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 A.L.E Alternative Life Experience

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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 12 Nov 2010 - 8:00

Pas mal ! ça bouge beaucoup !

-soupira Eo, un peu inquiet tout de même: la virgule est superflue
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeJeu 18 Nov 2010 - 14:30

Quelques titres de mangas ? ... et bien... euh... quel genre ? Very Happy Il y a tellement de types différents... et surtout une "bande dessinée" ne vas pas vraiment t'aider à décrire un combat avec des mots... enfin

Des classiques à recommander pour un bon scénario tu as Monster et Death note ; pour de belles scènes de combat, des personnages attachants et une histoire correcte tu as Naruto, Bleach aussi...

C'est très générique ce que tu me dis là, si tu peux affiner ta requête, je pourrai mieux te répondre ^^

Le chapitre d'aujourd'hui est bien fait, la glissade m'a fait sourire Smile


Citation :
Je crois que je n’arrive pas à accéder aux avances rapides.
pas besoin de "je crois" je pense.

Citation :
Bref, on a dû louper la sortie.
pareil, pas besoin de "bref"

Citation :
— Elle est au fond de la mine.
euh... qui parle là ?

Citation :
En contrebas, l’entrée d’un tunnel paraissait inaccessible
J'ai du mal à visualiser ça.

Citation :
— Y a-t-il une application pour ça ? gloussa-t-il.
Une blague sur les Iphone ? C'est peut être anachronique dans ton livre... Razz

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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 19 Nov 2010 - 9:04

Bonjour,

Un tout grand merci pour votre aide et vos remarques.
@Elgringo : je vais commencer par jeter un oeil aux mangas que tu me suggéres et puis j'affinerai ma question si besoin. Pour"l'application", ce dialogue se déroule en 2025....donc dans 15 ans seulement. Si je ne m'abuse, Sony vient seulement d'annoncer la fin de la production des Walkmans après 30 ans de bons et loyaux services....Je l'utilise juste comme une expression moderne tout comme "check", il est certain que dans 15 ans nous aurons inventé autre chose mais je ne tiens pas a inventer de nouvelles expressions, cela rendrai le récit trop éloigné du lecteur, ce qui n'est pas mon souhait. :-)

Voici la suite et fin du chapitre :

Eo ne me répondit pas de suite. Ce silence, aussi bref fût-il, me parut assourdissant tant il soulignait le vide absolu qui nous entourait. À la surface, il y avait toujours quelque chose à entendre : le bourdonnement des insectes, le cri d’un oiseau, le souffle du vent… Ici, c’était le néant total, j’avais l’impression de me trouver dans une tombe. Heureusement que je n’étais pas claustrophobe.
Quand Eo reprit la parole, il ne se doutait certainement pas à quel point j’étais soulagée d’entendre enfin le son de sa voix :
— J’en sais foutre rien… Son comportement est étrange, mais avec tout ce qu’on a vu jusqu’à présent, il y n’a plus grand-chose qui m’étonne. Il est peut-être une IA ange gardien ou un être démoniaque qui chercher à nous planter… Va savoir s’il n’y a pas aussi des joueurs en solo qui avancent dans d’autres conditions que les nôtres ! Après tout, il est in-vin-cible, conclut-il en détachant chaque syllabe, mi-admiratif, mi-jaloux.
— On pourrait poser la question à Léa ou à Edgar, non ?
— On peut toujours essayer, mais je doute qu’ils nous répondent !
La voix de L’Émissaire nous interrompit :
— Eo, tends ton bras. Je vais venir m’accrocher à toi. Tant que je garde cette apparence, je conserve la carte.
— Je suis prêt !
— J’arrive.
Le battement d’ailes approcha. Je devinai, à la crispation d’Eo autour de ma main, que L’Émissaire venait de planter ses griffes dans son autre bras. Je le lâchai pour qu’il puisse tâtonner devant lui et posai ma paume sur son épaule.
Dix pas tout droit, tourner à gauche, puis à droite… tel un GPS, L’Émissaire nous guida jusqu’au chemin de fer. À notre arrivée, les lampes se rallumèrent. Je vis L’Émissaire toujours pendu au bras d’Eo. Son avatar chauve-souris n’était pas mon préféré. Il écarta les ailes et reprit sa forme humaine, son manteau déployé comme une voile. Il était tout de suite beaucoup plus classe !
— Vous êtes prêts pour un petit voyage en train ? s’exclama Eo. En voiture !
Nous grimpâmes dans l’unique wagonnet. Eo desserra le frein, le wagonnet s’ébranla.
Assis dans notre caisse de métal, la vitesse accéléra et nous entraina dans un grand huit digne des meilleurs parcs d’attractions. Ce ne fut pas sans me rappeler ma toute première expérience sur ALE. Tout y était. Les mouvements brusques, les cliquetis et couinements, les chutes vertigineuses, l’emballement de mon cœur. Pour moi, ça ressemblait assez à une descente aux enfers. Je fermai les yeux, Eo s’extasiait, L’Émissaire ne pipait pas un mot. Au bout d’une éternité, selon mon compteur interne, notre embarcation ralentit et vint percuter un amortisseur qui nous stoppa net. Mes jambes virtuelles tremblaient autant que mon esprit pouvait l’imaginer.
— La caverne, la caverne, deux minutes d’arrêt, annonça Eo avec une voix de chef de gare.
La caverne ? C’en était une belle de caverne ! Hormis notre wagonnet et un gros cube de métal, posé sur le sol comme une enclume, il n’y avait rien. Pas l’ombre d’un passage souterrain, pas la moindre pépite d’or, pas de sortie. Un vrai cul-de-sac, et mal éclairé avec ça.
Je commençais à douter sérieusement de Valens. Nous avait-il piégés ?
L’Émissaire, tout aussi perplexe que moi, regardait autour de nous. Avec sa stature de géant, il devait légèrement pencher la tête pour ne pas raser le plafond.
— Aaaaah ! s’exclama Eo. Cet objet est tout à fait particulier, les amis.
Il s’était accroupi devant le cube, rajustant ses lunettes de soleil.
Je jetai un coup d’œil par-dessus sa masse de cheveux blancs et constatai avec surprise que le cube de métal était en réalité un coffre-fort. Pas de molette pour l’ouvrir, ni rien qui s’apparente à une serrure. Il y avait juste un écran. Eo le toucha du bout des doigts ; il s’alluma aussitôt.

Veuillez entrer votre clé d’autorisation.

Un clavier tactile se dessina sur le bas de l’écran, avec des chiffres et des lettres.
— Quelqu’un a une idée ? demanda Eo, sans même nous regarder.
— Le nombre de combinaisons est incalculable, répondit L’Émissaire, toujours aussi calme.
— Pourquoi ne pas taper les trois lettres du jeu ? proposai-je au hasard.
Eo regarda L’Émissaire, qui acquiesça de la tête. Eo tapa minutieusement les trois lettres du jeu. A L E.

Clé erronée, veuillez recommencer.

— Nos trois pseudonymes, suggéra L’Émissaire.
— OK, mais dans quel ordre ?
— Agissons avec méthode. Essaye d’abord du plus grand au plus petit.
Eo s’exécuta.
— Non, j’essaye dans l’autre sens. Non plus. Les femmes d’abord. Non plus.
Eo s’assit en tailleur sur le sol et commença à réfléchir en silence.
— Je crois que j’ai trouvé ! déclara-t-il soudain avec un claquement de doigts. Le message parle de notre clé. Qui est notre clé ?
— Léa !
Nous avions répondu à l’unisson. Eo respira un grand coup et tapa les trois lettres : L E A. D’instinct, nous nous penchâmes sur l’écran en retenant notre respiration. Toujours rien !
L’Émissaire s’assit sur le sol à côté d’Eo. Je pris place sur le cube et croisai les jambes. Le doute commença alors à m’envahir. Nous allions perdre la partie. Eo tapait frénétiquement sur son clavier. Je baissai les yeux de déception.
L’Émissaire se releva et procéda à une inspection minutieuse de la caverne et du wagonnet, toujours stationné là.
— La solution est forcement quelque part, déclara-t-il.
Moi, j’avais le moral dans les chaussettes. Je regardai mes pieds et tentai de réfléchir.
— Oh ! m’écriai-je. Mais oui ! Mais oui ! Qu’est-ce que nous pouvons être idiots !
Les deux garçons me regardèrent, circonspects.
— Dites que vous m’aimez, chantonnai-je en sautillant sur le cube. Allez, dites que vous m’aimez !
— Tu dérailles, Wave !
— Non, non, mon très cher Eo. Je ne déraille point. Alors, tu m’aimes ?
— Quel est le rapport avec notre problème d’aujourd’hui ?
Je sautai de mon cube pour embrasser mon ami sur le front de son avatar.
— Alors, tu m’aimes ? insistai-je.
— Oui, je t’aime, ma belle ! se dérida-t-il. Crache le morceau.
— L’Émissaire ?
— I love you ! déclara-t-il avec un sourire qui fit jaillir un éclat blanc sur sa peau noire.
— Si tu veux bien prendre place…
Je lui fis signe de s’installer au sol à côté d’Eo.
— Regardez bien !
Je fis théâtralement le tour du cube de façon à me positionner derrière lui et face à mes compagnons. Je m’inclinai en avant, dans une révérence qui les déconcerta encore plus, jusqu’à ce que le médaillon à mon cou bascule à la verticale, comme un pendule.
— Ils disent : « veuillez entrer votre clé. »
Je me penchai davantage et le médaillon vint se glisser dans une petite fente creusée pour lui, si discrète que je ne l’avais pas remarquée avant de m’asseoir dessus. Un déclic retentit. Mes compagnons basculèrent en arrière. La porte du coffre s’ouvrit.
— Et voilà ! déclarai-je triomphalement. Il fallait entrer notre clé dans le coffre ! Le clavier est un leurre.
— Wow, lâcha Eo, franchement admiratif. Wave, tu es géniale.
Mon cœur battait la chamade. J’avais lavé l’affront brésilien !
Comme un enfant émerveillé le jour de Noël, Eo inspecta avidement l’intérieur du coffre. Nous découvrîmes un véritable trésor. Trois medkit et trois packs « énergie » étaient stockés dans notre boîte magique. Eo les distribua de façon équitable et referma la porte. Le coffre s’enfonça dans le sol, comme si celui-ci s’était soudain transformé en sables mouvants. Nous n’eûmes pas le temps de réagir lorsque le wagonnet glissa en sens inverse pour remonter à la surface. L’un des rails se tordit dans un couinement métallique et dessina l’esperluette de sauvegarde.
— Léa sauvegarde, annonça Eo à haute voix.
Le médaillon scintilla et nos avatars retrouvèrent le calme de la loge. Léa se matérialisa au centre de l’estrade lorsque j’entendis une sonnerie retentir. Ça ne venait pas de mon casque.
— Tiens, c’est étrange, soufflai-je.
— De quoi tu parles ? demanda Eo.
— J’entends la sonnerie de ma porte d’entrée.
— Tu attends quelqu’un ?
— Non mais bon, comme mes parents sont absents, je préfère vous abandonner et aller voir.
— Sois prudente, Wave, il se fait tard !
— T’inquiète, j’ai un interphone.
— Super. À demain, même heure !
— À demain.

Voilà j'espère que vous avez passé un bon moment. Dans le prochain chapitre, nous retrouvons Lola et Lucas Embarassed et arrivent enfin des infos sur Valens ! affraid

A bientôt, pour de nouvelles aventures !
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMer 24 Nov 2010 - 11:50

Je ne suis pas le plus grand expert en manga qui existe, mais je suis prêt à t'aider si besoin ^^

Citation :
Pour"l'application", ce dialogue se déroule en 2025....donc dans 15 ans seulement
En fait... je ne dis pas qu'il n'y aura plus d'Iphones, au contraire même je suis bien persuadé qu'il y en aura toujours. C'est juste que cette blague là s'adresse à une campagne de pub spécifique pour Iphone et que déjà aujourd'hui je connais des gens qui ne comprennent pas cette blague là. (j'ai essayé de la faire ^^) et apple est déjà passé à un nouveau slogan, donc... (j'analyse peut être trop.... ^^)

Citation :
Heureusement que je n’étais pas claustrophobe.
Brrr.... moi je le suis Razz

Citation :
Il écarta les ailes et reprit sa forme humaine, son manteau déployé comme une voile. Il était tout de suite beaucoup plus classe !
PAs mal du tout Smile

Citation :
dans l’unique wagonnet. Eo desserra le frein, le wagonnet s’ébranla.
Tu répètes wagonnet un peu vite Smile

Citation :
La caverne ? C’en était une belle de caverne !
J'aimerais bien savoir le volume de cette caverne.

Evidemment qu'on a passé un bon moment ! Smile Très bien fichu, l'énigme est juste pouik comme il faut Smile
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 26 Nov 2010 - 7:33

Rien à dire de plus ! Toujours très prenant !

— et un gros cube de métal, posé sur le sol comme une enclume : virgule superflue
— Non mais bon, comme mes parents : virgule avant mais
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeSam 11 Déc 2010 - 9:54

Bonjour !

Voici la suite avec le début du chapitre 15 :


— Oui ? braillai-je dans l’interphone.
— C’est moi, Lucas.
— Lucas ? Mais qu’est-ce que tu fous là ?
— Tu comptes me laisser dehors ?
— Euh… non ! Pardon, entre !
J’actionnai le bouton d’ouverture de la porte principale, entrouvris la porte d’entrée de l’appartement et courus à toute vitesse en direction de la salle de bain.
— Aïe, aïe, aïe, grimaçai-je devant mon reflet.
Je pris une gorgée de solution dentaire, histoire d’avoir au moins l’haleine fraîche. Je donnai deux coups de brosse à ma tignasse. En relevant mes cheveux pour les attacher, je constatai qu’un petit coup de déo ne serait pas de trop.
— Tu te caches ? demanda Lucas au loin.
— Je suis dans la salle de bain, gargouillai-je en recrachant le liquide mentholé. J’arrive.
Je glissai dans le couloir et vis sa silhouette à l’autre bout. J’espérai que la pénombre des lieux camouflerait un tant soit peu ma mine défaite, mais Lucas eut la brillante idée d’allumer le plafonnier.
— Wow ! lança-t-il, soudain statufié. Tu es… Tu es…
Plantée là, j’attendais.
— Je suis ?
Il éclata de rire.
— T’as fait les soldes ?
Subitement, je réalisai que je portai encore mon vieux pyjama crème en satin qui, en soi, n’était pas vraiment horrible… si l’on omettait le fait qu’il était trop court pour moi.
— C’est ma tenue de combat, annonçai-je fièrement en écartant les bras.
— Si toutes les guerrières endossaient cette toilette, je suis sûr qu’il n’y aurait plus de conflits, lâcha Lucas, toujours mort de rire.
— Il fallait prévenir de ta visite ! objectai-je. Là, j’étais occupée.
— Te prévenir ? Plus jamais ! Tu es trop drôle. Je suis curieux de savoir quelle activité nocturne nécessite un si beau pyjama.
— Eh bien, justement, je faisais la guerre !
— Et ton ennemi s’est enfui, n’est-ce pas ?
— Eh bien, non ! J’ai même gagné !
Il pinça sa mâchoire inférieure entre son pouce et son index, comme s’il réfléchissait. Ses yeux pétillaient.
— J’en suis certain, ronronna-t-il.
Il s’approcha et m’enlaça enfin. Comme toujours, son odeur perturba mes sens. Je m’accrochai à lui.
— Moi aussi, j’ai envie d’un corps à corps, murmura-t-il de sa voix douce.
Il éteignit la lumière et je laissai ses mains vagabonder. Il sentait bon le musc. Mon cœur accéléra. Nous titubâmes jusque dans ma chambre.
— Vous permettez que j’ôte votre uniforme, mademoiselle ?
— Vouiii, marmonnai-je entre deux baisers.
Il fit glisser mon pyjama le long de mes jambes et souleva délicatement mes pieds, l’un après l’autre. Il se releva lentement, attrapa le haut de ma tenue ; je levai les bras, le tissu s’envola.
Lorsque je voulus déboutonner sa chemise, il agrippa mes mains et les déposa le long de mon corps.
— Non, susurra-t-il. Tu ne peux pas gagner toutes les parties. Dans cette bataille, tu tiens le rôle de la prisonnière.
Il me souleva et m’allongea sur mon lit.
Il débuta alors une série de petits baisers, remontant du creux de ma cheville jusqu’à mon cou. Je fermai les yeux et abandonnai à Lucas tout mon être. De quelques mouvements rapides, il se déshabilla et recommença la série de baisers, cette fois-ci en sens inverse. Lorsqu’il stoppa à mi-parcours, mon esprit s’envola…

