merci à tous de votre passage et merci pour la correction des fautes (incroyable tout ce que j'oublie malgré les innombrablmes relectures
)
elgringo a dit:
- Citation :
- Citation:
Devant moi, un hurlement s’éleva. Une maison s’était totalement affaissée sur la rue, écrasant des malheureux.
Les phrases sont trop vagues. J'aimerais savoir comment est le hurlement, et combien de malheureux étaient là bas, et comment ils ont été écrasés.
Citation:
que nul ne pourrait plus rien pour elle.
ça ne lui vient pas à l'idée d'abréger ses souffrances ? (je suis peut être morbide, mais ça me semble être un acte de charité dans ce genre de cas...)
en fait, les deux relèvent de la même chose. Le "flou" un proccédé que j'utilise naturellement quand je veux mettre du mouvement ou une catastrophe avec au centre un personnage déboussolé et en pleien confusion. je trouve que ça aide à précipiter la lecture pour se trouver dans un état le plus proche possible de celui du personnage, dépassé, sans trop savoir où on est (OK, c'est ambitieux, mais qui sait, à force d'essayer, j'arriverai peut-être un jour à créer cet effet ^^).
Imagine que le chevalier, lui, se croit vraiment en pleine fin du monde. C'est comme si tout tournait autour du lui dans une ronde infernale de bruits et de visions concourants vers l'horreur. Il est brâve, mais quand même. Il n'a pas un sang froid particulièrement développer qui lui permettrait d'envisager la scène avec précision et présence d'esprit.
Et bien voilà, le post est peut-être un peu plus long que d'habitude car j'ai voulu aller jusqu'au bout. Ceci est la fin de la première partie...
N'hésitez pas à me donner votre avis sur l'ensemble.
Pour la suite (qui est écrite jusqu'au bout), je ne pense pas la mettre maintenant à moins qu'on ne me la demande. je vais déjà m'occuper de corriger tout ça grâce à votre aide, et prendre le temps d'aller lire d'autres personnes.
__________________________________________________________
CHAPITRE 16
Les enfants balayaient le sol de leur lampe pour retrouver la trace du chat. Ils ne virent que sa queue semblant s'enfoncer dans le lourd pavage. En s'approchant, ils constatèrent qu'une grosse dalle était fendue et privée d’un de ses coins. Des restes de cordage rongé par le temps semblaient jaillir de sous cette dalle. Théo glissa le bras dans l’ouverture laissée dans l’angle cassé.
- C'est vide en dessous, constata-t-il.
Frédéric s'accroupit à son tour pour passer la main par le trou.
- Un courant d'air. Il y a quelque chose là dessous. Un passage, une pièce secrète, peut-être.
- On y va ! S'enthousiasma aussitôt Théo.
- Pas question, nous avons déjà trop pris de risques comme ça.
- Belzébuth y est, protesta Léa. Et puis, c'est du solide ici. Pour une fois qu'on passe des vacances amusantes. Papa, peut-être que personne n'est jamais venu ici avant nous. Imagine, quelle découverte ! Tu n'as pas envie d'être le premier à découvrir les merveilles et les secrets de ce château ? Ce sera un peu comme si c'était ton château. Sinon, ils vont mettre combien de temps, les gens des monuments historiques, pour s'y intéresser et trouver de l'argent pour s'en occuper ? En plus, il y a peut-être un trésor quelque part.
Si la dernière remarque était puérile, pour le reste, Léa connaissait bien son père. Il devait déjà rager d'avance à l'idée que les autorités ne s'intéressent pas à la découverte à sa juste valeur. Ce château promettait d'offrir de magnifiques surprises mais sa situation indiquait aussi que cela coûterait cher. Frédéric mourrait d'envie d'en découvrir davantage, de percer les secrets de ce lieu inattendu. Qui savait ce qui se cachait sous le dallage de la crypte ? Il regarda sa femme et devina, à l’éclat que la torche découvrait dans ses yeux, qu’elle avait autant envie que les enfants de percer le mystère.
De toute façon, pensa Frédéric, il serait bien incapable de soulever la lourde pierre. Puis, il avisa l'énorme anneau de fer ancré dans la pierre et, tout proche, une grosse barre, de fer elle aussi, posée à même le sol. Un levier. La barre était sûrement là pour ça.
- Regarde, dit soudain Julie.
