Projet : La Horde de la Kirin

Etsuko ferma quelques instants les yeux, savourant la chaleur de l'eau avant de répondre.
— Je vous ai déjà raconté l'histoire de la Reine Qi-lin ?
La petite fille tourna la tête vers Etsuko, les yeux grand ouvert.
— Non, c'était qui ?
— Une puissante guerrière qui a dirigée mon peuple, il y a bien longtemps.
Les yeux de Miyuki commencèrent à briller. Une histoire de femme guerrière, elle ne pouvait qu'aimer ça.
— Allez raconte moi, raconte moi !
Etsuko caressa doucement les cheveux de Miyuki, amusée par l'impatience de la petite fille, puis elle commença à parler d'une voix douce.
— Alors que le monde était encore jeune et que tes ancêtres n'habitaient pas encore les terres du Godai, les hardes de cavalier se disputaient les terres allant de la mer des glace aux montages de l'échines.
— Mais, c'est là qu'est notre clan? remarqua Miyuki.
Etsuko acquiesça silencieusement avant de reprendre son récit.
— La plus grande de ces hardes était menée par une femme que tout le monde appelait la Qi-lin. Elle dépassait en taille le plus grand des guerriers, était aussi belle que la lune, mais plus indomptable qu'une jument sauvage.
— C'est quoi une jument ?
— C'est la femelle du cheval, un animal que les cavaliers utilisent pour ce déplacer, répondit Etsuko.
— Ils montaient sur des animaux, mais c'est dégouttant ! s'exclama Miyuki.
C'était quelques choses d'incompréhensible pour la petite Miyuki. Les habitants du godai, en particulier les nobles, convaincu de leurs supériorités sur le reste du monde considérait que toucher ou même s'approcher d'un animal étaient un acte ignoble et déshonorant. Seuls les chiens étaient considérés un peu mieux, mais leurs maîtres étaient toujours perçu comme des êtres repoussants avec des mœurs étranges et malsaines.
— Ils le font toujours, mais vous voulez que je raconte l'histoire ou vous préfèrée discuter ?
Miyuki baissa la tête, laissant échapper un petit gémissement, avant de répondre.
— Je veux l'histoire.
— Très bien, je continue alors, commença Etsuko. Tous les hommes en âge de se marier rêvaient de devenir son compagnon, mais aucun n'avait assez de valeur à ses yeux. Ils étaient tous trop faible et à chaque fois que l'un d'entre eux se présentait, la Qi-lin l'affrontait à l'arc et sortait victorieuse, toujours libre.
Tout en parlant Etsuko peignait doucement les cheveux de Miyuki pour s'assurer de bien les laver. La petite fille n'aimait pas ça et essayait d'échapper à se traitement, mais n'osait pas trop bouger de peur que la favorite n’arrête de raconter l'histoire.
— Les membres de la Harde de la Qi-lin s'inquiétaient de la voir vieillir solitaire, mais la jeune femme ne souhaitait qu'une seule chose : découvrir et conquérir les terres fertiles par delà les montagnes de l'échine et la foret de Jade, mais ces terres étaient habités par le petit peuple appelé Zunoki.
Miyuki tourna un regard interrogateur vers Etsuko, mais cette fois ci ne posa pas la question qui lui brûlait les lèvres.
— Les zunokis étaient faibles, petits, mais nombreux, la Qi-lin savait qu'elle ne pourrait jamais conquérir les terres dont elle rêvait avec la seule force de sa harde et alors que l’hiver s'installaient, elle décida de partir en guerre contre les autres hardes parcourant les steppes. Elle soumettait chacune des hardes qu'elle rencontrait. Il ne lui fallut que cinq ans pour devenir la reine des hardes et de la steppe.
Les yeux de Miyuki brillait de plus en plus d'excitation.
— Alors son regard se porta de nouveau vers le sud et aux premiers jours du printemps la gigantesque harde de la reine Qi-lin s’enfonça dans la foret de jade. Pas un homme, pas une femme en âge de se battre et capable de monter un cheval ne resta dans les steppes . Les villages et les villes Zunokis furent incendiés puis rasés. Des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants essayaient de fuir vainement les cavaliers qui les rattrapaient avant de les massacrer sans pitié. La Qi-lin voulait ces terres et personnes d'autres que son peuple ne pourrait y vivre.