— Tu es parfaite en prisonnière, chuchota Lucas.
Il glissa sur le dos et passa un bras sous sa tête.
— Merci. Mais là, je t’ai laissé gagner.
Je baladai mes mains sur son torse. Malgré les quelques poils qui ornaient ses pectoraux, il avait la peau douce. Je fermai les yeux.
— Bien sûr ! En temps normal je suis beaucoup plus farouche !
Je sentis alors son corps bouger. Il vint se positionner au-dessus de moi, en appui sur ses coudes, il chuchota dans mon oreille :
— Tu veux engager un autre combat ?
Lucas pouvait être débordant d’énergie.
— Euh… non, soufflai-je. Là, je suis épuisée !
Je devinai un sourire se dessiner sur son visage. Il bascula de nouveau sur le dos. Je déposai ma tête sur son épaule.
— Entendons-nous bien, murmurai-je, ce n’est pas toi qui m’as épuisée.
— Non, non, j’avais bien compris ! Ce sont toutes tes batailles virtuelles !
— Exactement, très cher. Ce n’est pas de tout repos !
— Je t’imagine bien en train de flinguer tout ce qui bouge.
— En fait, cette fois-ci, c’est un peu particulier. Il s’agit d’un test.
— Comment ça un test ?
— Eh bien, ce jeu n’est pas encore sur le marché. J’y joue en avant-première. Il représente la planète Terre en 2100. Je t’en ai parlé, il y a quelques jours. Ça s’appelle ALE.
— Le jeu où tu pensais me trouver dedans ?
— Oui, c’est ça.
— Je t’ai en vrai. Pourquoi irais-je sur un monde virtuel pour te retrouver ?
— Sais pas. Je pensais que… bref, ce n’est plus important. Je sais que ce n’est pas toi.
— Oui, mais tu as douté. Comment est-il, ce mec ?
Je frissonnai. Lucas remonta la couette sur nos deux corps. Je songeai à Valens. Comment est-il ? Il est mystérieux.
— C’est un avatar, tu sais…
Un avatar plutôt sexy à la réflexion.
— Ou peut-être une IA.
Lucas attrapa ma main et la déposa sur son torse.
— Tu sens ? Moi je suis là, en chair et en os.
Je passai sous silence que Valens aussi était là, pas en chair et en os au sens où Lucas l’évoquait, mais je pouvais aussi le toucher et le sentir au bout de mes doigts.
— Tu sais, le monde d’ALE est incroyable.
— Ah bon ? Il y a deux minutes tu me racontais que tu faisais la guerre. Je ne trouve pas cela incroyable, moi. C’est même décevant. Cela voudrait dire que, selon la vision des concepteurs, nous n’avons pas résolu nos problèmes, ajouta-t-il en bâillant.
Argh, il venait de marquer un point.
— Oui, tu as raison. D’ailleurs leur conception est plutôt pessimiste. Ils ont rasé la forêt d’Amazonie, tu te rends compte ?
Les images de l’espace dévasté que j’arpentais, quelques heures plus tôt, me revinrent à l’esprit comme des flashs. La boue. Les cendres. Les arbres tombant comme des dominos.
— En plus, les animaux sont presque tous morts ! Ils ont été remplacés par des robots. Et le désert s’est transformé en casse géante. Et pire encore, soufflai-je, non seulement il y a des gens qui vivent dans des bidonvilles, mais comme ils n’ont pas d’eau potable, ils sont tous malades. Faut voir leur tête, c’est horrible. Ils sont défigurés. Des yeux globuleux, des pustules partout, même leurs dents sont tombées. Ça fout le cafard.
Silence.
— Lucas ? chuchotai-je.
Je relevai la tête et compris à sa respiration profonde qu’il s’était endormi. Au fond, ce n’était pas plus mal. Eo avait donné des consignes de discrétion. Peut-être en avais-je déjà trop dit.
J’enviai Lucas. Moi aussi je voulais dormir. Je fermai les yeux, mais mon esprit continua à vagabonder. Je me demandai si Eo et L’Émissaire avaient interrogé Léa et le maître du jeu au sujet de Valens.
Valens.
Quel homme étrange ! Je ne pouvais nier que son avatar m’attirait. Il m’était arrivé, petite, de tomber amoureuse du héros d’un film ou d’une série. J’avais bien flirté avec quelques hommes sur la Toile, mais jamais je n’avais ressenti ce trouble envers un avatar si réaliste. Je devais effacer cette pensée de ma tête. Quel délire ! Pourtant… Non ! Stop !
En plus, il y a Lucas juste à mes côtés. Je suis un monstre.
Je me retournai dans le lit. Je devais penser à autre chose. Je me demandai ce que pouvaient faire mes parents. « Ils dorment, idiote ! » me souffla ma petite voix intérieure. Oui, ils devaient dormir, eux.

Je ne sais combien de temps il me fallut pour m’endormir. L’odeur du café titilla mes narines de très bonne heure. Lucas.
Je pointai mon nez dans la cuisine. Lucas buvait son café en silence. Il me sourit.
— Tu as bien dormi ? s’enquit-il.
— Non, pas vraiment.
— Pas étonnant, tu as beaucoup bougé ! dit-il en tirant une chaise. Tiens, assieds-toi. Tu veux un thé ?
— Oui, je veux bien, répondis-je en bâillant. Merci.
Lucas prépara mon thé citron. J’avais encore l’esprit embué, pourtant je remarquai qu’il connaissait la cuisine de mes parents comme sa poche. Au fond, ce n’était pas la première fois qu’il passait la nuit à l’appartement. Et puis cela faisait plusieurs mois que nous nous fréquentions.
Un frisson me donna la chair de poule. Lucas était-il en train de s’installer dans ma vie ?
Il déposa mon mug devant moi et s’adossa au réfrigérateur.
— Je pars quelques jours, annonça-t-il d’un trait. Je rentre dimanche prochain.
— Ah bon ?
— Tu te souviens ? Je t’avais parlé d’un « possible voyage » en Espagne avec Marco. Il a finalement loué une villa. Nous partons ce soir. Je préfère rouler de nuit.
Je bus une petite gorgée de thé. J’eus l’impression que mon cœur se décrochait. Lucas, s’installer ? Que je suis bête, parfois. Non, non, non ! Il ne s’installe pas ! Il se tire avec son meilleur pote en Espagne !
Je respirai profondément.
— Super ! réussis-je à prononcer. J’espère que vous allez bien vous amuser !
— Oui, y a pas de raison. Ça fait un bail qu’on voulait partir ensemble, ajouta-t-il, tout sourire. Bon, je dois y aller. J’ai plein de choses à régler avant mon départ.
— Tu laisses ton père tout seul au boulot, alors ?
— C’est l’été, les affaires sont calmes. Et puis, j’ai besoin de vacances.
Il déposa sa tasse dans le lave-vaisselle, m’embrassa dans le cou, glissa un « sois sage, petite guerrière ».
Il se dirigea vers la porte.
— Je t’appelle dès que je suis rentré.
J’entendis le cliquetis des clés, la porte s’ouvrir, puis se refermer, le bip de l’ascenseur, les pas s’éloigner. Le silence, enfin. Je fermai les yeux et sentis les premières larmes couler. Ma famille était partie. Maintenant, c’était au tour de Lucas de m’abandonner là, comme une vieille chaussette.
La colère monta en moi. Je me sentais trahie.
Sois sage ! Sois sage ! Et toi ? Toi ? Tu vas t’éclater, hein ? Tu vas sortir, aller à la plage et avoir des bus entiers de filles en chaleur qui vont te reluquer de loin… ou de près.
Lucas ne m’avait rien promis, moi non plus. Mais je devais bien me l’avouer, il m’échappait et je détestais cela. Je voulais être maîtresse de la situation… J’étais maîtresse de rien du tout ! Il allait et venait, passait du bon temps en ma compagnie et hop, vaquait à ses occupations. Qu’est-ce que j’avais pu être idiote ! Mon ego en prit un coup. Je me détestai, je le détestai aussi ! Je n’allais pas me laisser berner comme ça. Il voulait s’amuser avec son pote au soleil ? Eh bien, moi aussi !
Je pris une profonde respiration et essuyai mes joues. Je n’allais pas passer mes vacances à me morfondre.
Ragaillardie par une bonne douche, je retournai dans ma chambre et secouai la couette. Argh, son parfum s’échappa du tissu. Je pris mon casque et plongeai dans ALE.


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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMer 15 Déc 2010 - 6:56

Oh ! Y'a de l'eau dans le gaz ?

— J’actionnai le bouton d’ouverture de la porte principale, entrouvris la porte d’entrée de l’appartement : répétition de porte dans la même phrase « entrouvris celle de l’entrée de l’appartement »
— D’ailleurs leur conception est plutôt pessimiste : virgule après D’ailleurs
— Je relevai la tête et compris à sa respiration profonde qu’il s’était endormi : manque les virgules : « Je relevai la tête et compris, à sa respiration profonde, qu’il s’était endormi. »
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeDim 19 Déc 2010 - 18:34

Ça faisait quelques semaines que je voulais lire cette histoire, et aujourd'hui en ce dimanche de neige, j'ai pris 3 heures pour le faire ! J'ai adoré !
C'est franchement excellent ! Quelques paragraphes mal rythmés parfois, des personnages un peu trop vieux pour un roman pour adolescents peut être mais sinon tout est bon ! La lecture est fluide, les coupures se font au bon moment, j'ai tout lu d'une traite et je n'ai pas vu le temps passer ! Tu tiens quelque chose là. Beaucoup d'auteurs se sont cassés les dents sur ce sujet, la relation réel/virtuel est difficile à décrire et tu l'as réussi avec talent.

Connais tu le film Avalon de Mamoru Oshii ? Voici une petite description Wikipédia. C'est un de mes films préférés, et je pense que le regarder te serait utile. Ça rejoint un peu ton univers.

Dans un avenir proche, le jeu de guerre illégal Avalon est un jeu vidéo sur lequel les joueurs branchent directement leur cerveau, et qui provoque des comportements addictifs. Certains joueurs sont tellement plongés dans le jeu que leur esprit y reste bloqué, leur corps demeure inerte, dans un état végétatif dont ils ne sortent plus : ce sont les non-revenus. Le nom « Avalon » provient de l'île de légende où vont les âmes des guerriers, dont celle du roi Arthur.
L'héroïne, Ash, ne vit que pour le jeu, et par le jeu : elle a atteint un niveau suffisant (classe A) pour lui permettre de gagner sa vie en jouant. Elle faisait partie d'une équipe réputée, les Wizards, qui fut dissoute pour une raison mystérieuse. Elle rencontre un de ses anciens partenaires, Stunner, qui lui apprend que Murphy, le chef de l'équipe, est un non-revenu. Il aurait essayé d'accéder à un niveau caché, la classe Spécial A (SA), ou encore appelée classe Réelle, une image du monde réel courant, qui permettrait d'accumuler un nombre de points d'expérience faramineux. Ash décide de tenter d'accéder elle aussi à cette classe SA et se met à la recherche, dans le jeu, du point d'accès : une petite fille qui apparaît furtivement et surnommée Ghost .

Revenons à ALE. Mon personnage préféré est Valens bien sûr, même si on ne le voit pas souvent ! Sombre, classe, mystérieux et surtout invincible. On se demande qui il est et quels sont ses buts. Personnage à 200 % réussi ! Sinon j'adore Eo ( que je prononce Héo désolé !). je trouve que tu l'as très bien décrit ! Il apporte la touche d'humour nécessaire au récit, le mec confiant, blagueur, bourrin sur les bords, les chapitres avec lui sont tout de suite mieux !

Du très bon boulot, j'attends la suite avec impatience !
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMar 21 Déc 2010 - 21:15

Cher Ilàan,

Quel plaisir de lire ton commentaire Embarassed Il me va droit au coeur. Un tout grand merci. Very Happy

En ce qui concerne le film avalon....je le connais, une de mes acquisitions en DVD. J'ai adoré. Je le revisionne de temps en temps pour me replonger dans cette vision réalité/virtuel.

Pour en revenir à ALE, si j'arrive au bout, je devrais penser à une réécriture, car comme tu le mentionnes il y a parfois des petits soucis. Pour le moment j'essaye de m'amuser en racontant cette histoire Super
Eo est effectivement un sacré numéro je m'éclate avec ses répliques. Valens ...je ne vais rien te dire ....il faudra lire la suite. L'Émissaire est encore dans l'ombre pourtant il est un personnage important, mais je le sous-exploite malheureusement. Il aura besoin d'un gros coup de pouce pour être représenté à sa juste valeur. Je suis heureuse si tu as pris du plaisir à lire surtout que j'ai beaucoup de lectrices ...bizarrement....et celles-ci attendent plus de la vie en mode réel de Lola....toi tu ne soulèves pas ce point, c'est donc que la partie jeu est aussi attirante ! L'important pour moi est aussi de montrer combien le monde est beau et combien nous risquons de le gâcher ....y as tu pensé en lisant ?

J’avance au ralenti en ce moment, mais je ne manquerai pas de poster la suite.

Encore merci pour ta lecture, c'est un grand encouragement, car c'est mon tout premier récit et je sais qu'ALE a quelque chose dans le ventre...j'espère être à la hauteur devil2
Si tu as de nouveaux conseils, lecture/film/jeu je suis preneuse Shocked
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMar 21 Déc 2010 - 22:33

L'Emissaire a la classe, c'est un fait, mais je trouve qu'il manque d'originalité. Le grand black capable de se transformer en animaux, ce n'est pas la première fois que je vois malheureusement et quand tu as montré son pouvoir la première fois, ça ne m'a guère surpris. Celui d'Eo par contre... j'adore, je veux le même.
Comment vois-tu le pouvoir de l'Emissaire ? Pouvoir chamanique, lié à la Nature ou au Vaudou ? Mais dans ce cas, ne serait ce pas plus judicieux qu'il communique avec de vrais animaux plutôt qu'avec des robots ? Ou pouvoir technologique ? Avec par extension, la capacité de pirater ou de contrôler divers engins ? Bien que là, son pouvoir de transformation ne soit plus logique. Ses capacités sont un peu confuses je trouve.

Je préfère sans hésiter les passages dans le jeu. Toute l'intrigue se situe dans l'A.L.E quand même ! Qu'est réellement ce jeu ? Que cachent les Maitres du Jeu ? Qui est Valens ? Quels seront les nouveaux pouvoirs de nos héros ? Comment va s'habiller Léa au prochain point de sauvegarde ? J'attends avec impatience les premiers combats entre joueurs, les prochains mini jeux, les nouveaux décors !
La vie IRL de Lola permet des pauses entre l'action, c'est bien sympathique, on y apprend sa vie, comprend ses motivations mais bon vivement le prochain niveau !

D'ailleurs dans la scène après le restaurant quand elle est dans la voiture avec Lucas, une phrase m'a fait tilté : "— À l’affronter ? Tu te crois où là ? Dans un de tes jeux vidéo ? Faut redescendre sur terre ma belle. Ce n’est pas parce que dans tes simulations tu joues à la guéguerre, mademoiselle Waverider, qu’ici tu fais le poids ! Regarde-toi !" Lucas, l'appelle par son nom de Gameuse et elle n'a pas l'air de le remarquer ! Connait il sa vie virtuelle ? Ou bien... j'ai tout de suite pensé à Valens !

Ta question montre le gros point faible de ton histoire. Oui, tu veux montrer la beauté du monde mais je trouve que parfois tu en fais trop. Les petites phrases de moralité sonnent parfois faux dans la bouche de tes héros. Laisse faire les descriptions des paysages en ruine, la gestuelle des héros, leurs regards, leurs larmes. Accentue peut être ce côté descriptif au lieu de jouer sur les dialogues moralisateurs. Joue avec les silences. Un "... et m***e..." vaut parfois plus qu'un long discours !

Honnêtement j'ai beaucoup pensé à ton histoire. Aux passages qui m'ont marqué, aux personnages, à ce qui pouvait leur arriver. On peut dire que je suis fan !
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeLun 7 Fév 2011 - 20:33

Bonjour,

Après une longue absence, désolée....voici la fin du chapitre 15.