Elle montrait, à l'aide de la torche de Théo, une sorte de banc de pierre à proximité immédiate de la trappe. Frédéric comprit : c'était le point d'appui pour le levier. Toutes les pièces étaient là pour jouer les Indiana Jones. C’était trop tentant. Il glissa la barre dans l'anneau, la cala sur le banc, puis pesa à l'extrémité de tout son poids en se demandant si la rouille n’allait pas rompre le fer. Mais la barre et l’anneau tinrent bon. La dalle sembla frémir. Il mit toutes ses forces pour appuyer à nouveau sur le levier. Cette fois, la pierre bougea. Alors, Julie se joignit à lui et ils parvinrent enfin à soulever la lourde pierre.
L'ouverture était noire, noire comme un four, noire comme un puits sans fond. La faible lueur de la lampe de Théo s'y perdait, absorbée par la profondeur de d'obscurité. Julie frissonna. Belzébuth restait invisible. Frédéric prit la torche de Léa et la pointa vers le rectangle sombre. On y voyait maintenant le début d'un escalier ou plutôt une échelle de bois.
- Cette fois, dit-il découragé, notre exploration s'arrête là. Pas question d'aller plus loin. Une échelle en bois de cet âge… Elle doit être complètement pourrie. C'est trop dangereux.
- Mais mon chat, pleurnicha Théo.
- Non, Théo ! Ça suffit !
A ce moment, on entendit un miaulement déchirant s'élever du trou. Théo bondit, échappa à son père qui tentait de le rattraper. Avant que quiconque ait pu l'en empêcher, il descendait l'échelle vers les profondeurs obscures.
- Mon Dieu, Théo. Théo, remonte, appela Julie, horrifiée de voir disparaître son petit garçon dans ce gouffre noir.
Léa était restée au bord du trou qu'elle considérait gravement. Elle déclara soudain :
- Si c'est dangereux, il faut aller le chercher. On ne peut pas le laisser tout seul. Si vous avez peur, moi j'y vais.
Elle joignit aussitôt le geste à la parole, prenant elle aussi ses parents de court.
Ceux-ci, dépassés par les événements et la rapidité avec laquelle tout s'était enchaîné, restèrent un instant sans réaction puis Frédéric gémit :
- C'est pas vrai. Ces enfants me rendront fou. Il ne reste plus qu'à aller chercher des secours.
A sa grande surprise, la voix de sa femme était très ferme :
- Pas question !
- Mais, si c'est dangereux. S'ils ont besoin d'aide pour sortir de là. Ce serait plus prudent.
- Tu ne comprends pas. Nous étions perdus au milieu de nulle part. Combien de temps faudra-t-il pour trouver de l'aide ? S'ils sont dans un endroit dangereux, il n'y a pas de temps à perdre. Alors allons-y. Soyons prudents mais allons-y, tous les deux. Pour être franche, je ne crois pas que nous courions vraiment un danger. Ecoute.
Il prêta l'oreille et reconnut la voix étouffée de Théo appelant Belzébuth.
- Maudit chat, grogna Frédéric, pourtant soulagé d'avoir entendu son fils.
Il regarda sa femme s'enfoncer à son tour dans les profondeurs secrètes du château. C'était à lui. Il mit la lampe de Léa qu'il avait gardée dans sa bouche et entreprit de descendre l'échelle. Le rayon lumineux frappa l'échelon supérieur juste au niveau de son regard. Surpris, il lâcha l'échelle d'une main et passa les doigts sur le barreau. Ses yeux ne l'avaient pas trompé. Ce n'était pas une simple tache sur le vieux bois, c'était une inscription qui y avait été gravée. Celui qui l'avait écrit était dans le même sens que lui, sur l'échelle. En train de descendre ? Se demanda Frédéric. Il trouvait l'inscription tremblante, comme faite d'une main pressée, affolée. Mais sans doute se faisait-il des idées. Comment déceler la peur dans quelques lettres gravés à la va-vite plusieurs siècles plus tôt ? Non, rectifia-t-il mentalement, ce n’était pas des lettres. Il s'agissait de chiffres romains. Une date sans doute : MCCCLXXI. 1371. Presque sept siècles. Un frisson lui parcourut l'échine, comme si cette date avait un sens spécial pour le château, comme si c'était un chiffre maudit. 1371 avec une petite croix à côté. Que diable s'était-il passé ici en 1371 ?
