait en compte le nombre de candidats potentiels chaque année. Taku faisait partie de la septième génération d'étrangers à être admis ici en tant qu’étudiant. Après avoir passé des tests mesurant son QI à proximité de son village natal, il avait été admis dans l'école de la ville la plus proche. Une fois ses études générales terminées, Taku avait reçu un document, attestant de son admission à cette université. Le but était principalement de former des personnes dans les différents pays aux nouvelles technologies et sciences, afin de leur permettre par la suite d’aider au développement de ceux-ci.

C'était une chance unique pour Taku, qui était originaire d’une famille paysanne. Cependant il avait négligé le fait que toute sa motivation disparaîtrait le lendemain, après une bonne nuit de sommeil.

Enfin, et c'était justement ce qui inquiétait Taku et qui justifiait la panique dans laquelle il se trouvait, on lui avait exposé les différentes activités extra-scolaires qu’il devrait suivre au cours de ces cinq années.

Le but était principalement d’avoir une activité occupant une partie du temps libre, qui permettrait de s'épanouir personnellement et intellectuellement. Les possibilitées étaient nombreuses car la totalité de la vie de l’université était géré par les élèves eux même, et cela afin qu’il puisse se préparer à leur vie d’adulte en prenant des rôles implicants des responsabilitées.

Les professeurs n'étaient là que pour superviser le tout et gérer la partie scolaire de la vie des élèves.

Ce choix serait effectué lors de cette matinée, moment que Taku passait actuellement à courir dans des couloirs vides de vie.

Il n’avait pas de priorité quant à l’activité extra-scolaire qu’il effectuait mais il aurait cependant aimé pouvoir choisir une chose qui ne l’obligerait pas à fournir trop d’efforts.

Bon la prochaine heure n’a pas encore commencée, avec un peu de chance ils en sont encore aux présentations. Je devrais pouvoir m’incruster sans problème au début de la deuxième heure.

En un rien de temps Taku avait rejoint l’entrée de sa classe, mais cela avait laissé quelques séquelles sur sa santé physique.

Etant à bout de souffle après sa course effrénée à travers le campus il n’avait plus une once d’énergie et avait du mal à tenir debout. Il décida donc de se reposer quelques secondes, s’adossant à un mur pour soulager ses jambes.

Lorsqu’il releva la tête, il remarqua qu’une fille se tenait devant lui au niveau de la porte, la main posée sur la poignée. Elle le regardait d’un air intrigué comme si il était un être venu d’une autre dimension.

"Heuu, tu te sens bien ?"
"O-ouais … j’ai juste besoin de … faire … une pause."

Taku remarqua alors qu’elle était beaucoup trop jeune pour être une élève. D'après son apparence elle semblait avoir douze ans, ou peut-être moins.

Dans un premier temps il se demanda s'il était bien dans le bon bâtiment. Peut-être était-il dans la zone réservé aux jeunes élèves.
Cependant, après avoir pris le temps de réfléchir à la situation il réalisa qu’il n’y avait rien d’étrange à ce qu’une fille aussi jeune se trouve ici.
Elle avait des grandes oreilles de lapin recouvertes d’une fourrure bleutée, qui s’accordaient parfaitement avec la couleur de ses longs cheveux bouclés, eux aussi rappelant une fourrure touffue. Il comprit immédiatement qu’elle était issue d’un croisement de deux races, humaine et Nafeel. Taku n’en avait jamais vu. Les Nafeel étaient surtout présent dans les régions nords du continent, c’est à dire à l’opposé total de la région de laquelle il était originaire.

Par convention, on appelait les personnes issues de ces croisement des Nafeel ou des semi-humains.
Ce dernier était utilisé principalement pour désigner les personnes nées du croisement entre un humain et un membre d’une autre race, mais ayant hérité majoritairement des traits d’un humain. Ils avaient généralement une apparence quasi-humaine, avec des légères différences comme des oreilles étranges, une couleur de cheveux peu ordinaire ou des pupilles étranges souvent accompagnés d’une taille différente de celle d’un humain normal.

La plupart du temps, malgré un corps semblable à celui d’un humain lambda, leur capacités physiques étaient beaucoup plus développées, qu’il s’agisse de leurs sens ou simplement de leur force.

"Tu es en retard toi aussi ?"
"Oui ... je ne me suis pas réveillé."