Je quittai mon transporteur et entrai dans la loge. L’avatar d’Eo se matérialisa.
— Tu es bien matinale ! ricana-t-il.
— Ouais !
— Et de bonne humeur, je vois !
Je lui tirai la langue.
— Alors, pas de monstre derrière la porte ?
— Si, justement ! Mon petit copain.
Eo éclata de rire. Il déposa sa carte sur son support.
— Arf ! Ben alors, la petite surfeuse a des soucis de cœur ?
— Ne m’en parle pas. En résumé, il débarque, me saute dessus, puis m’annonce qu’il part plus d’une semaine en vacances au soleil avec son meilleur pote.
— Un mec, quoi ! commenta Eo en me faisant face.
Je le regardai, déconfite. Il se gratta le ventre.
— Allez, nous ne sommes pas tous comme ça, mais bon, il faut bien s’amuser. T’as vu ce qu’annonce le futur !
— T’es de son côté, alors ? Après tout, je m’en fous. J’ai pas envie de discuter de ça maintenant. Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ?
Eo grimpa sur l’un des fauteuils, en sens inverse, les genoux sur l’assise et le torse contre le dossier.
— J’avais une petite théorie à vérifier.
— Et alors ?
— Ben j’avance.
— Super, tu ne veux plus partager tes infos ?
Je me dirigeai vers le lecteur de carte pour récupérer celle qui portait mon pseudo.
— Écoute Wave, je ne suis sûr de rien pour le moment. Nous avons des pistes.
— Nous ?
Je me retournai et regardai Eo plus attentivement.
— Valens et moi.
— Tu l’as recroisé ?
— Oui.
— Et ? demandai-je en m’approchant de mon compagnon.
— Et alors… dans le cas où notre théorie tiendrait la route, ce dont je doute… c’est surprenant.
— Tu veux bien arrêter de parler à demi-mots !
— Je lui laisse le plaisir de t’exposer notre théorie.
— Tu es agaçant, parfois, trépignai-je.
Eo ricana. Je me détournai de lui de nouveau et attrapai ma carte posée à côté du lecteur.
— Tiens, me dit Eo en se relevant, si tu veux le voir, tu auras besoin de ça.
Il me tendit le médaillon.
— Je ne comprends pas ! Valens est dans le médaillon ? Comme Léa ?
Eo pencha la tête sur le côté.
— Pas tout à fait, mais sans médaillon, pas de héros sexy.
Je lui arrachai le médaillon des mains. Il m’afficha son sourire idiot et actionna le bouton de sortie. La porte glissa, son transporteur l’attendait.
— J’ai envie de me balader dans la cité végétale, pas de voir Valens, lui lançai-je.
— Fais comme tu veux, mais si tu veux le voir il faut l’a…
La porte se referma sur Eo sans que je puisse entendre la fin de sa phrase. Il fallait quoi ? L’appeler ? L’attendre ? Punaise, pourquoi cette porte virtuelle interrompait-elle la communication ? Et puis dans quel secteur se trouvait-il, le Valens ?
J’introduisis ma carte dans le lecteur et partis pour Natuuralya.

La cité végétale, le havre de paix. Tout comme la première fois, je fus saisie par la beauté des lieux. Les oiseaux chantonnaient, la pelouse était éclatante, les arbres grands et forts étaient majestueux. J’avais envie de dévaler la colline qui s’étendait sous mes pieds et de cueillir les fleurs sauvages rouges et bleues qui dansaient en contrebas. Des coquelicots certainement, pour les rouges. Pour les fleurs bleues, je n’en avais aucune idée. Malheureusement, j’avais un dilemme à résoudre. Le dilemme « Valens » pour être plus précise. Je voulais, non, je devais savoir qui se cachait derrière cet avatar qui envahissait de plus en plus mon esprit.
Est-ce que Eo avait dit de l’attendre ? Je n’allais pas faire le poirier toute la journée.
— Valens ! m’écriai-je tout en marchant en direction des coquelicots. VALENS !
— Là-haut, entendis-je dans mon casque.
Je regardai vers le sommet de la colline.
— Non, plus haut.
Je levai les yeux. Valens était perché dans un arbre. Je m’approchai.
— Qu’est-ce que tu fous perché là-haut ?
— Je me suis matérialisé ici, figure toi.
— Dans l’arbre ?
— Oui, dans l’arbre ! C’est très curieux…
Il dégagea quelques branches et descendis d’un bond comme dans tout bon jeu d’action.
— TU es très curieux, rectifiai-je.
— Je suis content de te voir, sourit-il.
— Je viens aux nouvelles !
— Tu as croisé Eo ?
— Oui, à l’instant.
Il gratta le sol avec son pied.
— Ah bon ?
— Quoi, ah bon ?
Je le scrutai. Il porta sa main à la tête et regarda l’horizon.
— Je crois que j’ai perdu la notion du temps.
— Ça ne s’arrange pas de ton côté.
— Oui… je sais…
— Eo m’a dit que tu m’expliquerais votre théorie.
Il hocha de la tête et tendit le bras vers le sol.
— On se pose là ?
Valens s’assit par terre. J’en fis de même et adossai mon avatar contre le tronc du chêne sous lequel nous nous tenions depuis son arrivée. Je sentis immédiatement quelque chose de dur dans mon dos. Je croisai les bras.
— Je t’écoute !
Il baissa un moment la tête, puis commença.
— J’ai participé à la création d’ALE en tant que designer.
J’étais tellement impatiente de connaître la suite que je ne bougeai plus d’un pouce.
— Mon domaine de prédilection : les espaces verts, dit-il en tendant les bras.
— Les espaces verts ? soufflai-je.
— Oui. Tu vois les fleurs et les arbres qui t’entourent aujourd’hui ? C’est moi ! annonça-t-il fièrement.
— Tu veux dire que tu es une sorte de jardinier informaticien ?
Il sourit.
— Oui, c’est bien imagé. Un jardinaticien, s’esclaffa-t-il.
Je grimaçai.
— Tu es déçue ?
Oui, je l’étais. Valens n’était pas LE héros d’ALE ! Il était son jardinier !
— Non, mentis-je. J’ai un peu de mal à concevoir à quoi ressemble un informaticien qui jardine sur la Toile.
— C’est donc ça ! Au fond, tu te demandes à quoi je ressemble en vrai !
« Ne pas rougir, ne pas rougir, » matraquai-je mentalement dans mon petit cerveau.
— Et toi ? Es-tu une petite fille de douze ans avec des couettes qui fait joujou sur son ordi ? Ou pire encore, une vieille retraitée édentée qui torture le jeune homme que je suis pour se rappeler le bon vieux temps ? Et si tu étais un homme ? ajouta-t-il en forçant sa voix dans les graves.
J’éclatai de rire.
— Un homme ? Morte de rire !
— J’aime bien quand tu ris.
Ses mots, ils me troublèrent.
— Je te taquine. Je pense que ton avatar est très proche de ta réelle apparence physique.
— C’est le cas.
Il arracha une petite herbe et commença à la mordiller.
— On peut mordre les herbes ?
— Oui, tu peux, vas-y ! Elle a vraiment le goût de l’herbe !
— Bon, continue s’il te plait.
— Je vais t’ôter un doute immédiatement. Mon avatar est fort ressemblant…
Mon cœur accéléra. Son avatar était tellement charmant. J’arrachai une touffe d’herbe.
Valens éclata de rire.
— Ne broute pas toute ma pelouse, hein ! C’est beaucoup de travail tout ça. Je ne vais pas te dire que mon avatar n’est pas un peu amélioré…
Mon cœur sauta une pulsation.
— Mais dans l’ensemble, c’est très ressemblant. Sauf que j’ai les yeux bleus. J’avais envie de changer.
— Les yeux bleus ?
— Oui, regarde.
Il ferma les yeux, puis les rouvrit. Ils étaient bleus. Heureusement qu’il y avait un arbre derrière moi, sinon je crois que je serais tombée à la renverse. Je craquai.
— Et la cicatrice ? demandai-je pour cacher mon trouble.
— Celle-là ?
Il passa son doigt sur la petite marque qui dessinait un 7 inversé sur son visage.
— Un souvenir de guerre.
J’écarquillai les yeux.
— Quand j’étais encore un petit garçon, je jouais sur le canapé de mes parents. Je l’avais transformé en champ de bataille. Un jour, j’ai perdu l’équilibre et je suis passé au travers de la table basse en verre. Rien de bien grave, mais j’ai gardé quelques belles marques sur le visage et sur le corps. Enfin, tu ne peux pas voir celles sur le corps, ajouta-t-il en souriant. Elle fait partie de moi, cette cicatrice, alors elle fait aussi partie de mon avatar.
Il était trop craquant avec son histoire d’enfance.
— Tu veux aussi savoir mon âge, je suppose.
« Pourvu qu’il ne soit pas trop vieux, » priai-je en moi-même.
— J’ai 26 ans, annonça-t-il d’une voix douce.
Je bredouillai :
— Je vais fêter mes 20 ans dans un mois.
Il resta muet un instant.
— Je me nomme Valentin.
Sortez-moi une corde, que je me pende tout de suite. Valentin, le petit ange des amoureux.
Il me regardait fixement.
— Je suis Lola.
— Je suis enchanté de te connaître un peu mieux, Lola.
Il se releva et me tendit la main.
— Viens, on va se balader. Tu as le temps ?
J’attrapai sa main et me relevai à mon tour.
— J’ai tout mon temps.
Il relâcha ma main ; je le maudissais. Nous traversâmes le champ de fleurs sauvages. De l’autre côté, une petite cascade en escalier dont l’eau coulait en sens inverse. Au lieu de descendre, elle remontait.
— Ça, c’est Lucky, il est un peu tordu dans sa tête. Il trouvait ça rigolo d’inverser le courant.
Valens me tourna le dos et s’abaissa.
— Monte, dit-il. On va traverser.
Je donnai mentalement une petite impulsion à mon avatar et m’accrochai à son cou. Il fit quelques pas sur le côté pour chercher un passage pas trop profond et nous traversâmes. Il me déposa sur l’autre rive et nous empruntâmes un chemin sinueux parfaitement lisse.
— Tu as encore des choses à me raconter ?
— Sois un peu patiente…
Patiente, patiente, c’était peut-être facile pour lui. Moi, je bouillonnai.
Nous marchâmes en silence. J’avais tellement de questions dans la tête que j’avais du mal à profiter du paysage jusqu’à ce que nous arrivions dans un nouvel endroit enchanteur d’ALE.
— Qu’est-ce que c’est ? demandai-je sous le charme.
Valens ouvrit un portillon, me laissa passer en premier et se dirigea vers deux chaises longues en bois.
— Voici le parc aux trèfles à quatre feuilles.
Il tendit le bras vers une des chaises longues et m’invita à prendre place. Je m’allongeai.
— Euh… sur le ventre, me dit-il.
Je le regardai faire. Nous nous trouvâmes l’un en face de l’autre avec, entre nous, une multitude de trèfles.
— Vas-y ! Prends-en un.
Je tendis le bras et attrapai une de ces herbes. Je comptai les feuilles ; il y en avait bien quatre. J’en attrapai une seconde, puis une troisième. Tous les trèfles avaient quatre feuilles.
— Il n’y a plus le plaisir de chercher, alors ?
— De chercher, non. Mais tu peux faire plein de vœux ! C’est ça le plus important, non ? Avec mon parc, pas de déception, conclut-il sur un sourire.
Oooooooh, en plus il était poétique ce jardinier !
— Enfin, je ne réalise pas les vœux, soyons bien d’accord. Mais je vais tout de même réaliser celui qui te tiraille depuis tout à l’heure. Je me suis porté volontaire pour tester ALE et son interface, déclara soudain Valens d’un ton plus sérieux. Pour des questions de planning, je le testais en solo depuis des mois. Après, je ne sais pas trop ce qui s’est passé, mais j’ai l’impression d’être bloqué dans le jeu.
— Tu te fiches de moi, là ?
— Non, pas du tout. Tu en parleras avec Eo. C’est notre théorie.
— Mais enfin, comment fait ton corps ? Tu dois bien t’alimenter.
— Je n’ai pas toutes les réponses. Je vis avec ma mère, elle doit s’occuper de moi.
Je le regardai, perplexe. Elle ne tenait pas vraiment la route, son histoire.
— Léa est… enfin, était ma clé pour entrer et sortir. Je dois toujours être connecté à elle, car j’ai l’impression que mon avatar se matérialise en même temps que vous.
— Si on veut, concédai-je, mais nous avons fait des missions sans toi.
— Exact. Je crois que je me matérialise dans le jeu quand l’un d’entre vous y est. Toutefois, la distance entre Léa et moi est… comment dire… variable ! Enfin, c’est ce que j’ai constaté. Encore un bug, si je puis dire.
— Attends ! Revenons sur ton corps, le vrai.
— ALE, ce sont des milliards d’investissements et un projet relativement secret. Avec les tests sur l’interface, il y avait une équipe médicale que nous devions rencontrer régulièrement. Je peux donc imaginer que cette équipe est intervenue chez moi. J’avais pour habitude d’entrer dans ALE depuis la maison. Et comme je ne ressens pas les coups lors des combats, je n’avais pas besoin d’être sous surveillance rapprochée. Ils ont dû faire pression sur ma mère pour me garder sous surveillance à la maison…
— C’est un véritable film que tu me racontes là.
Il grimaça.
— Oui, je sais. Moi-même, j’ai du mal à comprendre. En attendant, je suis là, je discute avec toi, je me souviens très bien de ma vie dans le monde réel, mais lorsque vous quittez ALE, c’est comme un trou noir. J’en perds même la notion du temps. Comme si j’étais dans le coma.
— C’est trop glauque, ton histoire.
— Je suis désolé. Tu voulais savoir. Tu sais.
Je cueillis un nouveau trèfle et fermai les yeux.
— Tu as fait un vœu ? demanda Valens.
Je hochai la tête.


Merci encore pour votre lecture et vos commentaires
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMar 8 Fév 2011 - 11:16

Bonjour,
Pour votre retour, vous avez fait fort. J' adore ce passage.
Cordialement
auteur008
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 11 Fév 2011 - 8:54

Haaa ! Super, on sait enfin qui est Valens !

— vers le lecteur de carte pour récupérer : cartes
— de parler à demi-mots : demi-mot
— Est-ce que Eo avait dit : qu’Eo
— matérialisé ici, figure toi : figure-toi
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 25 Fév 2011 - 17:25

Ikkkkk y avait une suite :Embarassed: dans mes considérations déménagementesques j'avais eu la flemme pas trouvé le temps ! vite je me rattrape.

(déjà ça fait plaisir de se replonger dans ton histoire ) Le maitre du pinaillage remonte ses manches !

Citation :
— Ne m’en parle pas. En résumé, il débarque, me saute dessus, puis m’annonce qu’il part plus d’une semaine en vacances au soleil avec son meilleur pote.
comme ça manque un peu de notes non verbales, si j'étais moi, je remplaçcerais la première phrase par un petit geste...

Citation :
Eo grimpa sur l’un des fauteuils, en sens inverse, les genoux sur l’assise et le torse contre le dossier.
la description est un peu maladroite je trouve (trop clinique)

Citation :
— Tu veux dire que tu es une sorte de jardinier informaticien ?
oui c'est moi ! lol! lol!

Citation :
Ses mots, ils me troublèrent.
tu pourrais te passer du "ils"

Citation :
et je suis passé au travers de la table basse en verre
hum... aussi maladroit que moi en plus Very Happy

Citation :
— J’ai 26 ans, annonça-t-il d’une voix douce.
JE commence à VRAIMENT me sentir visé Very Happy

Citation :
je le maudissais
je mettrais plutôt le passé simple.

Citation :
je n’avais pas besoin d’être sous surveillance rapprochée. Ils ont dû faire pression sur ma mère pour me garder sous surveillance à la maison…
répétition de surveillance un peu rapprochée.

Bravo, c'est fort et prenant Smile La suite maintenant Smileà
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeDim 27 Mar 2011 - 16:34

Bonjour,

Comme toujours merci pour vos corrections, commentaires et encouragements.
@Elgringo : MDR !