Miyuki porta une main à sa bouche essayant de cacher son étonnement et sa peur devant les mots d'Etsuko.
— Mais, plus le temps avançait, plus les zunokis se battaient férocement et plus la harde avait du mal à avancer. La Qi-lin était pleine de colère alors que ses plus proches conseillers essayaient de la convaincre de rebrousser chemin et de réclamer la paix. Une partie de la Harde ne voulait plus avancer et commença à se disperser sous les ordres de cavaliers pour s'installer sur les terres qu'ils venaient de conquérir. Voyant la son rêve lui échapper, la Qi-lin réunit ses fidèles cavaliers et décida de mener un dernier combat, de briser une dernière fois les défenses des Zunokis ou de mourir en essayant.
Etsuko laissa passer quelques secondes, juste le temps pour que la petite fille commence à s'impatienter avant de reprendre.
— Le combat eut lieu à l'aube. Les zunokis avaient rassembler tout ce qu'ils leurs restaient de guerrier et ils étaient trois fois plus nombreux que les cavaliers de la Qi-lin, mais ce n'était pas suffisant pour effrayer la reine qui s’élança la première vers les rangs adverses, faisant pleuvoir la mort avec son arc. Le combat dura des heures et la terre comme le ciel finirent par devenir d'une couleur pareil à celle du sang. Son cheval mort depuis longtemps, la Qi-lin affrontait dans la boue ses adversaires, égorgeant et éventrant les soldats zunokis de ses lames et au cœur de la mêlé elle rencontra le roi.
Nouvelle pause, alors que Miyuki semblait retenir sa respiration.
— Il était presque aussi grand qu'elle, un géant parmi son peuple et ils s'engagèrent dans un duel. La bataille sembla s’arrêter et le silence se faire sur la plaine. Tous regardaient les deux combattants dans leurs danses de lames. Ils paraient, ils attaquaient, mais la souplesse et la sauvagerie de la Qi-lin lui donna l'avantage. Elle évita une attaque qui aurait put la couper en deux puis plongea enfonçant l'une de ses lames dans la gorge du roi qui tomba à genoux avant de mourir. La reine poussa un hurlement sauvage alors que le ciel au dessus d'elle était devenue noir à cause des dernières flèches zunokis.
— Elle est morte ! s'écria Miyuki.
— Personne n'aurait peut survivre à la colère d'un peuple cherchant à venger son roi, ni la Qi-lin, ni les Zunokis qui furent tous massacrer après ça. Les hardes de cavaliers s'établirent sur ces terres dont ils s'étaient emparé. Ils érigèrent de grandes statues à la gloire de la reine Qi-lin et sa légende est perdurent toujours parmi les cavaliers du nord.
On n'entendait plus que le bruit du feu qui s’éteignait doucement sous ma baignoire. La petite fille souriait heureuse d'avoir entendu cette histoire et Etsuko se pencha pour déposer un baiser dans ses cheveux.
— Allez, il est temps de sortir de l'eau et de continuer à se préparer.
Etsuko déposa la petite fille sur le sol, avant de sortir à son tour et d'aller chercher un morceau de tissue pour essuyer vigoureusement le corps de Miyuki.
— Pourquoi est-ce que tout le monde l'appelait la Qi-lin ? demanda la petite fille.
— Parce qu'elle était belle, sauvage et qu'elle commandait aux hommes et aux bêtes, comme la Qilin, une créature mère de toutes les autres.
— Elle ressemblait à quoi ?
Etsuko prit quelques instants pour réfléchir. Comment d'écrire un animal à une enfant qui n'avait jamais côtoyé que des humains ?
— Grande comme un homme, elle marche à quatre pattes et a une corne comme une branche de cerisier sur le front.
— Elle devait être horrible à regarder.
— Non Miyuki-Chan, la Qilin est magnifique, comme vous le serez adulte.
La petite fille regardait Etsuko visiblement peu convaincu. La favorite prit dans ses bras la petite fille toujours enveloppé dans du tissues et sortis de la pièce, se dirigeant droit vers sa chambre, aucunement gênée par sa nudité.