Il descendit de deux mètres environ et eut conscience, en entendant sa famille en dessous de lui, qu'il en restait facilement autant. Non, plus, jugea-t-il. Il progressait dans une espèce de boyau, l'échelle fixée au mur d'un côté, l'autre paroi à moins de cinquante centimètres de son dos. Un craquement. Il frissonna en retenant son souffle, tous les muscles figés. Le barreau avait bougé dans sa main comme s'il faiblissait sous son poids. Il fallait que l'échelle tienne, absolument. Le craquement reprit, courut tout le long du bois, de plus en plus sinistre.
Bien sûr, se prit-il à penser. Le bois était très abîmé après toutes ces années et le passage de Julie et des enfants l'avait fragilisé davantage. Maintenant lui, plus lourd, pesait à son tour sur la fibre pourrie. Le fragile escalier ne tiendrait pas. Lorsqu'il en prit conscience, il voulut remonter. Il fallait chercher des secours, ne pas se retrouver tous prisonniers, bloqués au fond de ce trou. Il saisit vivement l'échelon supérieur, le sentit céder au moment où il y prenait appui. Il voulut se récupérer, attrapa un montant, entendit le craquement reprendre, plus long, plus sinistre, déchirant l'angoissante obscurité. Et il tomba. L'échelle avait failli. Le bois pourri n'avait pas supporté le passage de l'homme. Brusquement désagrégé, le léger escalier s'effondrait tout entier. Frédérique se sentit partir. Il fit tout son possible pour freiner sa chute, se retenant aux parois rocheuses irrégulières. Heureusement, l'étroitesse du boyau lui permit de se ralentir. Le choc avec le sol lui coupa le souffle et le laissa un instant étourdit mais il sentit rapidement qu'il n'avait rien de cassé. Il s'en tirait avec des bosses, des hématomes et des écorchures faites par les roches saillantes qu'il avait heurtées dans sa chute.
Julie et les enfants s'étaient précipités.
- Frédéric, est-ce que ça va ? Tu n'as pas de mal ?
Frédéric leva la tête, regarda le carré vaguement lumineux à plusieurs mètres au-dessus d'eux, inaccessible. Il répondit sombrement :
- Si ça va ? On peut dire ça. Pour l’instant...
CHAPITRE 17
Cela avait paru naturel à chacun. C’était moi qui avais été leur guide et je me sentais investi d’un devoir divin. Notre Seigneur Tout Puissant ne m’avait pas envoyé par hasard en cet endroit, en cet instant. En abandonnant ses gens, Geoffroy de Païl, sire de Sollagnac, avait fait preuve de couardise et n’avait pas rempli les devoirs sacrés de son ordre. On ne lui ferait aucun mal : les gueux du pays respectaient trop la noblesse pour cela. Les révoltes parisiennes étaient bien loin. Mais on chuchotait sans retenue que Païl et ses marmots étaient tous sorciers et damnés, que c’étaient eux qui avaient fait revenir la Malédiction.
A la force de nos poignets, surgit un nouveau village, Vulcanus que l’on avait vite surnommée la Cité des Cendres car elle était née de la destruction de Sollagnac et d’un monde corrompu. Une cité nouvelle pour mieux y suivre les préceptes divins, une cité d’où le péché serait banni.
J’y croyais. Je croyais que je serais un chef parfait, que je serais digne du titre de Comte de Vulcanus que mes compagnons m’octroyèrent moitié par respect, moitié par plaisanterie. Je croyais qu’il me suffirait d’être bon chrétien, que tous les hommes sauvés par la main de Dieu ne pouvaient qu’être bons. Qui connaît Ses desseins ? Je croyais que je saurais recréer un Clergé plus vigilant, plus juste, qui écouterait les enseignements du Seigneur.
C’était il y a longtemps… Trop longtemps.
CHAPITRE 18
Il ne fallait pas se laisser envahir par la peur, absolument pas. Il ne fallait pas penser qu'ils étaient prisonniers, plusieurs mètres sous terre, enterrés vivants. Il ne fallait pas se souvenir que personne ne semblait venir dans ce coin perdu et qu'aucun ami ni famille ne savait où ils passaient leurs vacances. Heureusement, ils avaient mangé très peu auparavant. Leurs estomacs pleins pourraient tenir un certain temps. La roche était humide à cette profondeur mais y avait-il de l'eau ?