Voici le chapitre 16, bonne lecture :

Deux heures pile poil après mon arrivée dans Natuuralya, Valens me renvoya chez moi. J’avais bien contesté cette exigence perverse, mais il était resté intransigeant sur la question. « Il ne faut pas abuser des bonnes choses, » avait-il dit. J’avais rétorqué que je reviendrais dans l’après-midi pour continuer notre exploration. Il avait immédiatement réagi en déclarant qu’il ne viendrait pas me retrouver, sous le prétexte « moyenâgeux » que nous allions nous revoir très probablement dans la soirée puisque j’avais un nouveau rendez-vous avec Eo et L’Émissaire.
Au fond, je pense qu’il était inquiet. Si sa théorie s’avérait exacte, nous étions peut-être tous en danger.
Lorsque je rallumai mon GSM, j’avais un SMS de Valérie me proposant de la rejoindre pour un sandwich au moment de sa pause, vers 13h30. Je confirmai ma venue et tentai de contacter mes parents.
— Hello Lola, comment vas-tu ? demanda ma mère qui venait de décrocher.
— Coucou maman. Je vais bien, merci. Et vous ? Ces vacances ? Comment ça se passe ?
— Super bien ! Là, on va passer à table. Sur la terrasse. Nous profitons d’un temps magnifique. On commence à décompresser, je pense que nous sommes sur la bonne voie pour une détente totale.
— C’est cool ! m’exclamai-je.
— Les garçons ont tout de suite adopté le mini-club. Deux heures le matin, puis deux ou trois heures l’après-midi. Les filles y sont super gentilles. Un peu jeunes à mon goût, mais tout semble bien se passer. Je croise les doigts pour qu’il en soit ainsi jusqu’à la fin.
— Je suis contente pour vous. Vous allez enfin pouvoir profiter tous les deux !
— Oh oui ! Luc a déjà pris des couleurs. Nous avons même joué au tennis. Bon, on a eu mal au bras pendant deux jours par la suite, mais là, ça va mieux. Et toi ? Tu te débrouilles ?
— Oui, super. Je vais voir Valérie tout à l’heure. N’y a que Lucas qui vient de m’annoncer qu’il partait quelques jours en Espagne, alors…
— Mais il ne devait pas t’accompagner à l’anniversaire de Jan ?
Elle ne perdait pas le nord, ma mère. Une mémoire d’éléphant.
— Ben si, mais il a changé ses plans en dernière minute, alors j’irai seule.
— Mouais ! Fais attention à toi, hein ?
— Ouiiii, maman. C’est promis. Et puis je te rappelle que ça se passe chez sa grand-mère et qu’on n’est pas des sauvages. Et l’hôtel, comment est-il ? demandai-je pour détourner la conversation.
Ma mère et son esprit « attention, danger » me gonflaient grave par moments. Je n’avais plus quinze ans !
— Vraiment très bien ! Nous bénéficions d’une chambre très spacieuse pour pouvoir installer les deux lits pour les garçons. La décoration est un peu banale, genre « bord de plage », mais le matelas est confortable. C’est déjà ça ! Bon, je dois faire manger Thomas et Hugo, ils commencent à s’impatienter. Je te passe Luc. Bisous ma grande, on se rappelle dans quelques jours. Amuse-toi bien et tu sais quoi !
— Bisous maman, coupai-je.
— Hello, Miss ! s’exclama Luc d’une voix pétillante. Alors, elles sont bien tes vacances à Bruxelles-plage ?
Ah oui ? Il me cherchait dès le départ ? Je n’allais pas le louper !
— Mieux que tes tomates en tout cas ! annonçai-je posément.
— Qu’est-ce qu’elles ont, mes tomates ? L’arrosage n’a pas fonctionné ?
— L’arrosage, si… Mais les feuilles sont toutes jaunies et tachées… ça semble pas normal.
— Ah ça non, c’est pas normal ! Elles doivent être toutes vertes, les feuilles ! Punaise, j’ai pas de bol. Tous les pieds sont attaqués ?
— Oui ! Tous ! Sans exception, articulai-je.
— Oh noooon ! souffla-t-il.
Il semblait dépité ; je ricanai en moi-même.
— Ben siiiiiii ! C’est triste, hein ? Elles sont mourues, tes tomates. C’est l’air bruxellois… il n’est pas très sain, tu sais.
— C’est foutu, alors…
Je m’esclaffai.
— Mais non, c’est pas foutuuuuu. Fallait pas me narguer avec tes vacances à la plage.
Silence.
— C’est une blague, alors ! réagit-il avec un train de retard.
— Mais oui ! Je te taquine, mon petit Luc. Elles vont bien, tes tomates… et moi aussi, merci !
— Tu t’es bien foutue de moi ! Bon, que des bonnes nouvelles, alors ?
— Oui, je te rassure. Ici, tout va bien. Maman m’a dit que vous aviez joué au tennis et que tout se passait à merveille avec les garçons.
Il rigola.
— Pour le tennis, fallait nous voir ! Deux grands sportifs en action. Je pense que nous n’avons pas réussi à dépasser trois ou quatre échanges sur une heure de jeu. J’ai très probablement gagné, glissa-t-il à voix basse.
Je les imaginais bien tous les deux, avec leurs vieux shorts, essayant de courir derrière la balle.
— C’est pas grave ! L’important, c’est de s’amuser, enchaînai-je.
— Oui, mais on a souffert le lendemain. J’avais des courbatures partout et ta mère, j’en parle pas, gloussa-t-il. Enfin, je lui ai payé un bon massage, un truc asiatique, tu vois. Ça fait exotique ! Je ne sais pas avec quoi il l’a massée d’ailleurs, le pey, mais elle planait complètement après.
— Ouais, grave ! Et toi, t’as pas essayé ?
— Moi ? Non, j’suis un mec ! Me faire tripoter par un autre mec…
— C’est pas ton genre !
— Exactement !
— On ne sait jamais !
— C’est ça, on ne sait jamais ! Bon, je vais te laisser. Faut nourrir mes deux petits hommes, ta mère me fait les gros yeux !
— Bisous à vous quatre et profitez-en bien.
— Bisous, ma belle.
La journée n’avait pas bien débuté avec l’autre qui se tirait sans moi au soleil, mais je commençais à reprendre le dessus. J’en savais plus sur Valens. Mes parents se portaient super bien. À mon tour de m’amuser un peu !
J’empruntai les transports en commun pour arriver rue Neuve. Comme une taupe de compète, j’arpentais les couloirs en mode avance rapide. Trop envie de sortir au grand air. Évidemment, c’était toujours la période des soldes, il fallait donc slalomer entre les poussettes et les touristes paumés qui cherchaient leur chemin. J’envoyai un message à Val pour lui dire qu’il ne me restait plus que deux cents mètres à parcourir.
Même pas un an que nous nous connaissions, mais j’avais l’impression de la fréquenter depuis ma petite enfance. Ses cheveux noirs coupés courts et sa peau de porcelaine faisaient ressortir ses yeux bleus qu’elle ne maquillait jamais. Elle avait les joues rondes comme une poupée. Un peu boulotte, elle se sentait très bien dans ce corps aimé depuis quatre ans par un garçon un peu rock’n roll à mon gout, mais qui avait l’avantage de la rendre heureuse.
Lorsque je la retrouvai, elle pliait des tee-shirts dans le fond du magasin.
— Salut.
— Salut, souffla-t-elle. Heureusement que tu es là. T’as raison, ajouta-t-elle dans un chuchotis, ils sont fous, tous ces gens. Bon, attends-moi dehors, je vais demander à ma boss si je peux enfin prendre ma pause.
Deux minutes plus tard, Valérie me rejoignait dans la rue.
— On va se manger une salade ?
— Un durüm, ça te dit ?
— Pas bon pour la ligne ça, rétorqua-t-elle.
— Ouais, grave ! Mais j’ai trop envie d’un truc bien gras !
Valérie écarquilla les yeux. Nous nous dirigeâmes vers le kiosque à durüm.
— Faut absolument que je te raconte, déblatérai-je.
— Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
— Lucas ! grognai-je
— Aaaah, ça y est, t’as découvert le hic. Je le savais ! Y a toujours un hic avec les beaux mecs.
— Tu ne devineras jamais !
— Accouche !
— Il se tire en vacances avec son pote Marco ! Départ ce soir !
— Quoi ? Sans toi ?
— Sans moi ! Exactement. Il a débarqué hier soir, minuit passé, comme une fleur, on a fait crac-crac, puis il s’est endormi pendant que je lui parlais.
— Ooooh nooon ! Trop chelou !
— Attends, attends ! Et ce matin, il m’a préparé mon petit déj, tout sourire, et m’a annoncé qu’il avait besoin de vacances et qu’il partait ce soir.
— Paf, comme ça, direct ?
— Yes, ma belle !
— Ooooh là, il abuse !
— C’est bien ce que je me disais. Mais enfin, t’inquiète… moi aussi je vais me mettre en congés dès son retour. Finies les petites gâteries quand Monsieur le désire.
— Deux durüms, réclama Valérie. Qu’est-ce que tu bois ?
— Un grand coca, s’il vous plaît ! commandai-je.
— Pour moi aussi, s’il vous plaît, annonça Valérie.
Je sortis mon portefeuille de mon sac.
— Attends, je t’invite ! Tu payeras la prochaine fois.
— Oki, Merci. Enfin, pour Lucas, tu sais… je suis bien avec lui, mais c’est pas le grand amour non plus. Mais quand même, il exagère là, non ?
Valérie paya la note, j’attrapai mon dürum et mon coca, puis nous nous dirigeâmes vers un banc, près de l’église.
— Il était trop beau pour que ça dure ! lâcha Valérie.
Cette remarque me piqua. C’est vrai qu’il était sexy. Trop sexy pour moi ? Je croquai dans mon sandwich et partis dans mes pensées.
— Ohé ! T’es avec moi ? dit Valérie en agitant sa main devant mes yeux.
— Oui, excuse ! C’est que… j’t’ai pas encore tout dit. J’ai croisé quelqu’un d’autre.
Valérie lâcha la paille qu’elle avait en bouche.
— Quoi, t’as un autre mec ?
— Non, mais… j’crois que j’ai une touche.
— T’es pas croyable ! Pas folle, la guêpe, ajouta-t-elle en remuant la tête de bas en haut. Et alors ?
— Ben… c’est un avatar, murmurai-je.
Valérie manqua de s’étouffer.
— Respire ! Lève les bras !
— Attends, t’es pas en train de me dire que tu craques pour un avatar, commenta-t-elle en agitant son sandwich dans les airs.
— Si.
— Oooooh, t’abuses là !
— Atteeeeeeends, écoute-moi jusqu’au bout.
— Magne, hein ! Parce que je vais devoir retourner chez les barjots.
Elle mordit sa paille et ouvrit grand les yeux, comme en attente d’une révélation.
— J’suis entrée dans une nouvelle réalité virtuelle.
Valérie mâchouilla sa paille de plus belle.
— Et là, y en a un trop canon.
Valérie relâcha le bout de plastique écrasé.
— Comment ça, canon ?
— Ben… sexy… beau… charmant… poète !
— Poète ?
— Ouais, poète dans son domaine.
— Dans son domaine ?
— Oui, grimaçai-je. C’est un jardinier virtuel.
— Il nous manquait plus que ça ! Le roi de la tulipe !
— Ouais, ça va, hein !
— Mais enfin, tu sais pas qui se cache derrière !
— Si ! Il m’a tout dit.
— Et tu le crois sur parole ?
Je hochai la tête.
— Sérieux, tu crains là. Et Lucas ! Il est juste parti en vacances, tu ne vas pas non plus tout bousiller pour des pixels qui brillent.
— T’as raison, mais c’est plus fort que moi !
— Faut t’faire soigner.
Valérie regarda l’heure sur son GSM.
— Désolée, mais je dois y aller. « Trente minutes de pause, pas une de plus, » elle m’a dit, l’autre truite. Moi aussi, il faudra que je te raconte. Pas facile, Madame la Responsable de boutique.
Valérie se leva bien qu’elle n’ait pas fini son sandwich. Elle le jeta dans la poubelle derrière nous.
— On s’appelle ce soir, ajouta-t-elle en m’embrassant.
— Euh, non, pas ce soir. J’suis prise.
— Quoi ? Tu vas le revoir ? Le poète ?
— J’espère !
— Ouais… T’emballe pas ! On en reparle à l’anniversaire, demain. En attendant, keep cool !
Elle fit demi-tour et disparut dans la foule. Je finis mon sandwich, seule, perdue dans mes pensées, puis un homme attira mon attention tant il parlait fort. Il brandissait un crâne et s’adressait aux passants :
« Est-ce que vous fermez les yeux le soir ?
Sans vous en apercevoir ?
Est-ce que vous élevez vos enfants dans l’illusion ?
La lumière au bout du tunnel n’a plus d’alimentation ! »
Je le regardais sans bouger. Grand, mince à la peau sombre, perché sur un billot de bois, il semblait sorti des enfers. Mais le plus frappant était le comportement de la population. Les gens s’écartaient à peine et le contournaient comme s’il s’agissait d’un lampadaire.
« Demain il n’y aura plus que des retraités, allongés sur les pavés.
Demain il n’y aura plus que de l’air purifié.
En bonbonne pour les plus fortunés. »
Il trônait au milieu de l’indifférence générale.
« Devenez client de la Warner Futur !
Un meilleur avenir pour vos enfants. »
Je n’en croyais pas mes oreilles. Cet homme racolait des clients dans la rue pour une banque en jouant sur la fibre citoyenne de la population. Je fus soulagée alors de constater que personne n’y prêtait attention. Je quittai mon banc. Il était quatorze heures trente, j’avais le temps de me rendre au salon Mutant qui se tenait pour sa troisième édition sur le site de Tour & Taxis.
Avec ALE, j’avais rencontré les Abots et les forcenés du culte de la beauté du prochain siècle. J’étais curieuse de découvrir ce que mon époque avait à proposer.
Pas d’interminable file d’attente à mon arrivée. Les nombreux portiques, équipés de lecteurs d’empreintes digitales, s’actionnaient sans bruit et offraient une grande rapidité de paiement. Depuis ma majorité, ma main droite me servait de carte de crédit, de carte d’identité et de carte de sécurité sociale. Ce système était apparu depuis longtemps, cependant sa mise en place avait trainé en longueur vue l’ampleur de l’investissement demandé aux commerçants et aux institutions.
Encore deux minutes et je pourrais moi aussi apposer ma main. Je tournai la tête et aperçus un couple qui s’embrassait langoureusement sur le trottoir. Déjà, le spectacle commençait. Il me fut impossible de savoir si j’observais un couple hétéro ou gay tant les deux silhouettes étaient filiformes. Toutes deux le crâne rasé, elles avaient la peau entièrement tatouée. Pas de dessins ethniques, héroïques ou cabalistiques. Ni dragons, ni rose, ni bande dessinée. Ces individus avaient tout simplement changé de couleur de peau : pour celui de droite, un teint bleuté ; pour celui de gauche, une tendance kaki.
Je passai le portique. « J’ai croisé un petit homme vert, » me surpris-je à penser.
Les deux battants de la porte s’entrouvrirent, accompagnés d’un bip et d’une veilleuse verte indiquant que je venais de me soulager de 25 euros.
Le hall d’entrée baignait dans une lumière feutrée jaune dorée. Je suivis les gens devant moi et m’engageai dans un des couloirs sombres qui s’offraient à nous. Enfin, « couloir » était un bien grand mot puisqu’il s’agissait plutôt d’un long tube rouge sang qui semblait se rétrécir au fur et à mesure que j’avançais. Je fus troublée par l’ambiance sonore, qui me fit penser aux gargouillements de mon estomac lorsque j’avais faim. Je tendis le bras et ma main rencontra une texture molle et chaude. Je réalisai alors que j’avançais dans une sorte de cordon ombilical. Au bout devait naitre une nouvelle espèce.
J’écartai la membrane rougeâtre qui fermait le tunnel pour arriver enfin au milieu de la foule, ou devrais-je plutôt dire au milieu de la faune humaine.
J’eus l’impression d’atterrir sur une autre planète. Dans le ciel vert pâle du plafond brillaient des étoiles jaune orangé. Le sol, lui, était en terre battue comme un terrain de tennis. Les stands rectangulaires étaient délimités par des parois en verre sablé, dont les teintes variaient selon les thèmes.
J’empruntai le couloir central et crus un instant me trouver dans ALE. Je croisai une femme dont la chevelure avait été remplacée par du crin de cheval. Le promoteur affichait sur un écran plat ses différentes prestations. Crin long ou en brosse, véritable ou synthétique, teintes au choix ! En face, on pouvait se faire glisser entre le crâne et la peau des cornes en téflon ou métal chirurgical. Même chose dans le dos, sur le buste ou dans les bras.
Après les « coiffeurs », j’allai chez le dentiste qui proposait le remplacement des incisives par des implants de crocs canins. Plus loin, la pose de poils sur le torse, les jambes et les avant-bras, ainsi que celle de griffes, artificielles ou non, reléguaient les implants mammaires au rang des has been. Au fond, je retrouvai tout de même quelques stands de piercing, pocketing et scarification.
Autour de moi, sillonnaient entre les humains « traditionnels » des primitifs modernes. Je croisai la femme girafe, quelques lézards et un troupeau de lions, avec leurs crinières flamboyantes et leurs crocs d’acier.
J’étais époustouflée de voir enfin de près ce que l’on pouvait faire de son corps, même si au fond de moi je ne comprenais pas cette démarche trop éloignée de mon éducation. Pourtant, ces gens remettaient au gout du jour des rites ancestraux par le biais de moyens modernes. Une série de questions traversa mon esprit. Comment ces personnes vivaient-elles au quotidien ? Avaient-elles un emploi ? Allions-nous d’ici peu croiser des mutants à la caisse du supermarché ? Avaient-elles des enfants ? Les accompagnaient-elles à l’école ? Allaient-elles aux réunions des parents ? Étaient-elles prises au sérieux ? Et enfin, à quoi ressembleraient-elles à 70 ans ? Une mamie aux cheveux gris et à la peau pendante et bigarrée ? Un papi au dentier carnassier, la lèvre suspendue, passant ses bras dans le trou de ses lobes d’oreilles dont il aurait ôté les plateaux? Sans doute n’étais-je tout simplement pas préparée à cela.
Je sortis au bout de deux heures et décidai de rentrer chez moi. Un nouveau lot d’émotions m’attendait ce soir.
J’allais retrouver Valens.
Un doute m’envahit. Et si Valens m’avait menti ? Et s’il était un de ces adeptes du transforming ? De Lucas, je connaissais chaque centimètre carré de sa peau. J’eus un pincement au cœur. Il allait me manquer. Je lui envoyai un petit message pour lui souhaiter bonne route.
Il ne répondit pas.
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeDim 27 Mar 2011 - 16:49

Bonjour,
Très bon extrait. Toujours aussi interessant.
Cordialement
auteur008
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeLun 19 Sep 2011 - 21:44

Bonjour,

je sais, je sais j'ai été absente très longtemps, mais ALE avance !