Elle lui adressa un sourire mesquin.

"Pfeu, il faut vraiment être débile pour être en retard le premier jour."

Malgré sa petite taille elle parlait avec une certaine assurance, accentuée par son air hautain. Taku comprit qu’il ne devait pas faire l’erreur de la juger par son apparence de fillette.

"Oui, un peu comme toi en fait …."

Au lieu de s'énerver comme il l’avait pensé, la jeune fille sortit une feuille de son sac qu’elle pointait fièrement dans sa direction.

"Moi j’ai un mot d’excuse, pas comme toi pauvre idiot !"

Tsk. Elle commence déjà à m'énerver celle-là.

"C’est pas la peine de faire la fière parce que ton papa t’as préparé un mot."
"Pfeu !"

Elle détourna la tête pour se focaliser de nouveau sur la porte de la classe.

"Bon, dans tous les cas on ferait mieux de rentrer."

A peine avait elle finit sa phrase qu’elle ouvrit la porte.
Contrairement à Taku elle était complètement calme et entra d’un pas assuré dans la pièce suivi de son camarade. Après avoir refermé la porte ils s’excusèrent l’un après l’autre pour leur retard sous le regard pesant de leur professeur, mademoiselle Saki.

Elle jeta un rapide coup d’œil à la liste posé sur son bureau.

"Hatake Taku et … Murasaki Ao, c’est ça ? J’espère que vous avez une bonne raison pour expliquer votre retard."

Taku expliqua en toute honnêteté qu’il avait eu du mal à se réveiller, évitant tout contact visuel avec mademoiselle Saki. Elle ne semblait pas du genre à croire le genre d’excuse qu’il pourrait inventer dans un laps de temps aussi court.

Ao quant à elle tendit le mot d’excuse à son professeur lançant un regard moqueur à Taku du coin de l’œil.

Après l’avoir lu attentivement mademoiselle Saki le déchira ce qui laissa Ao sans voix.

"Ceci n’est pas une excuse valable Ao. t en plus je soupçonne ce mot d'être faux."

En voyant Ao prise de panique, qui bégayait alors qu’elle essayait d’expliquer en détail les raisons de son retard, Taku ne put s'empêcher de contenir son rire avant d'être interrompu.

"Bon, puisque vous avez l’air d'être des élèves modèles et matinaux, je vous inscris au comité disciplinaire. Rendez-vous là-bas ce weekend à six heures du matin."

Tout signe d’amusement disparu alors du visage de Taku.

"Tsk …"
"Un commentaire mademoiselle Murasaki ?"
"N-non … je suis très heureuse de pouvoir participer au bon fonctionnement de l’école, c’est un honneur de travailler au comité disciplinaire."

Après avoir accepté leur sort ils allèrent s’asseoir au fond de la classe. Les seuls bureaux libres semblaient être situés côte à côte ce qui obligeait Taku à rester à proximité de cette fille dont il ne supportait déjà plus la présence.

Et en plus je me retrouve à côté d’elle pour le reste de l’année …

"Moi aussi ça m’enchante pas d'être bloquée avec toi pour le reste de l’année. Quand je pense qu’une élève modèle comme moi se retrouve avec le pire des cancres."
"Tu peux parler avec ton mot d’excuse pourris ..."

Taku vit alors le visage d’Ao rougir au point qu’il se mit à la comparer avec une tomate, alors qu’elle faisait de son mieux pour éviter tout contact visuel avec lui.

Alors qu’elle avait fait de son mieux pour éviter tout contact visuel elle se tourna soudainement vers lui.
"M-m-mais pas du tout !! Et c’est la première fois que je suis en retard contrairement à toi ! Je suis sûre que t’es du genre à dormir tout le temps et à rien faire de tes journées ! I-idiot ! Abruti !"
"Silence au fond !"

La voix de mademoiselle Saki suffit à pétrifier aussi bien Ao que Taku, qui se redressèrent instantanément sur leurs chaises.

"Bon reprenons ce qu’on était en train de faire, c’est à dire l'élection du délégué de classe pour ceux qui n'étaient pas là."

Taku se sentit transpercé par les yeux accusateurs de mademoiselle Saki. Il craignait de devenir sa cible favorite dans les semaines à venir.

En levant les yeux en direction du tableau Taku remarqua qu’il y avait des noms inscrits, sûrement les candidats au rôle de délégué. Le genre de chose qu’on ne faisait que pour faire bonne impression aux yeux des autres élèves.