Frédéric passait toutes ces questions en boucle dans sa tête et la situation devenait de plus en plus angoissante. C'était lui qui avait fait s'effondrer l'échelle. Il était responsable de cette dramatique situation. Ils allaient tous mourir ici, de façon horrible, et personne ne saurait jamais ce qu'il était advenu d'eux. A moins que d'ici quelques années ou quelques siècles, on découvre par hasard les ruines du château et qu'on les explore. Mais alors, songea Frédéric, morbide, ils ne trouveront de nous que des squelettes.
- C'est un couloir, annonça Julie qui était partie en exploration avec la lampe de Léa.
Julie était une battante, pensa son mari. Elle ne se décourageait jamais. S'il y avait un seul moyen de sortir de là, elle le trouverait.
- Une sorte de tunnel, expliquait-elle. Les murs sont consolidés avec des pierres taillées, bien agencées, le sol est stable et empierré lui aussi. Ça mène certainement quelque part. Je ne me suis pas beaucoup avancée mais j'ai entendu Belzébuth miauler beaucoup plus loin. Tu te souviens du courant d'air que tu as senti sous la dalle, dans la crypte ? Il y a une issue à ce couloir, c'est sûr.
- C'est vrai. Tu as certainement raison. Venez les enfants.
Théo releva la tête en reniflant. La chute de son père lui avait fait très peur et depuis, il sanglotait à chaudes larmes. Il se sentait coupable. C'est lui qu'ils avaient suivi. Surtout, il avait peur. Au début, jouer à l'aventurier l'avait amusé. Mais maintenant, il n'avait plus envie de faire comme dans un film. Il aurait préféré se réveiller chez lui, dans son lit ou même à l'école. N'importe où mais pas dans ce souterrain. Et s'ils trouvaient des araignées géantes, des serpents et des squelettes menaçants, comme dans les histoires pour faire peur à la télé ? Il était terrorisé.
Pour une fois, sa grande sœur ne profitait pas de son désarroi pour se moquer. Au contraire, elle le serrait dans ses bras à l'étouffer. Elle aussi avait peur. Pour elle, pour ses parents et surtout pour son petit frère. Elle se rendait compte combien elle l'aimait, même s'ils se chamaillaient sans cesse.
Les Mariey se mirent en route, suivant l'obscur tunnel. Que ce dernier soit si visiblement bâti et soigneusement aménagé de main d'homme, était rassurant. Puis bouger, agir, leur redonnait du courage.
Le couloir semblait ne jamais devoir finir. Ils avaient éteint les lampes pour ne pas user les piles qui disposaient sûrement, dans des appareils de cette piètre qualité, d'une très courte durée de vie.
Frédéric recommençait à broyer du noir et Théo qui n'osait se plaindre d'avoir mal aux jambes, sentait revenir les larmes. De temps en temps, il hoquetait, un petit sanglot passait malgré lui et il serrait plus fort la main de Léa.
Devant eux, Julie avançait avec une détermination obstinée. Elle se guidait de la main le long de la paroi humide et, parfois, un miaulement toujours aussi éloigné devant elle lui indiquait que le chemin se poursuivait. Elle espérait que l'instinct du chat les guidait vers une issue.
Tout à coup, au détour d'un brusque tournant, elle vit la lumière. Elle était faible encore, bien lointaine mais dans l'obscurité totale, elle avait le goût de l'espoir et de la liberté.
- Là, cria Julie aux siens, la sortie ! Nous y sommes.
Théo et Léa se ruèrent comme des fous vers la lumière. Celle-ci, de plus en plus forte, devenait aveuglante après ce long chemin dans le noir. Les enfants s'immobilisèrent et les parents ne virent plus que leurs petites silhouettes noires, à contre-jour dans l'ouverture du tunnel. Ils se tenaient là, main dans la main, à regarder ce sur quoi s'ouvrait le couloir. Leurs parents les rejoignirent et stoppèrent à leur tour. Les yeux plissés dans la lumière, étourdit par la vision inattendue qui se révélait devant eux, Frédéric fit un pas en avant.
- Ca alors, s'exclama-t-il sans trouver d'autre mot. Ça alors!
CHAPITRE 19
J’avais tout prévu, croyais-je, pour que notre société soit parfaite, pour que chacun y ait sa place et en soit satisfait. J’avais fait au mieux pour équilibrer pouvoir temporel et spirituel. Ce que nous avions vécu ensemble devait nous rapprocher assez pour que le respect l’un envers l’autre guide notre vie. Mais tant d’années se sont écoulées. Les hommes oublient vite. Aujourd’hui, la Malédiction n’a plus de sens, personne ne l’a vécue. On ne parle de l’Evénement, comme on l’appelle désormais, que sans plus de certitude ni de crainte que Sollagnac n’évoquait jadis sa légende.