Voici le chapitre 17 :

21 h 51, mon téléphone bipa. J’avais un message de Lucas.
Ayé Ks ok. J te tel Dke possib. Dsl pr IR soir. Biz*
Je ne répondis pas.

À mon arrivée dans la loge, je trouvai L’Émissaire devant le mur du fond, attentif, les bras croisés dans le dos. Je ne le vis pas de suite : son grand manteau noir se fondait comme un caméléon sur l’écran sombre.
— Salut.
Il pivota légèrement et l’éclat vert de ses yeux apporta une touche de couleur dans tout ce noir.
— Salut.
Je contournai l’estrade ronde réservée au maître du jeu et m’avançai vers lui.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Regarde, dit-il avec un signe de tête.
Au milieu de l’écran s’affichait un long listing. Je ne l’avais pas remarqué de loin.
— C’est le classement, expliqua L’Émissaire. Le nombre d’équipes a encore diminué. Nous sommes en bonne position à la sixième place.
— Sixième ? Bof, c’est pas glorieux.
— Personnellement, je trouve notre score encourageant, commenta-t-il en se frottant les mains. Nous avons un beau potentiel.
— Il n’y a que le premier qui gagne, rappelai-je.
— Certes.
Il me fixa intensément et leva un doigt qui m’hypnotisa.
— Cependant, Wave, si on prend en considération le fait que nous ne nous connectons que deux heures par jour, que notre équipe est toujours au complet, que nous avons fait le plein d’énergie et que nous possédons tous les trois un medkit, je trouve que c’est honorable.
Wow. L’Émissaire savait aussi faire de longues phrases. Il m’impressionnait. J’observai encore une fois les résultats de près.
— Oui, vu sous cet angle, tu as raison, admis-je avec un soupir.
Je me détournai du mur et balayai la pièce des yeux. Les trois fauteuils blancs tranchaient dans ce décor monochrome.
— Pas de nouvelles d’Eo ?
— Non, c’est étrange d’ailleurs, répondit L’Émissaire d’une voix préoccupée. Sa carte est là, donc il n’est pas dans le jeu. Jusqu’à présent, il arrivait toujours avant nous.
Je jetai un coup d’œil aux cartes blanches, près du lecteur. L’Émissaire avait vu juste. Nos trois laissez-passer étaient bien présents.
— Il ne devrait pas tarder, soupirai-je.
Je m’installai dans mon fauteuil, même si ce n’était que virtuellement. Cela me fit bizarre de ne rien sentir sous moi. Je commençais un peu trop à m’habituer à l’interface d’ALE. L’Émissaire vint me rejoindre et s’assit dans le fauteuil central. Nous restâmes silencieux un moment, chacun plongé dans ses pensées. Je fixai mes baskets qui pointaient sous mon ample pantalon noir ; L’Émissaire avait croisé les bras sur sa poitrine et contemplait le plafond, aussi dépouillé que les murs de la loge.
— Alors, Wave, quelles sont tes impressions sur ALE ? me demanda-t-il soudain de sa voix grave et tranquille.
— Euh… je ne sais pas trop en fait.
— Tu ne te poses pas de questions ? s’étonna-t-il.
— Si, plein ! Je me demande surtout où cela va nous mener !
— Tu veux dire, comment va être notre futur ?
— Euh, non, pas vraiment ! grimaçai-je. Je me demande plutôt comment le jeu va se terminer.
— Ah ! Je comprends. Tu as envie de savoir si nous allons gagner.
— Oui, c’est plutôt ça, avouai-je.
L’Émissaire me regarda avec une telle insistance qu’il m’aurait fait rougir si je n’avais pas été sous ma forme d’avatar. Même assis, il était bien plus grand que moi. Je peinais à soutenir ses yeux scrutateurs, alors je trichais en me focalisant sur son piercing au sourcil. Quand il reporta son attention sur le mur devant nous, je soufflai. J’avais beau me sentir beaucoup plus à l’aise en sa présence, ce gars-là dégageait une aura qui m’intimidait parfois.
— Et toi ? risquai-je.
L’Émissaire n’était pas franchement un bavard. Aussi fus-je prise au dépourvu quand il se cala dans son fauteuil, apposa ses bras sur les accoudoirs et tourna la tête vers moi pour me livrer le fond de sa pensée :
— À mon avis, cela n’est pas vraiment réaliste. La mondialisation rencontre des difficultés, oui, cependant j’ai confiance en l’homme pour régler ses problèmes sans tout ravager sur son passage. Ici, nous avons droit à des exemples extrêmes. Plus d’animaux sur Terre, ce serait la fin de l’humanité. Des hommes et des femmes retranchés derrière des barrières parce qu’ils ne sont pas « beaux », grimaça-t-il, ce n’est pas non plus envisageable.
Si j’en croyais les mutants croisés plus tôt dans l’après-midi, L’Émissaire n’avait pas tort. Le monde ne sera pas peuplé de Barbies, mais d’hommes transformés en bêtes. Je n’étais pas sûre que nous y gagnerions au change.
— Ce qui par contre me semble intéressant, reprit-il, c’est que les concepteurs du jeu abordent des thèmes qui grandissent dans notre société et qui vont un jour ou l’autre poser des problèmes si nous ne cherchons pas des solutions rapidement. Cependant, les intérêts des pays sont divergents, voire opposés dans certains cas. Malgré le fait que nous n’ayons pas tous la même histoire, les mêmes traditions, la même religion, ni la même langue, nous avons réussi à maintenir une paix relative. Il nous faut juste améliorer notre entente et notre vision du monde. La difficulté consiste à trouver cet équilibre qui conviendra à chacun. Je crains néanmoins que nous n’ayons pas tous les mêmes priorités. La croissance démographique explose et nous n’arrivons toujours pas à nourrir tous les êtres humains qui vivent sur notre planète. De plus, personne ne sait vraiment ce qui va se passer. Sinon cela serait trop simple ! Même les experts ne sont pas d’accord entre eux.
Il s’enfonça dans son fauteuil et pencha la tête légèrement en arrière, comme s’il partait dans ses pensées. Jamais je n’avais entendu L’Émissaire parlé aussi longuement et aussi ouvertement. Je m’en sentis flattée.
— Oui, chacun fait dire ce qu’il a envie à ses analyses remarquai-je.
Son profil fut illuminé par un sourire, éclair blanc sur peau noire, puis il se tourna de nouveau vers moi.
— C’est exactement ça ! Tout est question d’interprétation.
— Et puis, il y a la politique aussi ! ajoutai-je.
— Oui, la politique ! Tu as raison. C’est la clé. La volonté politique, murmura-t-il.
Il tapota mon front avec son index, mais je ne sentis aucun contact.
— Il y en a, là-dedans ! Eo a fait un très bon choix, ajouta-t-il, tout sourire.
Je lui rendis son sourire. Je n’étais plus intimidée du tout.
— Je me demande bien ce qu’il fabrique d’ailleurs, celui-là ! maugréai-je. Tu le connais depuis longtemps ?
— Non.
— Mais encore ? insistai-je.
— J’ai lu un rapport sur lui.
J’écarquillai les yeux.
— Un rapport ?
— Oui.
— Houlà, c’est space, ça !
— Oui, tu peux le dire, acquiesça-t-il.
— Et alors ? Qu’est-ce qu’il raconte ton rapport ?
Eh oui, je suis une curieuse de nature, aucune question ne me complexe.
— Ça, c’est top secret.
— Ben voyons ! Tu es bien mystérieux tout d’un coup.
— Ça colle à mon personnage, non ? s’exclama-t-il en tendant les bras.
— Si ! Le grand black au crâne rasé dont on ne sait rien. Un peu stéréotypé, tu ne trouves pas ?
— Mais la recette fonctionne toujours, non ? ajouta-t-il avec un clin d’œil.
Je repliai mes jambes contre moi et lovai mon menton entre mes genoux.
— Oui, tu as raison. Tu as titillé ma curiosité ! Tu analyses le jeu de façon pragmatique, tu lis des dossiers sur les gens… Sur moi aussi, tu as eu droit à un « rapport » ?
— Oui.
J’accusai le coup un instant. L’Émissaire était décidément un homme plein de surprises.
— Et alors ?
— Tu as un casier judiciaire vierge.
Je le regardai, de plus en plus stupéfaite.
— Tu as eu accès à mon casier ?
— Oui.
— Wow. Tu ne dois pas être n’importe qui !
— J’ai un statut un peu particulier, effectivement.
— Tu n’as pas vingt ans, alors.
— Non, je n’ai plus vingt ans.
— Trente ?
— Non plus, admit-il doucement.
— T’as plus de trente ans ?
— La curiosité est un bien vilain défaut, mademoiselle Waverider.
— Et celui de lire le casier des autres ? Tu appelles ça comment, toi ?
— Tu marques un point !
— Mais tu ne vas pas répondre à toutes mes questions.
Son sourire s’élargit.
— Tu as tout compris. Que cela ne nous empêche pas de continuer l’aventure.
— Non, de toute façon j’aime bien les hommes mystère.
— Comme ce Valens…
— Oui, soufflai-je. Sur lui aussi, tu as lu un rapport ?
— Non, pas encore. Devrais-je ?
— Je ne sais pas… mais je ne pense pas que ce soit un problème de sécurité nationale !
L’Émissaire éclata de rire. L’événement était suffisamment rare pour me couper le sifflet.
— Je suis vraiment ravi de te connaître, Wave. Tu as cette fraicheur, cette intelligence et cet humour qui me permettent de penser qu’ALE restera définitivement un jeu et non un futur potentiel.
— Merci.
Les mots de L’Émissaire me réchauffèrent le cœur. Il me trouvait intelligente. J’aimais de plus en plus ce compagnon.
L’Émissaire se leva de son fauteuil.
— Dis… je commence à m’inquiéter pour Eo.
— Tu as raison. Nous n’allons pas entrer dans ALE sans lui de toute façon.
— Oui, c’est sûr.
Pourtant, moi, je mourais d’envie d’y aller. J’avais quelqu’un à voir.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demandai-je.
— On rentre chacun chez soi. Peut-être nous aura-t-il laissé un message. Je te propose que nous nous retrouvions demain, à la même heure.
— Non, demain je suis prise. J’ai un anniversaire.
Je me levai aussi et fis le tour de mon fauteuil.
— Oui, c’est vrai. J’avais oublié. Tu as bien raison de t’amuser !
L’Émissaire s’était rapproché de la porte coulissante. Il actionna le bouton de sortie.
— À dimanche, même heure !
— Oki. Et ne passe pas ta nuit sur tes rapports, hein !
— Non, ne t’inquiète pas.
La porte se referma sur le grand black mystérieux.
De mon côté, j’avais aucune raison de rentrer chez moi et plein de croustillantes raisons de retrouver Valens.
Lorsque je me matérialisai dans ALE, la nuit était tombée sur Natuuralya. Une lune bien ronde apportait tout juste l’éclairage artificiel dont j’avais besoin pour naviguer sans trop de difficulté dans les alentours de la cité végétale.
Je dévalai la colline et scrutai le haut des arbres, à la recherche de mon compagnon magique : celui qui apparaissait et disparaissait sans le vouloir ! Les branchages étaient désespérément vides. Le chant des oiseaux qui les emplissait joyeusement ce matin s’était tu. Par contre, le cri d’un hibou ou d’une chouette déchira le silence nocturne. Je ne me sentis plus très à l’aise, soudain.
Je m’aventurai jusqu’à la fontaine inversée. Toujours pas de trace de Valens. Où pouvait-il bien se trouver, le bougre ? Je pris mon courage à deux mains et traversai l’eau qui me glaça les mollets. Ils auraient pu la chauffer, tout de même. J’oubliais alors que mes sensations venaient en partie de mon imagination. Et dans ma tête, l’eau ne pouvait être que glaciale en pleine nuit.
J’ouvris le petit portillon du parc aux trèfles à quatre feuilles et découvris Valens, étendu sur une chaise longue.
— Ben t’es là ? rouspétai-je d’un ton joyeux.
Il ne répondit pas. Je m’approchai et m’allongeai sur le second transat en bois.
— Je te cherchais, ajoutai-je, pleine d’espoir.
Valens resta silencieux.
— Dis-le si je te dérange !
— Chuuuut, murmura-t-il. Tais-toi et observe.
Je scrutai le ciel et vit passer une étoile filante. La petite boule glissa dans la nuit et disparut aussi soudainement qu’elle était apparue.
— Tu contemples les étoiles ?
— Oui, c’est tout ce qui me reste, dit-il à voix basse.
Il semblait triste. Je restai silencieuse quelques instants. Après vingt-trois traversées célestes, il ouvrit enfin la bouche.
— Qu’est-ce qu’on fait là ?
— Ben, on regarde les étoiles, soufflai-je.
— Tu as très bien compris ma question, Lola. Je n’ai pas très envie de jouer, si tu vois ce que je veux dire.
Son changement d’attitude me frappa. Je décochai un bref regard à son profil dont l’ombre se découpait sur le fond étoilé. Valens semblait grave et préoccupé, comme s’il avait longuement ressassé des idées noires. N’était-il pas censé rester « endormi » pendant notre absence ?
— Eo n’est pas venu au rendez-vous, expliquai-je, alors avec L’Émissaire on a décidé d’attendre dimanche.
— Dimanche, répéta Valens d’une voix atone. C’est quand, dimanche ?
— Après demain.
— Quoi ? s’étrangla-t-il en se relevant d’un bond. Vous n’allez pas revenir avant quarante-huit heures ?
Je me redressai à mon tour.
— Euh… non.
J’avais l’impression d’être sur un terrain glissant. J’avais envie de le chatouiller pour le dérider un peu.
— Y a un truc que j’ai loupé depuis ce matin ? me risquai-je.
La tête engoncée dans les épaules, mains au fond des poches, Valens fit descendre sur moi un regard sombre.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Ben en résumé, ce matin tu étais « sympa » et ce soir tu sembles dépité.
Il se rassit à califourchon sur son transat, face à moi.
— Tu n’as pas l’air de bien comprendre, Lola. Je suis coincé dans ce foutu jeu. Ma mère doit être morte d’inquiétude et toi, tu te balades… comme si de rien n’était.
Moi aussi, je m’installai de façon à être bien face à lui.
— Dis, je n’y suis pour rien si t’es bloqué là-dedans, moi ! En plus, c’est ta théorie… Qui me dit que c’est vrai ?
Il baissa la tête jusqu’à ce que son front touche le dossier de sa chaise longue. Je ne voyais plus de lui que ses cheveux noirs.
— Tu ne vas pas recommencer ? souffla-t-il d’une voix étouffée.
— Recommencer quoi ?
Il se redressa. Ses yeux bleus transperçaient la nuit.
— À douter ! Je ne suis pas sûr que tu réalises dans quelle situation je me trouve.
— Ben si, justement. Je viens te voir pour pas que tu sois tout seul paumé dans le noir et là, tu vas bientôt me le reprocher !
Il baissa la tête. À la faveur de la lune, je vis les traits crispés de son avatar se détendre.
— Tu as raison. Je suis désolé. Mais je suis inquiet.
Je ne pouvais décidément pas me mettre en colère contre lui.
— C’est moi qui suis désolée. Je ne voulais pas douter de toi, mais…
— Mais tu doutes quand même. C’est normal. À ta place, j’en penserais pas moins. D’ailleurs à ta place, je ne serais pas ici.
— Je te le répète, je ne doute pas de toi. Je pense sincèrement que tu as un problème et j’aimerais pouvoir t’aider.
— C’est gentil.
Il se rallongea et scruta de nouveau les étoiles. J’observai la peau de son visage, blanchie par la lune. J’aurais aimé pouvoir le toucher.
— C’était chouette, ce matin, confessai-je.
— Tu sais… ce matin… je crois que je me suis laissé un peu emporter.
Mon cœur accéléra. Je pressentais qu’il allait faire marche arrière. Je serrai les mâchoires. Je perdais doucement ma concentration.
— Tu es… enfin, tu vois ce que je veux dire…
Oui, je voyais. Il allait me sortir le couplet : « tu es gentille, mais ça s’arrête là. »
— Je suis quoi ? repris-je, au bord de l’explosion.
— Tu es sympa.
Voilà. J’avais gagné. À ce jeu-là, j’étais imbattable. Sling ! Le couperet venait de tomber. J’étais sympa, mais ça s’arrêtait là. Déjà déçue de ce qu’il allait dire, je ne répondis pas.
— Mais bon... tu ne me connais pas et… enfin… ne te fais pas de films !
— Non, je ne me fais pas de films, répondis-je, totalement démontée intérieurement.
Lucas était parti. Valens m’échappait aussi. C’était dans la logique des choses.
— Je vais suivre ton conseil et rentrer chez moi, balbutiai-je. Je n’aurai pas dû venir.
Je me levai. Valens se redressa aussitôt, inquiet.
— Attends. Je suis désolé si je t’ai blessée. Ce n’était pas dans mes intentions. Je suis juste un peu perdu en ce moment. Dans d’autres circonstances…
— N’ajoute rien, le coupai-je. Je suis une grande fille. J’ai capté le message. Léa, retour dans la loge, s’il te plait.
Le médaillon scintilla. Je regardai Valens, incrédule, puis il disparut alors que je me matérialisais dans la loge. Cette journée avait vraiment été merdique.