Il y avait trois personnes qui se présentaient en tout, deux garçons et une fille d’après les noms figurant au tableau. Taku ayant été absent il avait évidemment loupé les explications concernant le rôle de délégué, mais cela ne le dérangeait pas dans le sens où il ne comptait pas se présenter, la tâche ajoutant souvent du travail supplémentaire et inutile.

Il aperçut alors une personne se lever, puis se diriger vers le tableau.

J’aurais mieux fait de traîner un peu plus ça m’aurait évité des discours pleins de promesses inutiles.

"Et en plus j’arrive trop tard pour me présenter ..."

C'était Ao, qui semblait penser à haute voix.

Taku n'était pas vraiment surpris d’entendre ça, Ao lui avait bien fait comprendre qu’elle se considérait comme une élève modèle, et être délégué était en général le meilleur moyen de se le prouver.

Il ne put cependant s'empêcher de lui poser la question, sans réellement savoir pourquoi.

"Tu comptais te présenter ?"
"…"

Elle se contenta alors de le snober.

Il lui sourit en tentant désespérément de sauver les apparences, avant de se focaliser à nouveau vers la personne qui parlait au tableau.
Après de longues minutes, qui lui parurent être une heure entière, ce fut enfin au tour du dernier candidat de passer.

Les deux premiers s'était contentés de dire ce qu’ils comptaient faire au long de l’année, en y glissant au passage des promesses inutiles dans le but de s’attirer la sympathie de leurs camarades, mais Taku n’y avait pas vraiment prêté attention. En général un délégué n’avait que peu d’impact sur la vie de la classe, surtout en première année où les élèves se contentaient surtout de s'acclimater à leur nouvel environnement.

Au moment où Taku avait perdu espoir, il remarqua que le troisième candidat, ou plutôt candidate, se tenait au tableau.

"Bonjour à tous, mon nom est Shinohara Reiko."

En posant les yeux sur la fille qui se tenait face à la classe Taku oublia l’espace d’un instant la présence désagréable d’Ao ainsi que la façon désastreuse dont il avait commencé sa journée. Il avait face à lui une véritable poupée vivante, dont la peau blanche et parfaitement lisse renvoyait les rayons de soleil donnant l’impression qu’une aura divine l’entourait.

Ses longs cheveux noirs descendaient jusqu'à ses coudes de part et d’autre de son corps, les mèches situées à l’avant suivaient les courbes formées par sa poitrine, renforcée par son uniforme qui mettait en valeur le haut de son corps. Sa frange découpait son visage avec une précision millimétré afin de mettre en valeur ses yeux d’un violet presque artificielle. Tout en elle était supérieur à ce que Taku avait pu voir jusqu'à présent, on pouvait difficilement imaginer qu’elle était réelle.

Contrairement à Ao qui avait malgré tout un certain charme malgré ses airs de garçon manqué, cette fille saisit toute son attention en une fraction de seconde. Son rythme cardiaque avait augmenté de manière considérable,  lui donnant l’impression que le temps avait ralenti autour de lui.
Il lui fallut plusieurs secondes pour revenir à la réalité.

Une fois sa présentation terminée Reiko partit rejoindre son bureau, laissant mademoiselle Saki reprendre sa place. Taku ne savait pas combien de temps elle était resté là, il n’avait pas non plus écouté en détail ce qu’elle avait dit. Lorsqu’elle quitta son champs de vision, il put enfin reprendre progressivement conscience du reste de la classe.

Les trois candidats ayant fini leurs présentations chaque élève annonça tour à tour son choix. Taku et Ao votèrent pour Shinohara tout comme la majeure partie de la classe.

Le résultat final n'était pas surprenant aux yeux de Taku, qui avait été stupéfait par l’aura que dégageait Shinohara, qu’elle devait principalement à sa façon de s’adresser aux autres ainsi qu'à son physique angélique.

Au premier coup d’œil, Taku avait instantanément sentit qu’elle n'était pas une personne ordinaire.

Elle représentait exactement ce qu’on pouvait attendre d’une personne censée représenter ses camarades. On sentait qu’on pouvait lui faire confiance, et qu’elle pourrait assurer son rôle avec assiduité. Le résultat final n’avait donc surpris personne pas même la principale concernée.