Un silence pesant planait sur la salle à manger. Les hommes étaient graves et même la présence des femmes ne semblaient pas vouloir égayer le repas. Etsuko était assise à gauche du daimyo, le servant encore une fois en saké alors qu'il mangeait. Une dizaine d'autres samouraïs se trouvaient assis en tailleur autour de la table, derrière eux leurs compagnes s'assuraient qu'ils ne manquaient de rien, ne mangeant que lorsqu'elles en avaient le temps. Etsuko savait qu’un tel silence de la part de son seigneur et de ses guerriers étaient mauvais signes. Dans sa harde d'origine, elle aurait été mise au courant et surtout impliqué dans les décisions difficile, mais ici les femmes n'étaient concernés que par le bien être de leurs maris ou amants.
Etsuko n'aimait pas voir le visage laid du daimyo aussi sombre et inquiet. Elle l'aimait, bien plus qu'elle ne l'aurait crue possible quand elle avait été amené ici pour devenir l'une de ses concubines. Bien sur il était repoussant, mais la valeur d'un homme ne se mesurait pas à la beauté de son visage. Soudain elle sentit la main du daimyo se poser sur sa cuisse, caressant sa peau entre les plis de son kimono.
— Mon seigneur, la voix d'un des samouraïs brisa le silence. Laissez-moi défier le général du clan Hi.
L'ambiance sembla se faire encore plus lourds dans la pièce, tout le monde retenait son souffle, évitant de croiser le regard du daimyo en attendant qu'il prenne la parole pour répondre à son samouraï. Etsuko elle n'hésitait pas à regarder le daimyo, son regard s'était fait encore plus sombre et surtout la colère se lisait dans ses yeux.
— Me crois-tu assez vieux pour avoir oublier la voie du vent ?
Il avait parlé doucement, presque un murmure qui résonna pourtant aussi fort qu'un coup de tonnerre dans la pièce. A droite du daimyo, Akihiko avait poser sa main sur le manche de son katana. Grace à son statut de Yojimbo il était le seul à avoir eut le droit de garder son daisho pendant le repas, même le daimyo avait déposé ses armes en entrant dans la pièce. Le samouraï fautif s’empressa de se baisser autant qu'il le pouvait.
— Je ne voulais pas vous offenser mon seigneur, veuillez accepter mes excuses.
— Je vous pardonne, l'heure n'est pas aux châtiments, mais à la préparation.
La salle sembla respirer de nouveau. Le pire avait été évité. Etsuko déposa la bouteille de saké, avant de saisir sa paire de baguette pour piocher un peu de riz dans le petit bol devant elle.
— Nous ne savons pas si le général acceptera le duel, intervint Mamura, le vieux conseiller.
— C'est le général O-Hideaki, il a la réputation d'être un combattant honorable et respectueux du Bushido.
Un autre samouraï avait prit la parole, un petit homme à l'autre bout de la pièce. Il avait une longue moustache dont les bouts semblaient remonter vers ses oreilles. Etsuko trouvait ça un peu ridicule, mais elle se gardait bien de le dire.
— Un général honorable ne nous aurait jamais attaqué par surprise, ni par la mer, remarqua un troisième samouraï qui était borgne.
La discutions commençait à s’enflammer et toutes les femmes présentes, hormis Etsuko, avaient battue en retraire, restant juste assez proche pour arriver rapidement si leurs maris les appelaient. La main du daimyo était remonté le long de la cuisse d'Etsuko, s'approchant de ses pétales, faisant monter le rouge aux joues de la favorite alors qu'elle essayait de rester de marbre pour que personne ne surprenne les attouchements dont la gratifiait le daimyo.
— Samouraï, la voix puissante d'Akihiko résonna dans la pièce. Vous oubliez où vous êtes !
De nouveau le silence se fit et les femmes revinrent à la table.
— Discuter pendant des heures ne servira à rien, commença le daimyo. Les préceptes de la voie du vent sont clairs, seuls les actes comptes.
Le daimyo leva son verre de saké, les autres hommes limitèrent avant d'hurler leurs accords et de boire cul leurs verres d'une traite.