* Ça y est, la voiture est prête. Je te téléphone dès que possible. Désolé pour hier soir. Bisou.
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMar 20 Sep 2011 - 9:36

Bonjour,
Content de vous revoir. Toujours aussi palpitant.
Cordialement
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 23 Sep 2011 - 10:10

Ah ouais, depuis le 27 mars quand même ! C'est fou comme le temps passe...

Pas mal ce passage. Deux longs dialogues parfaitement maitrisés. Toujours autant de mystères sur l'Emissaire, et j'ai bien aimé le passage avec Valens. Il n'est pas tout blanc, gentil perso héroïque, on le sens perdu, apeuré, humain, et son égarement est très bien rendu.

Je suis content que l'histoire reprenne !
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeMer 28 Sep 2011 - 7:27

Ha la suite !

— ne sera pas peuplé de Barbies, mais d’hommes : Barbie (c'est un prénom, reste invariable)
— De mon côté, j’avais aucune raison : je n’avais (dans les dialogues ça passe, mais pas dans la narration)


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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeJeu 13 Oct 2011 - 19:20

Bonsoir à tous,

Désolée pour ce long silence. N'ayant que très peu de temps pour vous lire, je n'ai pas posté la suite d'ALE car je ne pouvais assurer cet échange cordial qu'il y a sur ce site de lire et d’être lu en contrepartie.
Je pense maintenant pouvoir vous lire de nouveau donc je présente la suite de mon récit. j'ai une bonne dizaine de chapitres à vous soumettre.
Merci pour vos commentaires, voici donc le chapitre 18 :


J’ôtai mon casque et le déposai sur ma table de chevet. J’attrapai la télécommande de mon volet roulant pour l’entrouvrir. Les lumières orangées des lampadaires extérieurs envahirent ma chambre. J’apposai mon oreiller contre le mur et m’appuyai dessus. Il ne faisait pas froid, pourtant je tirai ma couette pour la remonter sur moi. Je m’enfonçai dans un petit cocon de douceur.
J’avais bien du mal à comprendre ce qui m’arrivait. Je me sentais seule. L’absence avait pris place dans ma vie. Toujours sans nouvelles de mon père, il me manquait terriblement. J’avais eu le sentiment qu’avec ALE j’aurais pu me rapprocher de lui, marcher dans ses pas, mais ALE demeurait un monde d’illusions.
J’attrapai Nono, mon vieil ourson jaune et blanc tout bouloché. Il ne lui restait plus qu’un œil. Il ne sentait pas très bon non plus, mais il était trop volumineux pour entrer dans la machine à laver. Il avait presque mon âge. Nous avions passé de nombreuses nuits ensemble, lui blotti contre moi, ou l’inverse. À l’époque, il me protégeait des fantômes et des monstres qui pouvaient surgir du dessous de mon lit. Désormais, j’étais trop grande pour m’en séparer. Il était mon consolateur muet, sa présence m’apaisait. Je le serrai contre moi.
Ma mère et Luc s’amusaient en vacances. Même mes petits frères me manquaient. Pas cool de rentrer chez soi et de constater que personne ne vous attend. Que personne n’a allumé la lumière. Qu’il n’y a pas de cris stridents à l’autre bout du couloir. Que Mister John et Knut l’ours blanc sont restés dans leur panier.
Lucas, lui, devait filer comme l’éclair vers les belles plages espagnoles avec son ami Marco. En ce moment, ils avalaient les kilomètres, heureux.
Et puis Valens. Lui, il n’avalait rien du tout. Punaise, il avait bien failli me faire du mal, celui-là. Non, je devais être honnête avec moi-même : il m’avait fait du mal. Il m’avait rejetée, point barre. Je sentis deux lourdes larmes grossir. Je clignai des yeux ; elles dévalèrent mes joues et plop, tombèrent sur le crâne de Nono qui les absorba sans commentaire. Je devais me lever et trouver un mouchoir avant de barbouiller Nono le fidèle. Je devais surtout arrêter mes pleurnicheries de gamine gâtée. J’avais une famille que j’adorais et qui me le rendait. J’avais des amis géniaux, aussi bien réels que virtuels. J’avais la chance de pouvoir suivre une formation supérieure et j’avais un petit ami sexy, qui s’assumait tout seul, qui n’était ni jaloux, ni radin, ni lourdingue, ni violent, ni obsédé. Aujourd’hui absent, certes, mais nous avions été clairs dès le départ l’un avec l’autre : pas de promesse, pas d’engagement. Lui était dans une phase de développement professionnel, moi je me devais à mes études. Si nous n’étions que cent personnes sur Terre, je serais probablement la plus comblée au monde. Un petit coup de positive attitude et j’aurai tout pour être heureuse… à condition de ne pas avoir la tête d’une momie ce soir à l’anniversaire de Jan.
J’allumai mon ordinateur et en profitai pour lire mes emails. Toujours pas de news d’Eo. Cela devenait carrément étrange. Jan confirmait l’horaire pour la fiesta, ainsi que l’itinéraire. Je fermai ma boite à messages, retournai dans mon lit et allumai la télévision. Mes yeux me piquaient, mes paupières étaient lourdes, mais je luttais malgré moi.

Ils arrivèrent de toutes parts, sirènes hurlantes. Wii, wii, wii. En quelques secondes, j’étais cernée. Les uniformes bleus à flamme blanche sortirent précipitamment de leurs véhicules.
Grésillant dans un haut-parleur, une voix se fit entendre :
— Ceci n’est pas un exercice ! Veuillez évacuer les lieux de toute urgence !
Ce fut aussitôt le chaos autour de moi. Les enfants dans leur poussette se mirent à brailler. Leurs mamans affolées avaient embrayé la vitesse d’urgence. Les marchands illégaux replièrent leurs nappes et s’échappèrent comme des souris. Les alarmes des magasins se déclenchèrent, accentuant la panique. Certains trouvèrent refuge dans l’église.
Je restai là, stoïque, bousculée par la foule. J’avais envie de leur dire que ce n’était qu’un jeu.
— Mademoiselle ! aboya un policier. Vous devez évacuer la zone ! Ne restez pas là !
— Euh…
— Dépêchez-vous ! C’est une alerte à la bombe, vous me comprenez ?
Il me débita le même discours en néerlandais, puis en anglais. Je tournai les yeux et vis Valérie courir.
Alors seulement, je percutai. Je n’étais plus dans ALE. L’alerte était bien réelle. Le cataclysme débutait. Mon monde s’écroulait. L’enfer était sorti du jeu.
Je pressai mon sac contre moi et partis aussi loin que mes jambes pouvaient me porter. Je contournai l’église, empruntai la ruelle qui menait sur le boulevard, m’arrêtai brusquement, paumée dans la panique. Une déflagration retentit. La terre se mit à trembler. Les vitres éclatèrent tout autour de moi. Les voitures se soulevèrent. Le souffle me percuta dans le dos, me trainant sur quelques mètres avant que je percute un objet métallique planté dans le sol et que je m’effondre. Je tombai à terre. La poussière envahit l’espace. Je me protégeai le visage avec mes mains. Je tremblais.
— Non ! suppliai-je. Non ! Pas ici, s’il vous plait, pas ici !
Je me recroquevillai au pied de ce maudit poteau qui avait arrêté mon envol.
— Attentat ! hurlait-on autour de moi. C’est un attentat !
Je suffoquais. Mes oreilles bourdonnaient. Je ne voyais plus rien. Je bouffais de la poussière. Léa sable. Léa Tornade. Léa rien du tout. Je n’étais pas dans le jeu. J’entendais des pleurs non loin, des gens appeler au secours. Quasi aveugle, je tentai de me relever. Une douleur effroyable me paralysa ; je retombai à terre. Je tâtai ma jambe droite. Je n’avais plus de jambe. Je me frottai le visage avec l’intérieur de mon tee-shirt. Mes yeux me piquaient. Lorsque je pus enfin les rouvrir, mon estomac se souleva. Ma jambe gisait à côté de moi. Elle n’était plus connectée à mon corps. Je tendis le bras pour l’attraper, je vomis instantanément.
— Mamaaaaan ! hurlai-je. Mamaaaan, viens m’aider !
Mon corps sursauta comme sous l’effet d’un électrochoc. J’étais tétanisée. Tous mes muscles étaient contractés. J’avais le souffle court, mon cœur frappait fort. Nono gisait sur le sol. Ils avaient tué Nono !
Il me fallut plusieurs pulsations pour réaliser que c’était moi qui avais failli tuer ma peluche et que j’étais bêtement tombée de mon lit ! Je frottai mes jambes. Elles étaient bien là. J’allais par contre récolter un beau bleu sur le genou droit. Par chance, Nono avait amorti ma chute, je n’avais rien à la tête. Qu’est-ce que j’avais eu la trouille ! Un attentat à l’Innovation de la rue Neuve ? J’avais le cerveau en compote. Je me relevai, chancelante, puis éteignis la télé qui susurrait des promos imbattables du style « attentat sur les prix des canapés en cuir ».

Je pris un verre d’eau. L’horloge de la cuisinière indiquait « 01:49 » en vert sur fond noir. Dans les films, les minuteurs des bombes sont souvent rouges et noirs, pensai-je. Des réminiscences de mon attentat flottaient encore dans ma tête. Les sirènes des alarmes. Le nuage de fumée. Le goût de la poussière. Ma basket blanche au bout de ma jambe arrachée. Un frisson me parcourut. Je devais me changer les idées.
De retour dans ma chambre, je rallumai mon PC et trouvai enfin un message d’Eo.
Sorry Wave. J’ai eu un léger accrochage avec ma voiture. Tout va bien ! Mais le temps de faire les papiers et de rentrer, vous étiez partis. J’en ai profité pour rendre une petite visite à qui tu sais… Il semblait mal à l’aise. Qu’est-ce que tu lui as fait ?: -) lol
On se voit dimanche, même heure XD.
Eo
Soulagée, je répondis immédiatement.
Hello Eo. Un accident ?!!!! Grave !!! Heureuse que tu t’en sortes bien ! Moi ? Ai rien fait !!!! Il scrute les étoiles filantes… T’imagines le scénario !!!! À dimanche.
Kiss. Wave
J’éteignis mon PC, rassurée, et retournai dans mon lit. J’attrapai mes deux jambes et me mis en boule. Je me demandais ce que Valens avait bien pu raconter à Eo. J’imaginai plusieurs scénarios avec des dialogues « entre mecs », tous aussi débiles les uns que les autres. Dans tous les cas, j’allais sûrement me faire chambrer par mon ami. Au bout de trente minutes de tergiversation, je fus d’accord avec moi-même. Valens était un con. J’avais un petit ami avec qui je me sentais bien ; Valens ne valait pas la peine de tout gâcher. Sans être trop radicale, je décidai de l’aider « si possible », sinon tant pis.
J’enfouis mon nez dans le cou de Nono. J’aurais préféré celui de Lucas. Je m’endormis, déterminée.

Je me réveillai aux environs de quatorze heures, complètement cassée. Quelle horreur, ce cauchemar ! Je me levai lamentablement et rallumai mon GSM. J’avais deux nouveaux messages.
Le premier de Valérie : Rdv magaz1 18.30 aprè V me chanG Partons avec B Ché Jan Kiss.
Le second de Lucas : Bi1 arriV Kiss.
Pas très bavard, l’ami Lucas ! Bon, j’avais quelques heures à tuer avant de retrouver ma copine. Je me préparai un thé et me lovai dans le canapé du salon. Il faisait un temps magnifique, une bonne nouvelle pour le BBQ d’anniversaire de Jan.
Je profitai de l’après-midi pour faire un peu de rangement et surtout pour classer mes papiers. J’étais plutôt bordélique sur ce plan. Je consultai mon compte bancaire : mes économies fondaient comme la banquise et ça n’irait pas en s’arrangeant. Je n’allais pas travailler pendant cet été. Je m’y étais prise trop tard et tous les jobs étudiants avaient été raflés en quelques semaines, au tout début de l’année. Il faut dire que nous étions de plus en plus nombreux à vouloir bosser et que les places étaient chères. De plus, je ne bénéficiais d’aucun piston. Ma mère avait fait jouer sa carte dans son entreprise, l’an passé, c’était au tour de quelqu’un d’autre cette fois-ci. Du côté de Luc, je n’avais pas les compétences ; du côté de Lucas, j’avais refusé son aide. Je ne voulais pas de mon petit ami pour patron, fallait pas mélanger les genres.
ALE restait ma seule option pour renflouer mes caisses ! C’était pas gagné.
À 18 h 30, je pointai mon nez devant la porte du magasin où travaillait Valérie. Elle la franchit un quart d’heure plus tard, furieuse.
— Faut vraiment que j’aie besoin de fric ! cracha-t-elle en me rejoignant.
Je m’approchai pour l’embrasser, mais elle continua son monologue. Ma joue resta suspendue dans les airs.
— Non seulement elle me lâche avec quinze minutes de retard, mais en plus elle ne va pas me les payer. Elle trop radine.
Valérie pointa son doigt vers moi ; je reculai.
— M’en fous. Lundi, je sors avec quinze minutes d’avance !
— T’as bien raison ! lançai-je, amusée.
Ses yeux pétillèrent subitement.
— Excuse-moi, c’est toi qui prends.
Enfin, elle sourit. Je tendis une seconde fois ma joue. Elle m’embrassa.
— Tirons-nous ! Et allons faire la fête.
Nous rentrâmes chez elle en métro. Bruno, son copain, nous attendait dans sa voiture stationnée au pied de l’immeuble, la musique à fond.
Valérie lui fit signe de patienter encore dix minutes. Il opina du chef sans un mot.
Pendant que j’envoyais un texto à Jan pour l’informer que nous serions un peu en retard, Valérie s’apprêta. Elle enfila un pantacourt sombre et un top fleuri sans bretelles. De mon côté, j’avais choisi une tenue plus sexy : une jupe courte en jeans et un chemisier violet dont le décolleté laisser entrevoir un joli soutien-gorge en dentelle noire et rose, un autre cadeau de Lucas. Nous avions toutes deux opté pour des baskets en toile, plus adaptées au jardin de mamie !
Lorsque nous rejoignîmes Bruno, il fumait une clope tout en battant le rythme sur son volant. Valérie lui demanda de baisser le son. Il grimaça, mais s’exécuta. Je pris place à l’arrière, repoussant des vêtements et les restes de son lunch. Ça sentait la frite et la cigarette, mais je ne fis aucun commentaire. Cela faisait partie des habitudes de Bruno, à croire qu’il vivait dans sa voiture. Il était électricien, métier qui ne connaissait jamais la crise. Bruno n’avait jamais éprouvé le besoin de se défoncer au travail. Il bossait via une agence intérim qui le contactait en permanence, mais il n’acceptait les missions que lorsqu’il était à sec. Il squattait une piaule au-dessus du garage de son oncle, à qui il rendait de petits services de temps à autre en guise de loyer.
Je n’avais jamais compris ce qui « électrisait » Valérie chez Bruno, mais elle se sentait bien en sa compagnie. L’ami de mon amie était donc devenu mon ami.
Nous arrivâmes vers 20 heures chez Jan. Nous étions les derniers, mais pas trop en retard ; tout le monde était encore à l’apéro. Jan avait invité une bonne trentaine de personnes. Seuls quelques visages m’étaient connus. Deux jeunes femmes s’activaient dans la cuisine et finissaient de préparer des salades de tomates. Dehors, des petits groupes discutaient, un verre à la main. L’avenir de l’Europe, cinéma, musique et la dernière conquête de Jan, heureusement absente.
J’attrapai une sangria au passage et me dirigeai vers les BBQ. Un homme s’agitait seul, un tisonnier ou quelque chose de ressemblant à la main.
— Bonjour ! lui lançai-je, tout sourire. Je suis Lola.
— Olivier.
— Tu es le cuisinier en chef ?
— Oui, on dirait.
Il prit une gorgée de bière qu’il reposa sur la petite table carrée entre deux immenses plateaux en aluminium remplis de brochettes, boudins, saucisses et merguez. J’observai silencieusement les braises en sirotant mon verre.
Jan vint nous rejoindre.
— Tu peux lancer la cuisson, Oli. Je vois que tu as fait la connaissance de Lola.
L’Oli en question hocha la tête. Vraiment pas causant.
Je m’accrochai au bras de Jan qui m’entraina, à mon grand soulagement, vers une bande de copains très enclins à faire la fête. J’avais réellement envie de m’amuser. Le repas consommé au rythme des cuissons se termina vers 23 heures. Jan fit péter les bouteilles de champagne. Il fêtait ses vingt ans. L’ouverture de ses cadeaux fut un grand moment de rigolade. Son cousin Pieter avait rempli un carton de déménagement de préservatifs dont chaque pochette contenait un message détourné. La lecture qui s’ensuivit apporta son lot d’éclats de rire et de commentaires en tous genres. Tee-shirts humoristiques et autres gadgets ridicules complétèrent la panoplie. Notre cadeau, le gilet lumineux, était vraiment très soft à côté des autres… jusqu’au moment où Jan entreprit de se déshabiller pour le revêtir et pédaler presque nu dans le jardin de sa grand-mère.
Passé minuit, un inconnu s’improvisa DJ et nous invita à rentrer dans le garage attenant à la maison que Jan avait tout spécialement décoré pour nous. Dans le fond scintillait un panneau avec les mots have fun. Des tentures taguées recouvraient les murs intérieurs et des faisceaux lumineux fusaient dans tous les sens. Le DJ monta le son et la plupart des femmes suivirent le rythme alors que les hommes restèrent dehors. Ils n’étaient pas très nombreux à vouloir danser. Je descendis d’une traite ma seconde flûte de champagne et m’élançai sur le dance floor, les bras en l’air, joyeuse. La musique était géniale. Je ne décollai pas de la piste pendant plus d’une heure. Le DJ avait du goût dans sa sélection musicale. Valérie vint me rejoindre à plusieurs reprises et nous dansâmes ensemble. Je dus interrompre mes déhanchements torrides, car la soif me tenaillait. Valérie me suivit.
Je sortis à l’air frais et avalai à grandes gorgées un verre de coca.
— T’as vu le grand blond qui te reluque ? me souffla Valérie à l’oreille.
— Non, lequel ? demandai-je en me tournant.
— Punaise ! T’es pas discrète !
De l’autre côté de la table, clope au bec, un jeune homme me regardait fixement. Je lui souris. Après tout, il n’y avait pas de mal à ça ! Il me rendit mon sourire, se leva d’un mouvement souple, se dirigea vers nous, mais attrapa au passage une jeune femme qu’il embrassa dans le cou.
— Gonflé, le type ! commenta Valérie.
— Ouais ! Je m’en fous ! Moi aussi, j’ai quelqu’un !
— Auquel des deux tu penses, là ?
— Ben, à Lucas, répondis-je.
Valérie sourit. Son hochement de tête confirmait qu’elle ne me croyait pas.
— D’accord, aux deux ! admis-je tout en déposant mon verre sur le coin de la table.
Elle me connaissait trop bien.
— Je ne fais rien de mal.
— Je n’ai pas dit le contraire.
— Lucas est…
— Loin ! s’exclama-t-elle.
J’acquiesçai d’un clignement de paupières.
— Valens est…
— Mystérieux, souffla-t-elle.
J’écarquillai les yeux, mordis ma lèvre inférieure.
— Et Lola, reprit-elle en ricanant, aime le mystère pour pimenter sa misérable petite vie d’étudiante.
J’adorais mon amie. Elle éclata de rire, j’en fis de même.
— Mais bon, chuuut, pas la peine de le crier sur les toits, implorai-je.
— Moi, je suis muette comme une tombe.
Elle pinça son pouce et son index et les glissa sur sa bouche, comme pour fermer une fermeture éclair. Elle remua du popotin et se dirigea de nouveau vers le petit groupe qui se déhanchait sur un rythme latino endiablant.
J’attrapai une nouvelle flûte de champagne qui glissa dans ma gorge et me fit frémir.
Je devais soulager une envie pressante qui me tiraillait depuis un moment. Je rentrai dans la maison en direction des toilettes. J’abaissai la poignée ; la porte était fermée à clé. Je tendis l’oreille. L’endroit n’allait pas se libérer de sitôt : des bruits étouffés s’en échappaient.
Je montai à l’étage, dans la salle de bain de la grand-mère. En sortant, je vis que la porte de la chambre que Jan occupait lorsqu’il venait en WE était entrouverte. Je la poussai, curieuse. Un trait de lumière venant du couloir éclaira le lit de Jan.
Posé dessus, son casque.
La tentation me tenaillait. La curiosité me tiraillait. Qu’est-ce que tu lui as fait ? avait écrit Eo dans son email. Qu’est-ce que Valens a bien pu lui raconter ? me demandai-je, moi.
L’alcool me désinhibait. J’entrai dans la pièce, refermai doucement la porte, m’allongeai sur le lit et glissai le casque sur ma tête.