Je doute. Je ne sais plus si j’ai eu tort ou raison. Est-ce moi qui les ai conduits au chaos ? J’étais naïf. Je croyais avoir ressuscité le Paradis Terrestre. Et si mon Jardin d’Eden n’était en fait qu’un des visages du Purgatoire ?
Tant que mes compagnons ont vécu, j’ai tenu la vie de Vulcanus tout entier entre mes mains. On me laissait tous les droits, tous les pouvoirs, on me vénérait presque. Et j’aimais cela. Oh, misérable pécheur que je suis. J’ai si bien cru être l’objet de la Main de Dieu que j’ai fini par me substituer à Lui. J’en paie le prix. Cette folie a obscurci mes yeux et lorsque je perdis l’un après l’autre ceux qui m’avaient si bien aidé, je n’ai pas compris que mon temps était révolu. J’ai continué à me croire tout puissant alors que d’autres, subrepticement, œuvraient à prendre le vrai pouvoir.
L’évêque Pierre. C’est lui la cause de tout cela.
Cet homme que j’appelle Judas, cet homme du sang de mon ami Loup - puisqu’il est le fils de son fils - cet homme à qui, tout enfant, mon Aude a appris à lire…
J’ai créé pour lui ce titre, Evêque, pour symboliser la plus haute autorité religieuse de notre petite communauté. Il était censé m’aider à gouverner, me guider pour m’éviter des erreurs, être ma conscience, rien d’autre.
Mais il a su leur faire croire à tous, tous ces ignorants, qu’il connaissait les Ecritures mieux que moi, que lui seul en déchiffrait le sens. Il légitime tous les excès de zèle, toutes les inquisitions, tous les sacrifices. Il évoque le nom d’un Dieu que je ne reconnais pas. Lui qui n’a lu de sa vie qu’une Bible, un livre d’heures et une vie des Saints. Dans ses paroles, dans ses sermons qu’il déclame avec morgue devant mes sujets, il me fait passer pour un mauvais chrétien, ignorant de la Vraie Foi. Moi, moi qui ai tenu à donner une place de choix à la religion dans nos vies, moi qui étais le plus croyant de tous mes compagnons, moi si pieux ! Il ose et il est écouté.
Je vais mourir sans savoir ce que deviendra mon rêve, mon œuvre, mon Paradis déchu. Qui que tu sois, toi qui me lis, qui découvre cet écrit en un temps que je ne connaîtrai jamais, si tu vis, c’est que tes pères, jadis, au temps de l’Evénement, étaient des Justes. Que Dieu fasse que tu le sois aussi, plus que ceux d’ici. L’évêque Pierre a édicté des règles nouvelles et dures contre lesquelles je ne peux rien. Il a interdit que l’on s’intéresse au passé, à l’extérieur. Il a interdit également que l’on essaie de s’y rendre. Quitter Vulcanus - ou essayer seulement -est passible de mort. Ils sont d’accord, tous, les cinq familles nobles de Vulcanus, les Mendel, les Vorste, les Lase, les Païl aussi et même les Cassière, nés de mon sang. Ils sont d’accord et ils m’écartent.
Je mourrai seul, abandonné comme un vieux chien inutile, moi qui ai tout construit ici, qui leur ai permis d’exister, qui était naguère presque un Dieu. Ils se perdent à leur tour, tels les hommes de ma jeunesse. Lecteur, mon ami, sois sage et viens leur en aide. Je sens la vie me quitter. Je vais cacher ce manuscrit avec soin. L’évêque ne doit pas l’avoir. Il le détruirait comme il a détruit presque tous les livres que nous avions sauvés de la catastrophe. Les rares qu’il conserve, il en interdit l’accès à tout autre que lui. Il prétend que la connaissance est péché, que les laïcs ne doivent pas savoir lire ni connaître les mystères des livres qui risqueraient de les pervertir. Il sait qu’ainsi, ils ne pourront rien contre lui, que lui et ses successeurs resteront les maîtres. Oh, mon Dieu, mon Dieu, ils ne savent pas ce qu’ils font. Mon Dieu, pardonne-leur.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE
Merci de votre fidélité