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 le chemin des dames

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MessageSujet: le chemin des dames   le chemin des dames Icon_minitimeJeu 24 Juil 2008 - 20:06

Il pleuvait, il pleuvait sans cesse et c’était l’hivers et c’était la guerre.
Aucune raison d’amélioration.
Une gadoue gelée collait à mon uniforme.
Parfois, j’envoyais une lettre ou j’en recevais une de ma famille.
Certains vivaient pour ces lettres. Moi je lisais ou j’écrivais distraitement. Parfois je notais quelques informations, je prenais soin d’écrire que j’étais content, machinalement.
Depuis quelque temps déjà, les mots, les idées, les souvenirs, perdaient leurs significations.
Pour moi l’humidité des tranchées avait tout infiltré ou pourri. Je me levais, j’appliquais les ordres et si j’étais encore vivant le soir, je me couchais.
Un vide s’était installé au fond de mon cœur.
Au début, ce vide me paniquait.
Puis il est devenu presque doux, rassurant, comme cette gnole que j’avais au fond de ma besace.
Le monde cessant d’être, comment souffrir ? Pourquoi ce révolter ? au fond de mon trou je découvrais une sagesse toute orientale.
Ainsi je devenais intouchable : l’absurdité des ordres, les blessures ou le décès de mes compagnons. C’était comme une énorme loterie noire, sans but ni fin. Non, il n’y avait même pas l’idée d’un jeu, d’un jeu macabre, absurde. Seulement l’idée, vieille, ancienne d’une faux effectuant, indifférente et lasse, son travaille.
Je ne sentais, ni ne voyais, plus rien.

Pour l’homme en face je ne fus pas difficile à ajuster.
La douleur.
La douleur me rappela à la vie…..douloureusement.
J’avais mal.
Des brancardiers me transportèrent.
Chloroforme, la balle me fut retirée.
Douleurs, fièvre, soif, un bruit sourd comme la houle de la mer autour de moi.
Des passages, bref, rapide, précis.
Blanc, blanc des blouses, des cotons, des draps.
Je ne peux même pas fuir, ou oublier, avec cette gnole, qui d’ordinaire ne me quitte pas.
De force, je dois assister au fonctionnement de ce purgatoire et je compte les jours.

Un jour, je la vis .
Indiscutablement, elle était belle.
Je ne la décrirai pas.
Pourquoi d’écrire la beauté.
Qu’elle soit pour chacun un idéal, comme elle le fût pour moi.
Dans son regard, un sourire, doux, chaleureux, attentifs.
Que peut donner un regard ?
L’affection, la protection, l’intérêt, je pris tout, insatiable.
Que peut nous rappeler un regard :
L’attention d’une mére, la compréhension d’une maîtresse, l’amusement de nos voisines d’enfances.
En dépit de toute logique ce jour même, elle résuma mon monde.
Elle me rappela la plage, les champs en été, les roseaux dans les fleuves,
ma femme, mes enfants.
Si loin, ma famille était devenue transparente.
L’hôpital avait son sourire.
L’hôpital n’avait plus de murs, de mourants, de malheureux.
Une mariée offrait un boire.
Certes je savais le ridicule de la situation.
Trop autour de moi se lancaient dans des demandes de mariages,
des supplications amoureuses, des prières, sans espoir ou si peu.
Non, blessé, idiot, c’était suffisant.
Il restait seulement à s’appliquer à être un bon malade.
A sourire quant il fallait sourire,
plaisanter même, dernier héroïsme du combattant blessé.
Je n’ai pas mal, je possède encore tous mes membres,
je les sens encore, c’est tout.
Au fond je n’ai jamais cherché à être un bon soldat,
mais pour toi je serai un bon patient.
Je guérirais vite, tu verras.
Ce ne sera rien.

De fait, tu vas mieux et tu dois y retourner.
Que dire, qu’elle fut ta lumière.
Que tu n’as fait que l’attendre là-bas.
Que tu connaissais chacun de ses passages.
Et que chaque manquement te rendait fou de douleur ou de panique.
Que dire, tu ignores son nom,
Tu sais juste qu’elle a choisi d’être infirmière.
Qu’elle t’a soigné, comme elle a soigné et qu’elle soignera d’autres que toi.
Elle, elle a choisi sa mission.
A toi de repartir, pour toi, son rôle est fini.
Alors tu quittes l’hôpital, lentement,
pour garder le souvenir des ombres des arbres et
des bruits sur le graviers.
Tu quitte un asile, tu quitte son aile.
Maintenant tu es de nouveau sur la plaine.
Le ciel est gris, la terre est creusée de trou, parsemée de fils barbelés.
Tes camarades ont des regards de tombes.
Tu marches, tu ne sens rien, juste un peu d’humidité mais pas de ressentiment.
Tu marches, tu penses à elle.
En face, l’autre n’aura aucun mal à t’ajuster.

J’arrête d’écrire.
Mon plateau repas arrive, mes médicaments.
Je mets mon cahier de coté pour pouvoir manger.
Carotte, steak haché haricot, fromage tartare, pomme.
Demain je sors, je me promets le premier bistrot du coin.
Un navarin ou un confit, minimum.
Finalement ce sera une blanquette.
Me voilà seule devant ma blanquette et ma valise.
Que vais je faire ?
J’ai mes papiers, la liste des personnes à contacter.
Je n’y crois pas beaucoup.
J’ai forcé l’optimisme pour pouvoir sortir, sauf à passer ma vie à l’hôpital.
Un champs de ruine ne sera toujours qu’un champs de ruine.
Mais bon je suivrai les prescriptions et les recommandations.
Je repartirais aux combats.
Dans la rue, une ambulance passe toute sirène hurlante.
Nous sommes en 2008, et d’autres continuent à tomber
sur ce chemin.
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