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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeVen 14 Oct 2011 - 10:01

Bonjour,
Content de vous revoir. On ne fait pas toujours ce que l'on veut. Le principal est que vous alliez bien. J'ai adoré ce passage.
Cordialement
auteur008
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeLun 5 Déc 2011 - 7:57

Bonjour, deux petites corrections.

— Le souffle me percuta dans le dos, me trainant sur quelques mètres avant que je percute un objet métallique planté dans le sol et que je m’effondre : répétition de percuter (frappa pour le premier)
— à la maison que Jan avait tout spécialement décoré pour nous : décorée
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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeDim 18 Déc 2011 - 22:25

Bonjour,

Merci pour vos commentaires.
Voici le chapitre 19 :

— Ah non !
Je me relevai et ôtai le casque de ma tête. Valérie était plantée devant moi, mains sur les hanches.
— Dis, tu penses pas que tu exagères un peu, là ? C’est l’anniversaire de Jan et tu nous lâches pour rejoindre le poète !
Honteuse, je reposai l’objet de mon délit sur son support.
— Désolée, je n’ai pas pu résister, grimaçai-je.
— Je vois. Faut que je lui dise deux mots à l’autre.
— Impossible, répondis-je avec un soupir. Tu ne peux pas entrer dans ALE.
— Ali ? C’est quoi ce truc ?
— Rien d’important.
— Alors, si ce n’est pas crucial, insista-t-elle, suis-moi ! La musique est bonne, l’ambiance est géniale et la nuit ne fait que commencer. Ça te changera les idées. Laisse-les un peu mariner, tous tes mecs. Il faut savoir se faire désirer dans la vie.
Comme je pouvais aimer mon amie. Elle trouvait toujours les bons mots. Nous sortîmes de la chambre de Jan et rejoignîmes les autres.

L’horloge de la voiture affichait quatre heures trente du matin quand Bruno et Valérie me déposèrent en bas de chez moi. Nous croisâmes les premiers camions du marché dominical qui commençaient à s’installer. J’avais vraiment passé une excellente soirée et personne, sauf Valérie, ne s’était aperçu de ma petite disparition. J’aurais mal vécu de décevoir Jan le jour de son anniversaire et, après réflexion, mon amie avait bien raison : ce n’était pas à moi de courir derrière les mecs.
J’émergeai vers 16:00, la tête en vrac mais heureuse. Aucun cauchemar n’avait perturbé mon sommeil. Aucune question ne venait bouleverser mon esprit. Je me sentais libre et légère.

J’étais curieuse de découvrir la suite de notre tour du monde dans ALE. J’arrivai la première dans la loge. Je consultai nos résultats et comme le disait L’Émissaire, notre position dans le classement était honorable. Les équipes qui nous précédaient bénéficiaient, semble-t-il, d’une mission d’avance. Donc, si nous marquions de nombreux points ce soir, nous pourrions gratter peut-être une ou deux places. Je m’en frottai les mains.
— Tu as l’air bien heureuse, constata Eo alors qu’il passait la porte.
— Je le suis ! Je pense que nous avons l’opportunité de grappiller des XP et d’être en meilleure position.
Eo s’approcha du panneau d’affichage et mit son avatar en position « je réfléchis », ce qui chez lui se traduisait par « je me gratte le crâne ».
— Au fait, et toi ? Cet accident ?
— Rien de grave, un petit accrochage de rien du tout. Juste un peu de tôle froissée. Une nana, jolie de surcroit, sortait de sa place de parking alors que j’arrivais. Elle n’avait pas mis son clignotant, je n’ai rien vu. Nous avons rempli un constat et voilà.
L’Émissaire franchit la porte à son tour. Il nous salua et s’approcha lui aussi du tableau. Il échangea quelques mots avec Eo qui recommença son blabla sur son pseudo accident, puis il s’enquit de savoir si j’avais passé un bon week-end.
Nous nous dirigeâmes vers le lecteur, prêts à partir.
— Tu n’as rien à me dire ? demandai-je à Eo avant d’insérer ma carte.
— Non, répondit-il d’un air surpris. Je devrais ?
— Non, rien d’important.
Il me regarda, tout sourire.
— Es-tu prête ? chantonna-t-il.
— Aaaah ! Tu vois ! Tu as des choses à me dire ! insistai-je.
— Mais non, enfin ! Je te demande juste si tu es prête.
— Tu veux savoir si je suis prête à le revoir !
Eo s’approcha de moi, me décocha son clin d’œil crétin habituel et susurra :
— Ne t’emballe pas, Wave. Il sera là.
Il entreprit un petit Makélélé pour me faire mariner. Je grimaçai.
— Je m’en fous ! Il peut être là ou ailleurs. Une seule chose m’intéresse : la mission. Je veux gagner des points ! Non, mieux, ajoutai-je en haussant le ton, je veux gagner la partie !
— Alors, let’s go ! lança Eo.
L’Émissaire était resté muet pendant toute notre joute verbale. On aurait dit un sage qui regardait, amusé, deux jeunes se chamailler. Au fond, il avait raison.
En un clin d’œil, un nouveau décor s’offrit à nous. Nos trois avatars se tenaient perchés sur le toit d’un building, au milieu de nombreux autres bâtiments.
— Où sommes-nous ? bafouillai-je aussitôt.
— Chez moi, répondit sobrement L’Émissaire.
Eo et moi nous retournâmes d’un coup dans sa direction.
— C’est où chez toi ? m’enquis-je alors.
— Regarde, me conseilla mon compagnon avec un signe de tête.
Je le suivis du regard et reconnus immédiatement le toit du Chrysler building, puis celui de l’Empire State building. Nous étions à New York !
— Mais… tu es Américain ? piaillai-je, bouche bée.
— Yes, my dear.
— Mais… tu parles parfaitement notre langue.
— Merci du compliment, répondit-il de sa voix grave.
Ses yeux étincelèrent, son sourire devint éclatant. Il était superbe. Eo et moi étions stupéfaits. Notre équipier venait d’un autre continent. L’Émissaire nous observa un moment, puis éclata de rire.
— Il n’est donc pas 22 heures pour toi, répliquai-je avec assurance.
— Effectivement, il est beaucoup plus tôt.
Ma remarque était des plus incongrues, L’Émissaire ne pouvait s’interrompre de sourire.
— Trop cool, mec ! lâcha Eo qui désormais nous tournait le dos et scrutait je ne sais quoi.
— Mais quand nous nous connectons vers 14 heures ? insistai-je.
— Il est encore plus tôt chez moi, rétorqua L’Émissaire du tac au tac.
J’étais en admiration devant ce grand black. Son avatar était trop mortel, il lisait des dossiers Top Secret et venait des USA. Il était un vrai thriller à lui tout seul. Je le fixai scrupuleusement. Il détourna la tête vers Eo, j’en fis de même. Ce grand dadais n’arrêtait pas de tourner en rond comme s’il montait la garde. Avec son pantalon militaire, il m’évoquait vraiment un GI en pleine guerre.
— Mais que fais-tu ? demandai-je.
— Je guette l’ennemi. On ne sait pas de quel côté il va surgir.
— En haut du toit ? ripostai-je.
— Ben oui, nous sommes encore plus vulnérables perchés ici.
Je haussai les épaules. Qu’est-ce qu’il pouvait m’agacer parfois ! Il jouait les petits soldats alors que nous avions à côté de nous un homme de plus en plus énigmatique.
— Je pensais que les équipes se trouvaient géographiquement très proches pour éviter ce genre de décalage horaire, déclara soudain Eo sans se retourner, à mi-voix.
— C’est peut-être le cas pour les autres, concéda L’Émissaire. Mais je n’avais pas le choix. Je devais « voyager » avec toi, Eo.
Eo fit volte face, comme s’il n’y avait soudainement plus de danger. Je le soupçonnai d’être tout à coup plus intéressé par la conversation et par notre compagnon, si taiseux habituellement.
— Avec moi ? demanda-t-il illico, piqué au vif.
— Oui.
Il s’approcha de L’Émissaire comme une mouche sur un fruit bien mûr.
— Pour quelle raison ?
L’Émissaire hésita un instant. Eo me fit des signes de la main, comme à l’armée, pour que je veille sur nos arrières. Il ne manquait pas d’air ! Je m’exécutai néanmoins.
— Mon neveu, dit enfin L’Émissaire. C’est Akoyo.
— Akoyo ? articula Eo. THE Akoyo ? Celui qui a gagné WOP ?
— Oui, celui-là même. Comme il te connaissait sur la Toile et qu’il me fallait un partenaire, il m’a tout de suite dit : « Demande Eo ». Par chance, je n’ai pas eu à insister. Tu as dit oui immédiatement.
Eo était sur le cul. Moi aussi. Je stoppai mon tour de garde. Le mystérieux black en avait après mon pote.
— Mais… bredouilla Eo, circonspect.
— Il te respecte énormément. Tu as été un parfait adversaire, m’a-t-il assuré. Il m’a initié à tes jeux et je suis venu combattre de temps en temps à tes côtés. Il avait parfaitement raison, soit dit en passant.
Alors là, je crus que l’ego d’Eo allait exploser.
— Donc, depuis notre rencontre, tu m’étudiais ?
— C’est un peu ça.
L’avatar d’Eo n’avait pas bougé, mais l’homme qui se cachait derrière devait avoir grandi de cinq centimètres, peut-être même dix tellement cette reconnaissance devait le rendre fier.
— Attends ! se ressaisit-il. Y a un truc que je pige pas. J’ai été informé pour ALE il n’y a que quelques mois.
— Toi, sans doute. Moi, je connais ce projet depuis cinq ans.
— Cinq ans !
J’avais joint mon cri d’exclamation à celui d’Eo, dont l’ego était redescendu brutalement sur Terre. Il avait un train de retard sur les infos. Il devait être tout tassé sur lui-même, maintenant.
— À chacun ses petits secrets, ajouta L’Émissaire, tout sourire.
Encore des secrets ! L’Émissaire battait tous les records. Je ne sais pas comment, mais il nous embrouilla rapidement l’esprit par la suite, nous n’apprîmes rien de plus sur lui ce jour-là.
Toujours situés sur le toit plat de l’immeuble, nous nous penchâmes au bord en effectuant le tour des lieux et découvrîmes avec stupeur que le bas de la ville de New York était devenu Venise. Telles des palétuviers dans une mangrove, les immenses tours de verre et de béton avaient les fondations qui baignaient dans l’eau. Perchée sur la cime de cette forêt moderne, le panorama qui s’offrait à moi était surréaliste. Ces géants de verre, stoïques, se miraient dans une mer calme alors que les rayons du soleil éclatant se reflétaient sur les centaines de vitres, nous enrobant d’un voile scintillant. Le « show » était troublant de réalisme. J’observai L’Émissaire et je crus lire, sur son visage inanimé, de la tristesse. New York aussi avait succombé et pour notre compagnon américain, le choc devait être grand. Et comme cela n’arrive pas qu’aux autres, je me demandai : si New York avait coulé, qu’était-il advenu de Bruxelles ? J’espérais qu’ALE me donnerait l’occasion de le savoir.
— Tu ne t’attendais pas à ça ! releva Eo à l’attention de L’Émissaire.
— Si ! Ils n’allaient pas se gêner. New York City et plus précisément le sud de Manhattan, se trouve sur la liste des villes qui risquent des difficultés si la montée des eaux s’avère réelle. Mais je dois bien t’avouer que le vivre de cette manière est une expérience fascinante.
La flèche orange se dessina, pointant vers le bas. L’Émissaire, lui, regardait le ciel.
— Vous permettez ? demanda-t-il.
— Fais-toi plaisir, man, répondit Eo.
L’Émissaire se rapprocha de moi. Je lui tendis le médaillon, il me remercia d’un clin d’œil. Il se jucha sur le rebord et dans un même mouvement, parfaitement synchrone, il se transforma en rapace et s’envola. Pendant un court instant, Eo et moi le regardâmes s’éloigner jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière l’Empire State Building.
— Il n’est pas là, notre ami, remarqua Eo en se retournant vers moi.
— T’inquiète, il est comme le loup blanc, il va apparaître à un moment ou à un autre.
Eo acquiesça d’un clignement des yeux.
— Tu es prête pour de nouvelles sensations fortes ? déclara-t-il soudain.
Je le dévisageai, suspicieuse. Il tendit le bras vers un câble fixé en haut d’une tourelle métallique, sur notre toit. Je tournai la tête et blêmis. Eo, lui, afficha son sourire idiot.
— Tu ne veux tout de même pas qu’on passe par là pour descendre.
— Mais si, regarde.
Il suivit la trajectoire du câble avec son bras. Je découvris alors que ce dernier avait un point d’attache sur un bâtiment en contrebas.
— Ils nous ont dessiné un parcours d’aventure dans New York, s’extasia Eo. J’adore ! Allez viens, on descend.
Nous grimpâmes sur la tourelle, chacun de notre côté. Arrivée à son sommet, je remarquai une seule et unique poulie. Eo s’approcha de moi, en parfait équilibriste, et se planta à cinq centimètres de mon corps, comme en attente. Je levai la tête pour mieux le voir.
— Je ne pensais pas qu’un jour tu viendrais dans mes bras, déclara-t-il.
— Comment ça, dans tes bras ?
— Ben, tu vas devoir t’accrocher à moi, ma belle.
Je fis non de la tête. Il fit oui de la sienne.
— Allez hop, grimpe !
Il s’abaissa légèrement, passa ses mains sous mes fesses et m’attrapa. Je sentis alors son buste contre le mien. Jamais je n’aurais cru cela possible un jour.
Il me jeta un coup d’œil tout sourire.
— Oui, je sais… je ne te mérite pas.
Cramponnée comme un bébé singe à sa mère, je tenais Eo de toutes mes forces. Il pivota sur lui-même, attrapa la poulie des deux mains.
— T’es bien accrochée ?
Je grognai dans son cou.
— Roule ma poule, c’est partiiiii !
Mon cœur se souleva alors que les bras d’Eo se détendirent. Je sentis immédiatement l’air glisser contre mon dos. J’avais trop la trouille. Serrer fort, serrer fort, commandai-je comme un disque rayé dans ma tête. Eo, lui, criait de joie. J’avais horreur de ces moments où je ne maitrisais rien.
— Attention ! déclara-t-il soudain. On va atterrir ! Prête pour un roulé-boulé ?
— Nooooon, m’étranglai-je.
— Trooop taaaaard !
Eo lâcha la poulie et me serra très fort. Nous roulâmes sur deux ou trois mètres avant de percuter quelque chose de très dur qui me fit lâcher mon étreinte et hurler à la mort. J’avais les pieds, les bras, le dos en compote. Lorsque je me redressai douloureusement sur un coude, je découvris Eo étendu, bras et pieds écartés.
— Wow, ça déchire, dit-il en se relevant lentement. J’ai l’impression d’être en mille morceaux.
Je gardai le silence, meurtrie.
— Ça va, toi ? s’enquit-il alors.
— J’ai l’impression qu’on m’a prise pour un punching-ball, gargouillai-je.
— Ouais, ils ont augmenté le niveau de sensation.
— Ils pourraient prévenir !
— C’est tout dans la tête, Wave !
— J’ai du mal à y croire, répondis-je en vérifiant que j’étais bien en un seul morceau. Et maintenant, on fait quoi ?
Eo étendit ses membres. S’il n’avait pas été un avatar, je suis certaine que toutes ses articulations auraient craqué d’un coup.
— On fait le tour et on cherche comment descendre encore d’un cran.
Il y eut une nouvelle tourelle et une nouvelle poulie. Nous enchainâmes ainsi les cascades, toutes plus périlleuses les unes que les autres, mais par chance pas trop douloureuses. À la fin du parcours, nous étions fort éloignés de notre point de départ. À mon sens, bien plus au nord, là où la ville avait les pieds au sec.
— Yo man, t’es dans les environs ? interrogea Eo en scrutant le ciel.
Pourvu qu’Eo ne rajoute pas son « man » ringard à toutes ses phrases, pensai-je soudainement.
— Oui, Eo. Et vous, la descente n’a pas été trop dure ?
— Nous sommes arrivés en bas sans mal, indiqua-t-il d’un ton rassurant.
— À Central Park ?
— Tu vois un parc, toi ? me demanda Eo qui tournait sur lui-même.
Je répondis « non » de la tête.
— Il y a bien une grande place, mais pas de parc, annonça Eo.
— Oui, désolé, je parlais du Central Park actuel. Dans ALE, il n’y a plus d’arbres ici, d’après ce que je vois d’en haut. J’arrive !
Il était rigolo, L’Émissaire. Comme si Eo et moi savions où se trouvait le Central Park actuel…
Nous étudiâmes ce qui restait donc de son parc. Une esplanade en bitume jonchée de papiers et cartons, ponctuée par les fameuses bouches d’égout fumantes que l’on voyait de nos jours dans les films. Seuls de larges panneaux d’affichage scintillants, comme les derniers vestiges de la ville aux cent mille lumières, trônaient dans ce capharnaüm. Autour de chaque tableau, des IA semblaient lire. Nous approchâmes et identifiâmes des centaines d’offres d’emploi… de trente minutes chacune renouvelable ! Le record du contrat à durée déterminée.
Dans un claquement d’ailes, L’Émissaire vint nous rejoindre.
— Alors ? l’interrogea Eo.
— C’est stupéfiant, tout le bas de la ville est sous eau. Cela fait froid dans le dos. Cet endroit aussi, ajouta-t-il, amer. Et vous, qu’avez-vous découvert ?
— Eh bien, Welcome in USA ! s’exclama Eo en déployant ses bras. Si nous avons atterri ici, ce n’est pas par hasard. A priori, nous devons trouver un job, conclut-il en désignant les panneaux d’affichage électroniques.
L’Émissaire éclata de rire.
— Aaah, je reconnais bien là mon pays. Travailleurs, les Américains.
— Et pollueurs, ajoutai-je en pointant à mon tour les déchets qui jonchaient le sol.
L’Émissaire grimaça.
— OK, reprit-il, qu’est-ce qu’on nous propose ?
Il lut attentivement quelques annonces ; Eo et moi l’imitâmes à notre tour.
— Il y a des jobs plus rémunérés que d’autres, commenta L’Émissaire.
— À ton avis, ils vont nous donner de l’argent pour de vrai ? demandai-je.
— J’en doute, dit Eo. Enfin, cet argent virtuel doit avoir une utilité quelconque. Il nous faut juste trouver quoi.
L’Émissaire avait joint ses mains devant sa bouche. Il étudiait la chose. Il se déplaça de panneau en panneau, hyper concentré. Il prenait cette mission très au sérieux, comme d’habitude.
— Nous devons découvrir l’objectif de tout ceci, marmonna-t-il.
— Le plus important est de gagner un max, déclarai-je en cognant mon poing dans ma paume.
— Je n’en suis pas si sûr, balbutia Eo, il doit y avoir un piège quelque part. Ce serait trop simple.
L’Émissaire le regarda de ses yeux brillants. Un sourire se dessina sur son visage.
— Que savons-nous faire ? questionna-t-il à haute voix.
— Euh, je suis toujours à l’école, moi.
Les deux garçons se retournèrent vers moi, amusés.
— On va te trouver quelque chose dans tes cordes, me taquina Eo.
À mon tour, je lus les annonces. Il y avait vraiment de tout. Vendeuse ? Bof. Top Model ? Pas équipée pour. Infirmière ? Pas compétente. Prof ? Beurk.
— De toute façon, nous devrions trouver un travail d’équipe, observai-je.
De nouveau, les deux garçons me fixèrent.
— Ben quoi ? On forme une équipe, non ?
— Oui, Wave, t’as peut-être pas tort.
Un panneau d’affichage plus volumineux et plus scintillant que les autres attira mon regard. Je m’en approchai. Un nombre aussi long qu’un bus clignotait.
— Venez voir.
Mes compagnons me rejoignirent.
— Regardez. Ces chiffres affichent la population de la ville.
— Elle décroit, fit remarquer L’Émissaire après un bref instant.
— C’est illogique, protesta Eo. New York ne fait que grandir.
— Ce n’est plus le cas, rectifiai-je
Ils s’entreregardèrent et se fendirent d’un sourire en coin.
— C’est ça ! déclarèrent-ils à l’unisson.
— C’est quoi, quoi ? demandai-je, n’y comprenant rien.
— Notre mission, m’expliqua L’Émissaire. Nous devons réhabiliter la ville pour qu’elle ne perde plus ses habitants.
— Nous avons le pourquoi mais pas encore le comment, marmonna Eo en ébouriffant ses cheveux blancs. Qu’est-ce qui les pousse à partir ?
— T’as vu dans quoi ils vivent ? m’exclamai-je. Vu d’en haut, c’est magnifique, mais vu d’en bas, bof ! L’eau a dû rendre de nombreux bâtiments insalubres, les sociétés ont dû partir, les gens ont dû se retrouver sans emploi. Pas de boulot, pas d’argent. Alors, tu te tires ! Rien de plus logique. Enfin, faut-il encore pouvoir partir, ajoutai-je avec un regard pour les IA autour de nous.
Les deux garçons me regardaient, interloqués.
— Je suis peut-être qu’une petite étudiante, mais je ne suis pas complètement débile. Mon analyse est sans doute simpliste, mais parfois on cherche à faire trop compliqué… non ?
— Wave, il faudrait plus de jeunes comme toi, déclara solennellement L’Émissaire.
— Pour le moment, je suis toute seule, pourras-tu t’en contenter ?
— Certainement. Tu es parfaite. Nous devons redynamiser New York ! commanda-t-il.
— Comment on s’y prend ? demandai-je.
— Y a une annonce pour réparer les pompes d’assainissement de la ville, enchaina Eo. Tout doit être contrôlé par informatique, cela doit rentrer dans mes cordes.
Je consultai à nouveau les annonces.
— Pour ma part, je vais faire femme de ménage, décidai-je.
— Hein ? s’étonna Eo.
— Avec l’aide du médaillon, je vais ramasser toutes les ordures des rues ! expliquai-je, déterminée.
— Excellent, déclara L’Émissaire. Si vous remettez la machine en route, moi je vais promouvoir la ville.
Trop cool, j’étais tout d’un coup surexcitée par ce nouveau challenge.
— OK, comment procédons-nous ?
Eo toucha le job qu’il souhaitait avec son doigt. L’annonce s’agrandit, changea de couleur et afficha :
Félicitation, vous avez décroché un travail.
Veuillez vous rendre dans le bâtiment vert.
Nous regardâmes autour de nous et découvrîmes qu’une tour clignotait maintenant en vert. L’Émissaire et moi fîmes de même et reçûmes nos instructions.
— Prêts à bosser dur ? demanda Eo.
— Bien sûr !
— Alors, le temps d’aller jusqu’à notre point de rendez-vous, d’exécuter notre tâche et de revenir ici… disons rendez-vous toutes les heures.
J’observai mes compagnons s’éloigner et pris la direction de mon point d’information. Arrivée dans mon gratte-ciel, qui clignotait en bleu, je découvris sur une carte des installations d’incinération. C’était un bon début. Je sortis et invoquai Léa tornade.
Mon avatar se désagrégea et, tel un aspirateur géant, je ramassai dans mon tourbillon tout ce qui trainait au sol. Je quadrillai ainsi quelques unes des avenues les plus célèbres de la ville. Je descendis sur Broadway et remontai par Madison Avenue, contournai le parc et repartis sur Central Park West, puis plongeai tout droit sur la 8ème. J’apportais mon lot de détritus à l’incinérateur le plus proche dès que mon tourbillon était trop chargé.
Au bout d’une demi-heure d’efforts intenses, je me dirigeai vers le parc et attendis mes compagnons. Le décompte s’affichait toujours en grand, cependant les chiffres dégringolaient plus lentement. D’un commun accord et sans autre choix, nous repartîmes pour une demi-heure de labeur supplémentaire. Eo avait encore à faire avec les pompes. Comme j’avais nettoyé une bonne partie de la haute ville, je décidai de faire du jardinage. En m’arrêtant sur Time Square, je découvris que L’Émissaire était devenu agent immobilier et avait mixé ses pubs pour la ville avec celles pour les logements. Toujours grâce à Léa, je fis sauter une bonne partie du béton et du bitume qui recouvraient les places d’autrefois. Comme par magie, les plantes et les arbres se développèrent instantanément.
J’eus alors une petite pensée pour mon ami jardinicien. Il ne nous avait toujours pas rejoints. Serait-il fier de mes espaces verts ?
Je naviguais dans tous les quartiers encore accessibles. Dans le bas de la ville, l’eau s’agitait et dessinait des vagues, comme si j’étais face à une marrée descente. Ça, c’était l’œuvre des pompes d’Eo. Nous étions sur la bonne voie.
Lorsque je retrouvai pour la seconde fois mes amis d’aventure, le décompte était figé. Plus personne ne quittait la ville. Nous étions très heureux et prêts à fournir un effort supplémentaire malgré la fatigue qui commençait à se faire sentir de mon côté. Mais trop fière, je ne dis rien.
À notre troisième rendez-vous, l’indice de population était reparti à la hausse. Nous avions remporté ce défi, grâce à notre travail d’équipe. L’Émissaire nous annonça avoir gagné beaucoup d’argent au point que nous étions virtuellement multimillionnaires.
— Qu’allons-nous faire avec ? demandai-je.
C’est alors que Léa se matérialisa.
— Bonjour, fit-elle. Je vois que vous disposez de beaucoup d’argent. Quatre options s’offrent à vous.
— Nous t’écoutons, Léa, dit Eo d’un air intéressé.
— Vous pouvez investir votre argent dans différents domaines.
Un écran se dessina dans le ciel avec toutes les options. Culture, enseignement, recherche et développement, énergies non polluantes, construction, etc.
— Ou alors, vous pouvez faire fructifier votre capital en bourse. Sinon, vous pouvez acheter une borne de sauvegarde et repartir dans votre loge. Il vous en coutera la moitié de vos gains.
Eo manqua de s’étouffer.
— Enfin, vous pouvez acheter des options de jeu.
Un nouvel écran s’afficha dans le ciel avec les informations.
— Si nous achetons une borne de sauvegarde, que devient le reste de l’argent ? demanda aussitôt Eo.
— Vous choisissez parmi les autres options ce que vous souhaitez en faire. Faites votre choix ! annonça la gamine comme si nous étions dans un jeu télévisé.
Nous nous tournâmes vers les écrans en silence.
— Je suggère que nous disposions chacun d’un tiers du montant, annonça Eo.
— Je ne suis pas sûr que cela soit la meilleure stratégie, dit L’Émissaire.
— Tu penses à la borne de sauvegarde ?
L’Émissaire hocha la tête.
— Léa, demanda Eo, y a-t-il une borne dans la ville ?
— Affirmatif.
— Nous ne l’avons pas trouvée, releva L’Émissaire.
— Elle doit être quelque part, pourtant.
— Moi, si j’avais inventé ce jeu, je sais où je la mettrais, déclarai-je.
— Ah bon ? sourcilla L’Émissaire.
—C’est symbolique, mais je trouve cela rigolo.
— À quoi penses-tu ?
— À la statue pardi !
— Quoi ? La statue de la Liberté ?
— Oui.
— Ce serait trop simple, répliqua Eo.
— Faut pas toujours chercher midi à quatorze heures, rétorquai-je.
— Si elle n’est pas là-bas, nous resterons coincés ici sans l’achat de la borne, insista Eo, incertain.
— Léa médaillon ! ordonna subitement L’Émissaire.
La petite fille s’exécuta sur le champ et le médaillon glissa vers lui. Il se transforma en mouette et se dirigea vers la légendaire statue en battant des ailes.
— Je vais vérifier !
Eo et moi prîmes la même direction, mais à pied, sans échanger un mot. Je repensai aux mots de mon père dans son carnet de voyage sur les États-Unis. Comme Lady Liberty, je me tourne vers l’Europe et pense à toi.
— Wave, tu es fantastique ! déclara L’Émissaire quelques instants plus tard dans mon casque.
Je sautai de joie. J’avais eu raison. Eo passa un bras autour de ma taille et me colla un gros bisou sur la joue.
— Je suis tellement fier de toi.
— Heureusement que tu m’as choisie, n’est-ce pas ?
— J’ai toujours su que tu serais une équipière de premier choix.
Il nous fallut beaucoup de temps pour rejoindre le bas de la ville. L’Émissaire nous avait rejoint à tire-d’aile pour nous informer qu’un bateau semblait faire la traversée du fleuve.
Nous montâmes à bord et nous mîmes à profit le temps du voyage pour faire notre choix vis-à-vis de nos placements financiers. D’un commun accord, nous investîmes tout notre capital dans la recherche et le développement, l’éducation, la santé et l’emploi pour la ville de New York à concurrence de vingt-cinq pour-cent chacun.
Le bateau apponta. L’esperluette de sauvegarde scintillait au pied de la statue comme je l’avais imaginée. Nous regardâmes quelques instants la ville de loin. J’espérais la voir pour de vrai un jour prochain.
Lorsqu’Eo demanda à Léa de sauvegarder la partie, j’aperçus sur l’autre rivage un homme qui agitait les bras. Trop tard. Il était arrivé bien trop tard. Mon cœur se serra.



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MessageSujet: Re: A.L.E Alternative Life Experience   A.L.E    Alternative Life Experience - Page 8 Icon_minitimeLun 19 Déc 2011 - 9:36

Bonjour,
Content de retrouver vos écrits palpitants. A part un mot que je ne trouve pas terrible"taiseux"', le reste est parfait.
Cordialement
auteur008
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